Nous étions loin de regarder les quatre grandes lois, municipale, électorale, de la garde nationale et du jury, comme la conception définitive qui allait désormais régler et clore les destinées de l’humanité ; mais nous pensions qu’en s’appuyant là-dessus conformément à l’opinion du grand nombre, un gouvernement intelligent et fort aurait pu noblement vaquer à la double tâche qui lui était imposée, d’émanciper graduellement les classes pauvres et laborieuses, de favoriser et de garantir l’affranchissement des nations européennes. Nous lui indiquâmes avec chaleur ce beau rôle de gouvernement civilisateur au dedans et au dehors.
Mais le duc d’Orléans l’aimait et l’estimait : Saint-Simon fut appelé au conseil de Régence ; son rôle n’y fut important que dans les circonstances où ses rancunes servaient les idées ou les intérêts du gouvernement, dans la substitution des conseils aux ministres, dans la déchéance des princes légitimés. […] Feugére, Hachette, 8 vol. in-8 ; Projets de gouvernement du duc de Bourgogne, Mémoire attribué à Saint-Simon, éd.
Sans existence positive avant ce grand homme, fortement organisé sous ses successeurs, ébranlé par les croisades, frappé à mort par Louis XIV, le régime féodal vient d’être remplacé par le gouvernement constitutionnel, par le système représentatif, enfant lui-même de nos plus anciennes traditions, de nos traditions que l’on pourrait appeler primitives. […] Les questions relatives au gouvernement des associations humaines s’offrent sous des aspects tout à fait différents.
La France, la France légère, la France aux chansons, était repoussée vers le sérieux du mépris par ce gouvernement cynique qui s’appelle la Régence comme par une dérision de l’histoire. […] Engoulevent de vanité comme tout poète et pris à la pipée des éloges de salon, il s’était donné à la duchesse du Maine et faisait l’espoir de cette coterie de Sceaux, puissante non par elle-même, car elle ne fut jamais qu’une conspiration de Trissotins, ayant pour chef une Philaminte, mais parce qu’elle représentait, dans les hautes classes, l’opposition au misérable gouvernement du duc d’Orléans.
C’est ce Frédéric Masson qui publia un livre sur le cardinal de Bernis, qui, tout simplement, nous apprenait le cardinal de Bernis, que nous ne savions qu’à moitié, et nous entr’ouvrait cette robe rouge de cardinal qui paraissait rose aux clartés décomposantes du xviiie siècle, et qui avait bien le droit d’être rouge, et du rouge le plus grave et le plus éclatant, puisqu’il y avait par-dessous un homme qui n’était plus le poète badin des marquises, mais le dernier et douloureux ministre d’État d’un gouvernement devenu lamentablement impossible… Bernis était un méconnu. […] Elle sentait que toute cette magnifique maison des Adhémar allait crouler, et que ni la faveur du roi, ni les cordons bleus ni les gouvernements de province ne la sauveraient de sa ruine.
Il a cité devant son tribunal toutes les doctrines, toutes les sciences ; ni la métaphysique de l’âge précédent avec ses systèmes imposants, ni les arts avec leur prestige, ni les gouvernements avec leur vieille autorité, ni les religions avec leur majesté, rien n’a trouvé grâce devant lui. […] J’accorde, si l’on veut, que la chaleur énerve l’âme, et que les pays chauds portent difficilement des gouvernements libres ; mais il ne s’ensuit point qu’il n’y ait pas d’exception possible à ce principe : d’ailleurs il y en a eu ; ce n’est donc pas un principe absolument universel, et encore bien moins un principe nécessaire. […] En Italie comme en Grèce, comme partout, l’art est d’abord entre les mains des sacerdoces et des gouvernements ; mais, à mesure qu’il grandit et se développe ; il conquiert de plus en plus sa liberté. […] Il ne s’est pas trouvé un gouvernement qui ait entrepris au moins de racheter ceux que nous avons perdus, et de ressaisir les grands ouvrages de Poussin, de Lesueur et de tant d’autres, dispersés en Europe, au lieu de prodiguer des millions pour acquérir des magots de Hollande, comme disait Louis XIV, ou des toiles espagnoles, à la vérité d’une admirable couleur, mais sans noblesse et sans expression morale133 ! […] Toute philosophie qui n’aboutit pas à la morale est à peine digne de ce nom, et toute morale qui n’aboutit pas au moins à des vues générales sur la société et le gouvernement est une morale impuissante qui n’a ni conseils ni règles à donner à l’humanité dans ses épreuves les plus difficiles.
On ne peut pas dire que ce Traité soit complet & exempt de défauts ; mais un Ecrivain habile, qui sauroit en conserver les matériaux, les employer avec plus de discernement & de critique, auroit peu de chose à faire, pour en tiret un grand parti & rendre des services précieux à cette partie essentielle de tout Gouvernement éclairé.