Telle était cette Sophie Swetchine qui, dans la hiérarchie des Saints, embrassant comme on le sait, toutes les fonctions et tous les états de la terre, pourrait être, à ce qu’il semble, la patronne des femmes du monde, lesquelles, j’imagine, n’en ont pas eu beaucoup jusqu’ici… C’était l’amabilité, la bonté, la raison pratique, faites saintes et revêtues du calme du ciel… Moraliste chrétienne de bonne humeur, quand les moralistes, même chrétiens, sont plus ou moins moroses, elle introduisit la gaieté dans la foi, qui ne s’y voit guère, et c’est elle qui a pu écrire, en se rappelant son pays : « Je suis avec le bon Dieu comme les femmes russes sont avec leurs maris. […] Ainsi Mme Swetchine, si j’osais, moi, la caractériser, ne serait guère plus que le type de la femme restée femme malgré les milieux et les éducations qui auraient dû la faire grimacer. […] Sainte devait Dieu, ce qui n’est pas douteux, si elle n’est pas absolument UNE Sainte devant les hommes, elle ne fut guère pourtant séparée de cette sainteté absolue que par l’épaisseur de sa douillette de femme du monde, et encore nous ne savons pas si, derrière la soie, il n’y avait pas le cilice. Franchement, quand une femme, pendant vingt ans, a été cela, il n’importe guère de savoir si elle eût réussi peu ou prou dans la littérature : elle a réussi devant Dieu !
Le roitelet, la bergeronnette, le bouvreuil, ne sont pas pour nous un petit roi, une petite bergère, un petit bouvier : nous ne songeons guère à ces gentilles et poétiques images ; et ces mots valent pour nous autant que chat ou cheval, où l’étymologie ne découvre pas de figure. Pareillement nous ne croyons pas prendre dans la trappe celui que nous attrapons, ni attirer avec le leurre celui que nous leurrons ; les gens délurés, hagards, niais, ne représentent guère des faucons à notre imagination, et quand nous dessillons les yeux de quelqu’un, nous ne nous figurons point être un fauconnier qui découvre les paupières de l’animal enfin dompté. […] On ne s’inquiète plus guère aujourd’hui de la noblesse de la figure, et on ne lui demande que la justesse et la convenance. […] C’est pourquoi nos écrivains ne se soucient plus guère de les employer, et l’on a renoncé à dire Cérès pour du pain, Neptune pour la mer, et Bellone, pour la guerre. […] J’ai lu quelque part cette phrase : « Le sabre qui gouvernait (Napoléon Ier) ne s’inquiétait guère de Calderón ni de Schiller. » Et cependant nul ne s’étonne ni n’est choqué des vers suivants : Rome buvait, gaie, ivre, et la face rougie…..
Il ne fait guère qu’une restriction. […] La prose, en effet, se prête à des transpositions que la poésie ne permet guère. […] Les journées ne valaient guère mieux que les nuits. […] Il n’est guère entretenu, ce jardin. […] Il est assez roide et n’a plus guère d’usage aujourd’hui.
Hugo même, jusqu’en 1840, ne fait guère usage que des rythmes égaux du vers classique748. […] Il n’y a guère que deux ou trois pièces où il s’exprime sans l’aide d’une fiction. […] Musset ne s’attarda pas dans le romantisme : les disputes littéraires ne l’intéressaient guère. […] Il n’a guère regardé la nature : classique encore en cela que l’homme seul l’intéresse ; classique de décadence en cela qu’il n’a qu’une psychologie de surface et de convention. […] Il ne donna guère aux libraires, dans sa besogneuse vieillesse, que de la prose.
Il eut alors ce rare bonheur, et qu’il n’a guère retrouvé depuis, de faire une œuvre bonne et juste tout en obéissant à son démon intérieur, d’avoir raison en ayant de l’esprit, et le genre d’esprit dont il est capable. […] Toute âme un peu douce, un peu tendre, un peu soucieuse de l’équité, un peu pitoyable à ce peuple dont on n’a guère le droit d’exciter les appétits quand on n’a rien à lui donner, sera effrayée et scandalisée de l’œuvre de M. […] Rochefort, il faut être bien sûr de son fait ; et cette furie négatrice ne saurait guère aller, semble-t-il, sans un très grand sérieux. Quand on est à ce point convaincu de l’injustice, de l’absurdité, de la monstruosité de l’état social, on ne doit guère trouver que cela prête à rire ; du moins on ne doit pas rire toujours. […] Peut-être a-t-il des moments où il est las de ce rôle d’insulteur et d’énergumène, où il voudrait bien se reposer, où lui-même ne croit plus guère à ses haines, où l’envie le prend d’être équitable, ou simplement indifférent — comme tout le monde, d’être tout bonnement de l’opinion des honnêtes gens et des femmes aimables chez qui il fréquente.
Elle ne se consolerait guère avec le chaos et la cendre. […] On ne trouve guère, en les lisant, qu’à faire des restrictions de goût, de raison ou de morale, ou bien à regretter ce qui leur manque. […] Dans les derniers, l’ingénieux va se raffinant de plus en plus, et l’écrivain ne paraît guère viser qu’au succès du joli académique, par toutes ces petites fleurs de langage que fait applaudir à un auditoire de cérémonie, venu pour le plus sérieux des divertissements, un orateur qui s’évertue à prouver qu’il a de l’esprit. […] Le théâtre de l’esprit encyclopédique, ce sont les salons, — je ne veux pas dire les cafés, invention du dix-huitième siècle ; — ce sont ces salons présidés par des Phrynés honoraires, où, sous prétexte de chercher les principes nouveaux, on se débarrassait des devoirs ; où, dans le plus grand relâchement des mœurs, on poursuivait la destruction des abus ; où, croyant s’éclairer, on ne faisait guère que s’entre-corrompre. […] Je ne vois guère, dans les Mémoires, d’autres joies que celles de la raillerie ou de la vengeance.
A la fin de ce siècle, l’art d’écrire en prose n’avait plus guère à acquérir quant à la matière ; et quant à la langue elle-même, elle ne demandait plus que des perfectionnements de détail, et une certaine discipline dont nous nous occuperons en son lieu. […] Et encore aujourd’hui nous n’avons guère de façons de parler nobles et magnifiques qu’il ne nous ait laissées ; et quoique nous ayons retranché la moitié de ses mots et de ses phrases, nous ne laissons pas de trouver dans l’autre moitié presque toutes les richesses dont nous nous vantons132. » Le choix qu’Amyot fit de Plutarque est de ces convenances que j’ai déjà signalées dans le cours de cet écrit entre les besoins du temps et le génie de l’écrivain appelé à y pourvoir. […] Sa condition n’y servit guère moins que son caractère. […] Il se rend le témoignage qu’il n’a guère de mouvements qui se cachent et se dérobent à sa raison. […] C’est un nouveau trait de Montaigne il n’est guère moins curieux que sceptique.