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208. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Mars, le dieu de la guerre, va encourager les Troyens dans leurs murs. […] Homère semble avoir assisté à tous les détails de la guerre comme à tous les mouvements du cœur humain. […] Le conseil de guerre s’assemble. Diomède se dévoue pour faire une sortie et une reconnaissance dans la plaine ; il choisit Ulysse pour son compagnon de guerre. […] L’excès des scènes de guerre donne à ce milieu du poème la confusion et la satiété d’une éternelle mêlée.

209. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

La guerre est pour les seigneurs un moyen de gagner, et le seul : de là cette fureur de combats, ces éclatantes prouesses, mais aussi cet âpre rançonnement des prisonniers, ce dur pillage des provinces. […] Au fond, la guerre est un tournoi : vainqueur ou vaincu, on se console si l’on est déclaré preux. […] En guerre, enfin, on a le pillage. […] Il prend tout juste sa matière — et c’est la guerre de Cent Ans — comme Chrétien de Troyes a pris l’histoire de la Table ronde. […] Pour les guerres du prince Noir, il a utilisé la chronique rimée du héraut Chandos.

210. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

À l’effet de subvenir aux dépenses extraordinaires de la guerre, on a créé des offices triennaux qui se vendent : Rosny, pour en tirer au profit du roi le plus d’argent comptant possible, s’astreint jusqu’à faire lui-même l’office de greffier du Conseil, et de trésorier, comme on disait, des parties casuelles (c’est-à-dire des droits perçus pour le roi), vendant lui-même les offices, donnant de sa main à l’acheteur un billet adressé au trésorier, afin que celui-ci reçoive l’argent et délivre la quittance, « tellement que nul du Conseil n’y puisse gratifier son parent ni son ami ». […] À ce même siège d’Amiens, un jour que Rosny y est allé, le grand maître de l’artillerie, alors, M. de Saint-Luc, l’invite à dîner et le mène voir ensuite les tranchées et batteries d’artillerie : « De quoi le roi averti lui en sut mauvais gré et s’en courrouça fort contre vous, écrivent les secrétaires, disant qu’il vous défendait absolument de faire le métier de la guerre ni d’aller en lieu périlleux tant que ce siège durerait. » Henri IV même paraît craindre qu’il n’y ait dans l’armée plus d’un jaloux et d’un malintentionné, qui ne serait pas fâché d’exposer Rosny à quelque péril, sauf à s’y hasarder soi-même. […] À une demande que lui fait un jour le duc de Florence, et qui semblait toute simple aux Gondi et à d’autres gens de qualité mêlés dans les affaires, il répond : « À ce que je vois, M. le duc de Florence me prend pour un banquier ou un mercadant ; or, veux-je bien qu’il sache qu’il n’y en eut jamais en ma race, et partant que je n’en ferai rien. » Sully régit la fortune de l’État comme on ferait une grande fortune territoriale, en supposant toujours le cas de guerre possible, en s’aguerrissant pendant la paix et en ayant des fonds en réserve pour l’accident. […] Voyant cependant une guerre prochaine très probable avec le duc de Savoie, Henri IV revient à Rosny, lui confie son embarras, lui explique qu’il ne peut ôter cette charge à M. d’Estrées, au grand-père de ses enfants, sans lui faire affront, et propose l’expédient de retirer la charge de lieutenant général de l’artillerie au vieil officier qui en est chargé, de rehausser cette lieutenance générale de plusieurs prérogatives singulières : Étant rendue ainsi honorable, ma résolution, lui dit Henri IV, serait de la bailler à un certain homme que je connais et vous aussi, qui a le courage bon, l’esprit vif, est actif, diligent, a toujours affectionné cette fonction et témoigné en plusieurs occasions qu’il n’en est pas ignorant… Or, devinez maintenant qui est cet homme-là, et m’aidez à le persuader, car il est fort de vos amis. […] C’est aussi le moment où Henri IV, en ayant fini de ses guerres, s’adonne en bon père de famille, en grand et habile monarque, au raffermissement et à la prospérité de l’État dans tous les ordres.

211. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

C’est un exposé des raisons qui décidèrent La Rochefoucauld (qu’on appelait encore à cette date le prince de Marsillac) à se jeter dans la Fronde et à déclarer la guerre à Mazarin. […] En se faisant homme de parti au sortir de la Cour, et homme de guerre au profit d’une faction, La Rochefoucauld ne rendait pas ses chances meilleures et ne faisait que s’exposer à d’autres mécomptes. Il est bon de savoir aussi que, quelque brave qu’il pût être de sa personne, il n’avait pas le génie de la guerre. […] Battu en politique et en intrigue, malheureux à la guerre, finalement malheureux en amour, étant allé de mécompte en mécompte, M. de La Rochefoucauld n’avait plus de ressource véritable que du côté de l’esprit, et il demanda, en effet, au sien, tout ce qu’il put lui offrir de consolation, de dédommagement et de vengeance permise. […] C’est une rivalité de chaque jour, une guerre sourde ou déclarée, à peine interrompue de trêves.

212. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Appliquant son procédé au plus grand événement de ces âges mythiques et héroïques, à la guerre de Troie, M.  […] Ce savant Villoison, qui avait publié le manuscrit de Venise, croyait n’avoir fait qu’apporter un dernier trésor, et le plus riche de tous, dans le temple consacré au vieil Homère ; en réalité il avait apporté un arsenal, un brûlot, une machine de guerre : de cette édition comme du cheval de bois sortit toute une année d’assaillants. […] Et c’est ainsi qu’il s’engagea alors et pendant des années en Allemagne une guerre homérique, dont nous restâmes en France les spectateurs trop peu attentifs et comme désintéressés. […] Les cinq livres qui suivent le Catalogue des vaisseaux appartiennent à la guerre d’Ilion proprement dite ; on dirait qu’il y a eu d’abord une Iliade distincte et une Achilléide, qui se sont plus tard réunies et fondues en un seul poëme plus compréhensif. […] L’Iliade, au contraire, composée de scènes, d’exploits particuliers, de combats et de duels entre les principaux héros, offre « un splendide tableau de la guerre de Troie en général », et répond parfaitement à ce titre plus étendu sous lequel le poëme est devenu immortel.

213. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Il lui refuse la vue politique étendue, l’intelligence des choses de guerre, l’intelligence des matières de finance : il a parfaitement raison. […] Saint-Simon paraît ignorer qu’à la guerre les talents de chef sont plus rares qu’on ne pense, et qu’à celui qui possède une supériorité, il faut, comme disait Napoléon, passer bien des choses. […] Saint-Simon aurait bien eu besoin d’avoir parmi ses amis un bon général de cet esprit et de ce mérite, pour le renseigner ou le redresser sur les faits de guerre. […] Il vient de poser la généalogie des La Feuillade et de nommer divers membres de la famille : « Celui-ci, dit-il du maréchal, se poussa à la guerre, et fut fort aidé à la Cour par son frère, l’archevêque d’Embrun, qui y était en considération, et qui lui céda ses droits d’aînesse. […] Je ne me dissimule pas les défauts qu’il peut avoir ; mais, dans le grand métier de la guerre, il faut supporter bien des choses.

214. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres. […] « Les soldats, voyant qu’ils ne recevaient pas de gratifications de Galba pour récompenser leur défection involontaire et forcée à Néron, et prévoyant que la paix ne leur fournirait pas autant que la guerre d’occasions d’avancements et de récompenses, penchaient vers la sédition. […] Cette licence passera bientôt de Rome dans les provinces, et, si nous sommes, Galba et moi, les victimes de ce forfait, vous le serez, vous, des conséquences de ces guerres civiles. […] « Enfin, une succession d’orgies et de dénûment les précipitait dans les séditions et dans les factions militaires, de là dans les guerres civiles. […] L’armée la plus redoutable dans l’action est celle qui est la plus soumise avant la guerre.

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