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291. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Il a l’esprit satirique, est mêlé avec les gens de la Cour, fait des couplets et a été mis à la Bastille pendant quelque temps, soupçonné d’avoir fait des chansons contre le Régent. […] pourquoi donc les gens de lettres, certains gens de lettres, sont-ils seuls à donner ce spectacle de rosser publiquement leurs semblables ? […] Fuyez, La Motte, Fontenelle, et vous tous, poètes et gens du nouveau style ! […] « Les gens sérieux », dit-il, « par un remords un peu tardif, n’aimeront peut-être pas cet amusement qui ne m’a pas coûté plus de sept ou huit jours. » Et, pour s’excuser, il allègue les exemples notables d’avocats et de magistrats qui se sont déridés aux Lettres. […] Ô myopie des gens d’esprit !

292. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Ici la moralité confine à la sottie et à la farce, et il est difficile de savoir pourquoi Mieux que devant ou les Gens nouveaux, qui sont les plus agréables pièces du genre, sont qualifiées de farce morale ou bergerie morale : ce sont purement et simplement des moralités. […] Ce peut être à l’origine une farce de gens d’Église, comme un plaidoyer ridicule sera une farce de gens de Palais. […] Elles ont parfois sur les curés et les moines une violence âpre de plaisanterie qui étonnerait, si l’on n’y sentait moins la haine intense que l’incapacité de sensations fines : on a affaire à des gens pour qui les bourrades sont des caresses. […] Il y a bien quelques exceptions : parmi les pièces assez nombreuses qui font la satire des gens de guerre, tout le monde a lu ce délicieux Franc Archer de Bagnolet, qui figure toujours dans les œuvres de Villon, et que nul aujourd’hui ne lui attribue. […] L’auteur est inconnu : la nature du sujet fait conjecturer qu’il était basochien et voulait amuser les gens du Palais.

293. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

. — Essai sur les gens de lettres. — Éloges des membres de l’Académie française. — Discours préliminaire de l’Encyclopédie. — § III. […] Son Essai sur les gens de lettres eût été un service, s’il y avait plus parlé des devoirs des écrivains que des travers des grands, et des périls de l’indépendance que des inconvénients de la protection. […] C’est pour cela qu’il est si cher à une certaine classe de lettrés, outre son désordre, dont l’attrait n’est pas médiocre pour les gens qui ne goûtent pas l’ordre. […] C’est pitié de voir dans quel cercle tournent ces gens qui le prennent de si haut avec l’esprit humain. […] Les pères endettés pour les mois de nourrice de leurs enfants, s’y réfugieraient contre les gens de justice, et nul n’y pourrait être arrêté que sur un ordre du roi, signé de sa main.

294. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Or, malgré toutes les différences que ses espèces peuvent présenter, quels sont les caractères principaux de cette gens que les historiens reconnaissent partout à l’origine de notre civilisation ? […] La distribution des tâches sociales une fois fixée, lorsqu’il est établi qu’une certaine catégorie de gens est faite pour parler aux dieux, une autre pour combattre les ennemis, une autre pour cultiver la terre ou manufacturer les produits, n’est-ce pas alors que l’idée de l’inégalité des castes inaugure son règne ? […] Les collèges qui réunissent les voisins, comme celui des Capitoliens, à Rome, s’entrecroisent avec les collèges qui réunissent les gens de même race, comme celui des négociants asiatiques à Malaga. […] En ce sens, l’humanisme de la Renaissance, créant, par l’amour des lettres et des arts, de précieux traits d’union entre gens de races et de conditions différentes, préparait l’avènement de la personne humaine171. […] En ce sens, on a raison de dire que les casernes ou les lycées, où se coudoient des gens qui étaient la veille, non pas seulement géographiquement, mais socialement éloignes, sont des écoles de démocratie.

295. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Grâce à cet ordre inusité, les vivres abondent dans le camp d’Amiens, les munitions ne manquent jamais ; Rosny y a fait organiser un hôpital pour les malades et les blessés, et l’on y est si bien que les gens de qualité eux-mêmes s’y font traiter plutôt que de venir à Paris. […] Il a horreur des mésalliances, et il appelle de ce nom les mariages des enfants de la noblesse d’épée « aux fils et filles de ces gens de robe longue, financiers et secrétaires, desquels les pères ne faisaient que de sortir de la chicane, de la marchandise, du change, de l’ouvroir et de la boutique ». […] Il ne distingue point dans les gens de robe telle ou telle classe. […] Il en revient toujours à ses projets de lois somptuaires pour arrêter le luxe et forcer la bourgeoisie, les gens de justice, police, finance, d’écritoire (c’est tout dire), « qui sont ceux qui se jettent aujourd’hui le plus sur le luxe », à rétrograder jusqu’aux mœurs de Louis XII ou de Charles VIII et de Louis XI. […] À une demande que lui fait un jour le duc de Florence, et qui semblait toute simple aux Gondi et à d’autres gens de qualité mêlés dans les affaires, il répond : « À ce que je vois, M. le duc de Florence me prend pour un banquier ou un mercadant ; or, veux-je bien qu’il sache qu’il n’y en eut jamais en ma race, et partant que je n’en ferai rien. » Sully régit la fortune de l’État comme on ferait une grande fortune territoriale, en supposant toujours le cas de guerre possible, en s’aguerrissant pendant la paix et en ayant des fonds en réserve pour l’accident.

296. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Les personnages, il est vrai, n’y sont pas trop gens de bien, le vice y est dominant, tant pis pour ceux qui ont des vices ! […] À l’égard de Paris, vous savez comme je pense ; si je pouvais m’y tenir, je n’aurais point d’autre patrie… Et il expose quelques-uns des motifs et des obstacles trop réels (sans pourtant articuler le principal de ces obstacles) qui l’empêchent de se livrer à ses goûts et d’aller se fixer à Paris pour y étudier, y cultiver les gens de mérite qu’il y rencontrerait, et y devenir lui-même peut-être un écrivain. […] Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ?  […] L’ambition est dans le cœur et dans la moelle des os de tous les gens de la Cour ; mais tous n’ont pas les mêmes idées, ni les mêmes sentiments, il s’en faut de beaucoup. […] » — Sur Voltaire : « Vous avez vu mépriser Voltaire, dites-vous, par des gens qui ne le valent pas… Ceux qui méprisent Voltaire se rangeraient s’il passait, je l’ai vu souvent arriver ; ils n’auraient jamais connu M. 

297. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier. » Ainsi parlait Louvois à Messieurs les gens de qualité qui étaient en faute pour le service. — Louvois, mort, n’eut point les honneurs de l’oraison funèbre, comme tant d’autres (à commencer par son père, Michel Le Tellier), qui ne valaient certes pas mieux que lui par le caractère, et qui ne l’égalaient pas en génie. […] Ce n’est pas à réussir sur l’heure et pour un jour qu’il vise, comme cela suffit aux charlatans, c’est à s’acquérir l’estime des connaisseurs et de ceux qui en jugeront plus tard à l’usage : « Ce n’est pas ici un jeu d’enfants, écrivait-il à propos de ce même Dunkerque, et j’aimerais mieux perdre la vie que d’entendre dire un jour de moi ce que j’entends des gens qui m’ont devancé. » Plein de bonnes raisons, et de celles qu’il donne, et de celles qu’il garde par devers lui dans un art qui a ses secrets, il s’impatiente et s’irrite même des chicanes et des objections qu’on élève quand il a le dos tourné ; il s’en plaint au ministre et d’un ton parfois un peu brusque. […] Vous savez mieux que moi qu’il n’y a que les gens qui en usent de la sorte qui soient capables de servir un maître comme il faut. » — « Je ne comprends pas, lui répond Louvois noblement susceptible et délicat à sa manière, ce que veut dire la fin de votre lettre, par laquelle il semble que vous vous excusiez de me dire la vérité avec trop de franchise. […] Les premiers n’étaient pas toujours purs et nets ; les seconds avaient bon dos, on trichait à leurs dépens, et il se faisait bien des tours de passe-passe : « Assurément, disait Vauban, s’il y avait quelque bon tour dans la filouterie que le Diable ne sût pas, il pourrait le venir apprendre ici… Il n’y a pas une telle école au reste du monde. » Mais les officiers vont plus loin ; quelques-uns, et des plus coupables, pour se blanchir, osent se plaindre des gens qu’emploie Vauban, comme s’il ne surveillait pas son monde : on semble dire que lui-même interrogé ne pourra disconvenir de certains faits. […] Et sur cela, Monseigneur, je prendrai la liberté de vous dire que les affaires sont trop avancées pour en demeurer là ; car je suis accusé par des gens dont je saurai le nom, qui ont semé de très-méchants bruits de moi ; si bien qu’il est nécessaire que j’en sois justifié à toute rigueur.

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