Cette condition analogue à l’esclavage fut le modèle de celle où l’on réduisit les prisonniers faits à la guerre après la formation des cités.
Oublie-t-on que la guerre était la condition de l’Humanité à cette époque ! […] Oui, à travers toutes ces phases successives et au milieu de tous les faits qui les ont marquées ; à travers cette première époque nébuleuse où l’Église soumit les Barbares avec la peur de l’enfer et l’espérance du paradis, les forçant à mettre leurs framées au service de cette idée ; comme à travers les luttes intestines de la féodalité, ou les combats de la monarchie et de la bourgeoisie contre la noblesse d’abord et entre elles ensuite ; comme à travers l’insurrection du pouvoir temporel contre la papauté, et de la société laïque contre les ordres monastiques ; comme à travers les guerres des provinces et des monarchies, et les débats sanglants des sectes religieuses entre elles ; au milieu, dis-je, de tant d’élévations prodigieuses et de tant de chutes non moins remarquables, toujours (pour qui comprend comment l’esprit humain engendre et renouvelle la société), toujours la société, dans ce grand espace de temps, a été fondamentalement la même. […] L’Empire aussi parut une trêve, parce que la brutalité était de mode, et que la guerre couvrait tout. […] Je voudrais voir le bonheur et la paix régner parmi les hommes, et je vois de toutes parts la guerre et l’adversité. […] Et cette plainte n’est pas nouvelle : le Dix-Huitième Siècle commença à la faire entendre au milieu des cris de guerre qu’il poussait contre le passé ; car les philosophes pressentaient bien que l’Humanité à leur suite allait se trouver quelque temps comme déshéritée.
C’est le cauchemar de la guerre. […] On sort de ce livre avec le maudissement de la guerre. […] Alors il esquisse un Jésus, fils d’une parfumeuse et d’un charpentier, un mauvais sujet qui quitte ses parents et envoie dinguer sa mère, qui s’entoure d’un tas de canailles, de gens tarés, de croquemorts, de filles de mauvaise vie, qui conspire contre le gouvernement établi, et qu’on a très bien fait de crucifier ou plutôt de lapider : un socialiste, un Sobrier de ce temps-là, un exaspéré contre les riches, le théoricien désespéré de l’Imitation, le destructeur de la famille et de la propriété, amenant dans le monde un fleuve de sang, et les persécutions, et les inquisitions, et les guerres de religion, faisant la nuit sur la civilisation, au sortir de la pleine lumière qu’était le polythéisme, abîmant l’art, détruisant la pensée, en sorte que les siècles, qui viennent après lui ne sont que de la m… jusqu’à ce que trois ou quatre manuscrits, rapportés de Constantinople par Lascaris, et trois ou quatre morceaux de statues, retrouvés en Italie, lors de la Renaissance, soient, pour l’humanité, comme un jour rouvert, en pleines ténèbres… » « Ça c’était un livre, ça pouvait être faux, mais le livre avait sa logique. […] Elle lui dit : « Tu vois où j’en suis… il se peut que je n’en revienne pas… Alors tout est dit… mais si j’en reviens, je ne suis pas femme à gagner ma vie avec de la confection, — et je veux avoir, un jour, à deux pas d’ici, tu entends bien, le plus bel hôtel de Paris… rappelle-toi ça. » Son amie Camille, la marchande de modes, l’arme alors en guerre, lui fournit un arsenal de toilettes pour son grand coup. […] « Cela m’a éclairé… j’ai mangé, par jour, six livres de mouton, et j’allais à la barrière, le lundi, attendre la descente des ouvriers plâtriers, pour me battre avec eux. » 19 novembre Gaiffe nous accroche sur le boulevard… Je le mets sur ses souvenirs de la guerre d’Italie, où il y a été envoyé comme journaliste.
Entre temps, revenant à l’Odéon pour un instant, George Sand avait donné un Mauprat qui ne réussit pas du tout (1853), que j’ai vu, moi, quelque temps après la guerre, repris à l’Odéon, et que j’ai trouvé très original, un peu lent, mais souvent très beau. […] Mais il n’est pas écrit qu’ici la guerre fasse Le sort des nations, et qu’un tyran hautain Et ses traîneurs de sabre en rut prennent la place Du peuple souverain. […] Il sait accorder quelque attention au renoncement de Polyeucte : « Allez, honneurs, plaisirs, qui me livrez la guerre » et au déchirement du même Polyeucte : « Ô présence, ô combat que surtout j’appréhende » ; mais encore c’est à Sévère et Pauline qu’il s’attache fortement et sur eux qu’il insiste avec force.
Il le conclura surtout s’il a suivi la marche des idées au dix-neuvième siècle et s’il s’est rendu compte de l’étonnante illusion d’optique dont la France a été la victime jusqu’à la guerre allemande. […] Les deux tiers avaient à peine ouï parler de la guerre de 1870 ! […] En 1798, il écrivait à son représentant à Londres19: « Ici c’est une guerre de principes. […] S’il ne sait rien de Jeanne d’Arc à vingt ans, ni de la guerre de 1870, c’est que cette histoire lui a été mal contée, par quelqu’un qui la débite comme une corvée, et qu’il l’a apprise comme une corvée. […] Nous trouvons qu’El Verdugo est un épisode de la guerre d’Espagne ; que le Réquisitionnaire pourrait s’appeler, comme le récit qui le précède, Un Episode sous la Terreur ; que la Grande Bretèche se rapporte, elle aussi, à un épisode des guerres de l’Empire : le héros en est un prisonnier interné en Vendômois.
Cette conciliation prétendue est une guerre déclarée à la religion. […] Si la guerre contre le Congrès a suspendu un instant ce mouvement, il reprend maintenant de plus belle. […] Brigham leva des soldats, et cependant par prudence ou par patriotisme, décida qu’on ne ferait point la guerre à la mère-patrie. […] Bref, tout dans son âme est songe et fumée, tout dans son corps passe et fuit ; sa vie est une guerre et le séjour d’un hôte ; sa gloire après le tombeau, un oubli. […] Il y eut là de longues guerres, un grand établissement et une sorte de moyen âge, comme après l’invasion des Goths d’Alaric, des Lombards d’Alboïn et des Franks de Clovis.
Heureux mille fois les hommes qui ne sont appelés à contempler que dans l’histoire les grandes révolutions, les guerres générales, les fièvres de l’opinion, les fureurs des partis, les chocs des empires et les funérailles des nations ! […] A la place de l’hospice Saint-Bernard, où l’on donne la soupe aux pèlerins, il y aurait une bonne citadelle avec des canons et de la poudre, et toute la diablerie que vous savez ; et puis, au premier moment d’une guerre, ce serait une bénédiction de les voir dégringoler de l’autre côté ! […] Ces préliminaires une fois accomplis, cette dette payée, et comme tout échauffé encore de sa guerre de montagnes, il sort enfin de la politique locale et s’élève au rôle de publiciste européen par ses Considérations sur la France. […] Il y a de la guerre dans son fait, du Voltaire encore. […] L’origine du mal, l’origine des langues, les destinées futures de l’humanité, — pourquoi la guerre ?