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15. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

C’était la gloire ! la gloire manquée, venant tard, mais enfin venue, et non pas d’en bas d’où elle vient souvent, mais d’en haut, d’où elle devrait toujours descendre. Malgré tout, en effet, malgré la contagion de la libre pensée, ce terrible choléra moderne de la libre pensée qui les ronge et qui les diminue chaque jour, les chrétiens sont encore assez nombreux pour faire de la gloire comme le monde la conçoit et la veut, — et, de cela seul que l’Église mettait en question la sainteté de Christophe Colomb, il avait sa gloire, même aux yeux des ennemis de l’Église, qui, au fond, savent très bien, dans ce qui peut leur rester d’âme, qu’il n’y a pas sur la terre de gloire comparable à celle-là ! […] Maintenant que l’Église va en être saisie, personne ne peut toucher, pour la grandir, à une gloire catholique qu’elle est sur le point de parachever. Je n’ajouterai donc pas un atome à cette gloire avec mon atome de préface.

16. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Et toutefois cette : courte épreuve ne pouvait être sans gloire pour l’Italie. […] « Etait-ce vraie gloire ? […] Jusque-là le poëte n’avait redit dans ses chants que les souffrances et les privations de sa vie sans amour, sans liberté, sans gloire. […] « Qu’elle te suffise, ô France, la gloire dont cet homme a rempli tes contrées ! […] « Élevez, élevez votre drapeau de gloire, ô vous, sublimes champions de la foi !

17. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

En parcourant ce second âge des monuments et des ruines éclatantes du génie grec, nous approchons par degrés du grand poëte qui devait en porter si haut la gloire dans ses chants sublimes et populaires. Simonide est un précurseur de Pindare, dans ce culte de la gloire publique si bien assortie à l’imagination des cités libres de la Grèce ; il est le chantre des jeux guerriers et des athlètes vainqueurs ; il écrit en vers l’épitaphe de Léonidas et des siens. S’il passe une partie de sa longue vie à la cour des tyrans de Syracuse, maîtres bons ou mauvais, généreux ou cruels, mais toujours amis des arts, s’il n’a rien du caractère héroïque d’un Eschyle, que nous voyons cependant aller aussi chercher asile à Syracuse, Simonide, du moins, avait senti en poëte cette gloire des armes qu’il ne partageait pas. Rien de plus beau que son épitaphe de Léonidas99 : « Aux morts des Thermopyles une fortune glorieuse, une belle destinée, pour tombeau un autel, monument de leurs ancêtres, une calamité qui est une gloire. […] L’Asie poussa un long gémissement, se sentant ainsi t’rappée à deux mains par la guerre. » On le croira sans peine, ce n’était pas seulement par ces courtes épitaphes que devait se marquer l’admiration du poëte pour la gloire de son pays.

18. (1772) Éloge de Racine pp. -

C’est un genre de gloire bien rare. […] Sa gloire ! […] Il avait assez fait pour sa gloire, mais que ne pouvait-il pas faire encore pour nos plaisirs ? […] ô néant de la gloire et de la renommée ! […] Ce n’est pas que sa gloire leur soit infiniment chère, mais ses défauts leur sont précieux.

19. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

… Elle n’est pas là, cette gloire, et elle ne dépend de personne. […] Sa gloire, à laquelle de petits ouvriers d’un jour se sont mis présentement à travailler pour qu’il restât sur eux un peu de la limaille d’or de cette gloire, qu’ils frottent pour la faire reluire, comme si elle en avait besoin ! sa gloire n’est point ce qu’on peut raconter de lui ou sculpter… Non ! […] Elle ne prend pas tout, pour offrir tout à la gloire. […] Tout ce que j’estime, moi, l’erreur ou l’égarement de Lamartine, la duperie de son cœur, une imagination qui n’aurait dû créer que dans l’ordre de la pensée, constitue pour M. de Lacretelle la gloire de l’homme qui n’avait plus rien à demander à la gloire après les Méditations et les Harmonies.

20. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Il n’est pas extrêmement dur de renoncer, pour la gloire du ciel, à toute celle de la terre. […] … Ceux qui écrivent contre la gloire veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit23. […] Croit-on que la gloire l’aurait ainsi favorisé s’il s’était appelé Martin ou Dupont ? […] La gloire appartient alors au second et non au premier. […] Si la gloire du nom est rare, la vie de l’œuvre l’est infiniment plus.

21. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Ernest Hello, quoique sa gloire ne soit pas faite encore, n’est pas un inconnu, du moins pour moi qui en ai souvent et vainement parlé, et qui aimerais tant à être le héraut de sa gloire future ! […] son ascension dans la gloire. […] Alors Hello, ce fanatique de gloire, non pour lui, mais pour ses idées, parce que la gloire serait pour elles une toute-puissante propagande, aurait de cette gloire désirée, convoitée, poursuivie en vain, autant qu’il en faudrait pour satisfaire l’orgueil d’un homme qui n’aurait plus que de l’orgueil. […] Il restera méconnu, inconnu ; connu ; et de ce que la gloire, qu’il a attendue si longtemps, ne lui vient pas, il se mettra à genoux une fois de plus, et ce sera tout ! […] … Et, s’il doit souffrir de ce manque de gloire comme il en a déjà souffert, eh bien !

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