Ces jeunes hommes ont pris du mal universel une conscience plus nette, et l’habitude plus affinée de leurs âmes fait qu’ils ont ressenti maintes douleurs plus fines. […] Sous l’habitude croissante, les émotions s’affinent, se multiplient. […] Ils vont princièrement, dans un jardin de féerie ; ils vont dans un jardin prodigieux, hors du monde que leur habitude créait. […] Les circonstances où nous vivons nous donnent des besoins spéciaux ; et l’habitude de ces besoins donne à nos organes une disposition spéciale. […] France, en réalité, qui nous a communiqué l’habitude et le goût de ce scepticisme : ni M.
Jonson a pris dans le commerce des anciens l’habitude de décomposer les idées, de les dérouler pièce à pièce et dans leur ordre naturel, de se faire comprendre et de se faire croire. […] Ses habitudes de raisonnement le gênent quand il veut dresser et mouvoir des hommes complets et vivants. […] On ne découvre plus l’homme sous l’habit ; il a l’air d’un mannequin accablé sous un manteau trop lourd. — Quelquefois, sans doute, ces habitudes de construction géométrique produisent des personnages à peu près vivants. […] Et voyez en un instant les habitudes de la prostituée derrière les mœurs de l’empoisonneuse ; Séjan sort, et sur-le-champ, en vraie courtisane, elle s’est tournée vers son médecin, lui disant : « Quel teint ai-je aujourd’hui ? […] La fantaisie surabonde, et aussi le sentiment des couleurs et des formes, le besoin et l’habitude de jouir par l’imagination et par les yeux.
Pour lui, c’est le hasard qui est le véritable auteur du monde ; du hasard naissent des combinaisons plus ou moins passagères, qui sont des habitudes ; ces habitudes, nous les prenons pour des lois ; mais il n’y a point de lois véritables, et, de même qu’il n’y a point de fins ou de buts, il n’y a point de causes : Nature, tu n’es rien qu’un mélange sans art : Car celui qui te crée a pour nom le hasard. […] Ces lois lois que l’on croyait divines autrefois, Et qui sont simplement une habitude prise ? […] Boutroux, applaudissent à tous les arguments dirigés contre la nécessité ou, de son nom moderne, le déterminisme ; eux aussi voient volontiers dans les lois de simples habitudes, et c’est ce que M. […] Richepin, en croyant « aller plus loin que ses devanciers dans le matérialisme », ouvre au contraire la porte à l’idéalisme ; car, si c’est l’habitude qui a tout fait, et si l’habitude n’est pas un résultat de lois mécaniques, elle ne peut plus être qu’un fait vital, une réaction de l’appétit, et il ne sera pas difficile de montrer dans l’appétit le fond même de la vie psychique.
Il s’inquiète peu de coordonner des assonances ; chez lui l’allitération ne porte d’habitude que sur des consonnes : — elle n’influence donc que le rythme, — et en vérité tous les éléments du vers paraissent se subordonner, en tant que musique, à la création d’un rythme personnel, élégant et souple. […] Si l’enjambement parut alors un si grave délit, c’est qu’il rompt cette simultanéité des impressions syntaxique et musicale qu’une habitude de plusieurs siècles avait érigée en charte constitutionnelle de la Poésie. […] On plaquait, — et malheureusement on n’en a pas encore perdu par tout l’habitude, — un son d’orgue sur chaque son de la mélodie chantée, au lieu qu’un discant libre en certains : cas ou, plus souvent, des accords soutenus vinssent souligner et enrichir chaque groupe rythmique de la phrase. […] D’une longue fréquentation chez les Parnassiens, l’auteur des Épisodes a gardé des habitudes sévères de travail et le goût du définitif. […] L’expression directe n’y apparaît qu’à peine, le vers didactique est encore absent, mais les lèvres d’où résonne la musique des rimes ne sont plus toujours cachées par le rideau des images, le geste victorieux détrône l’attitude, et les rythmes ont déjà trouvé leur vie propre en dehors des mesures ; cependant une hésitation, ou un reste d’habitude peut-être, les unit fréquemment à celles-ci, sans qu’ils osent déployer au vent qui passe leurs voiles toutes neuves.
Le problème ainsi posé, tout le reste suit Conformément aux habitudes de l’esprit classique et aux préceptes de l’idéologie régnante, on construit la politique sur le modèle des mathématiques426. […] Depuis cent cinquante ans, il règne dans la littérature, dans la philosophie, dans la science, dans l’éducation, dans la conversation, en vertu de la tradition, de l’habitude et du bon goût. […] Pour acquérir l’intelligence des mots abstraits et l’habitude des déductions suivies, il faut au préalable une préparation spéciale, un exercice prolongé, une pratique ancienne, outre cela, s’il s’agit de politique, le sang-froid qui, laissant à la réflexion toutes ses prises, permet à l’homme de se détacher un instant de lui-même pour considérer ses intérêts en spectateur désintéressé. […] Nous supposons qu’elles sont apaisées, amorties ; nous voulons croire que la discipline imposée leur est devenue naturelle, et qu’à force de couler entre des digues elles ont pris l’habitude de rester dans leur lit.
2° Certains états anormaux, comme la folie, le délire, le somnambulisme, nous révèlent des connaissances ou des habitudes d’action que nous n’avions aucune conscience de posséder dans notre état normal. […] Nous éprouvons la plus grande difficulté à lier pour la première fois deux idées ; puis, par la répétition et l’habitude, elles s’associent si bien que leur désunion paraît inconcevable, même aux esprits éclairés. […] En vertu de la loi d’association, c’est-à-dire d’une loi d’habitude mentale, les actions de la première espèce étant associées constamment dans l’expérience et dans la pensée, avec ce qui produit le bonheur, deviennent elles-mêmes un objet d’approbation : les actions contraires étant associées constamment, dans l’expérience et dans la pensée, avec ce qui détruit le bonheur, deviennent un objet de condamnation. » Par suite le sens moral serait un sentiment acquis, non primitif, dont un exemple grossier, disent les Utilitaires, peut suffisamment expliquer le mode de formation. […] Par suite il se forme dans la pensée une association indissoluble entre la vertu et le bonheur ; puis par la force de l’habitude, nous en venons à pratiquer le devoir pour lui-même, sans préoccupation du bonheur qu’il procure et même au prix du sacrifice conscient et délibéré du bonheur.
Le cardinal de Fleury avait dirigé toute son éducation en ce sens de mollesse ; ce vieillard, de plus de quatre-vingts ans, à la fois par habitude et par ruse, avait tenu constamment son royal élève à la lisière, le détournant de tout ce qui ressemblait à une idée ou à une entreprise, attentif à déraciner en lui la moindre velléité ; il ne l’avait accoutumé qu’aux choses faciles. […] On le vit, pour ses débuts, successivement épris des trois sœurs filles de Mme de Nesle, tant l’habitude et une sorte de routine le dominaient encore jusque dans l’inconstance. […] La même, toujours d’après son frère, suggérait l’idée qu’il serait utile d’engager le roi à se mettre à la tête des armées : Ce n’est pas qu’entre nous, ajoutait-elle encore, il soit en état de commander une compagnie de grenadiers, mais sa présence fera beaucoup ; le peuple aime son roi par habitude, et il sera enchanté de lui voir faire une démarche qui lui aura été soufflée. […] Elle sentait qu’elle n’était pour lui qu’une habitude et pas autre chose.