Nous aujourd’hui, même quand nous voyons Phèdre, nous ne sommes guère sensibles qu’aux trois ou quatre grandes scènes et à l’admirable style ; mais l’ordre de la pièce, la suite des scènes intermédiaires, leur arrangement et une foule de détails ne nous arrivent plus ; nous n’y entrons plus complètement. […] Sur Bossuet, sur Bourdaloue, sur La Rochefoucauld et Retz, on est allé, depuis plus avant que lui : il n’exprime guère sur leur compte que ce qu’une première lecture courante peut suggérer d’impressions et d’idées à un esprit facile, abondant, éloquent en ces matières. […] Il avait été très avant dans les idées de la Révolution ; il ne s’était guère arrêté qu’en 93, et lorsqu’il s’était vu averti personnellement par la violence et jeté en prison.
Des lettres ainsi refaites et retouchées laissent toujours à désirer quelque chose, je le sais bien ; elles n’ont pas la même autorité biographique que des lettres toutes naïves, écrites au courant de la plume, oubliées au fond d’un tiroir et retrouvées au moment où l’on y pense le moins : mais Courier, homme de style et de forme, n’a guère dû faire de changements à ses épîtres que pour les perfectionner par le tour ; ses retouches et ses repentirs, comme disent les peintres, n’ont pas dû porter sur les opinions et les sentiments qu’il y exprime, et le travail qu’il y met, le léger poli qu’il y ajoute n’est qu’un cachet de plus. […] Envoyé à Rome pendant l’occupation de 1799, témoin de cette émulation de rapines que le gouvernement du Directoire propageait partout dans les républiques formées à son image, il écrit à son ami Chlewaski qu’il a laissé à Toulouse : Dites à ceux qui veulent voir Rome qu’ils se hâtent, car chaque jour le fer du soldat et la serre des agents français flétrissent ses beautés naturelles et la dépouillent de sa parure… Les monuments de Rome ne sont guère mieux traités que le peuple. […] Pour moi, m’est avis que cet enchaînement de sottises et d’atrocités, qu’on appelle histoire, ne mérite guère l’attention d’un homme sensé.
Rappelons-nous, en effet, que le plaisir est le plus ordinairement précédé ou accompagné d’une certaine peine due au besoin et à la non-satisfaction d’une tendance : si la souffrance n’est pas la condition nécessaire du plaisir, elle en est du moins un antécédent habituel, et, au point de vue organique, il n’y a guère d’acquisition de force qui n’ait été précédée d’un manque de force. […] Le cerveau ne connaissait guère que la contiguïté, dont la similarité d’impressions est une conséquence ; l’intelligence ne connaît guère que la similitude, dont la contiguïté est pour elle une simple espèce et une ébauche.
. — La Bohême travailleuse, complètement absorbée dans sa tâche ; celle qu’on trouve échelonnée, la tête entre ses mains, le long des tables de la bibliothèque Sainte-Geneviève, où elle use ses coudes luisants ; — La Bohême silencieuse et recueillie, fuyant les réunions aux expansions bruyantes ; la Bohême vivant par le cerveau et guère par le cœur, n’ayant pas de maîtresses, — peut-être par sagesse et par principes, mais peut-être aussi parce que le sens de l’amour lui manque ; ne se passant aucune faiblesse, mais impitoyable encore pour celles d’autrui. […] Mais dans les circonstances et dans l’époque où sont jetés les personnages de Murger, cette médiocrité tranquille et rangée, qu’ils envient peut-être, ils ne peuvent guère y atteindre. […] Ceci posé — ou plutôt proposé — on conclura facilement que Murger n’est guère un écrivain.
C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guères qu’une perfection, — la perfection matérielle, — et qui savent parfois la réaliser ; mais, par l’inspiration, il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. […] l’auteur des Fleurs du mal, et ne pouvait peut-être guères plus être autre chose. […] Je n’ai guères parlé jusqu’ici que de celui qui appartient plus particulièrement à Baudelaire : le livre qui traite du haschisch ; l’autre, qui traite de l’opium et dont le paradis est bien inférieur au paradis du premier, a été traduit ou du moins très inspiré de Quincey, un vieux mangeur d’opium qui fut poète dans le temps en Angleterre, et qui n’avait pas assez de sa poésie, sans doute, pour s’enivrer et se sentir vivre.
C’est par l’idylle et l’idylle élégiaque qu’il commença sa renommée, et malgré des efforts soutenus, comme on n’en aurait guère attendu de sa gracieuse faiblesse, et qui prouvent que l’entêtement n’est pas la force, même chez les Bretons, c’est par ce seul genre de poésie qu’il se soutiendra dans la mémoire des hommes. […] Or, ce n’était guère que la même qu’il allait donner. Hormis en effet le plan de son poème, qui est ambitieux, et le labeur que l’on y sent, comme l’enclume, si elle avait une âme, sentirait le marteau, Les Bretons n’ont guère (quand ils les ont toutefois) que les qualités idylliques qui firent la fortune de Marie et de quelques pièces du poème qui suivit celui de Marie : La Fleur d’or.
Il finit par être le rêve de Kant, qui n’est guère celui des joueurs de luth. […] Un poète qui paraîtrait l’ignorer ne serait guère de son temps : et M. […] Musset, lui, n’est plus guère le « poète de la jeunesse » d’aujourd’hui. […] Il n’est guère de poète plus détaché de son œuvre, plus purement orfèvre que M. […] Dès lors il n’est guère possible qu’on rie toujours.