Suivant lui, le genre de la musique françoise, est aussi bon que le genre de la musique italienne. […] L’auteur d’un poëme en quatre chants sur la musique, où l’on trouve beaucoup d’esprit et de talent, prétend que lorsque le genre humain commença, vers le seiziéme siecle, à sortir de la barbarie et à cultiver les beaux arts, les italiens furent les premiers musiciens, et que la societé des nations profita de leur lumiere pour perfectionner cet art.
Aujourd’hui, d’ailleurs, que les connaissances s’effacent et se perdent ; aujourd’hui que la science de l’histoire se réduit presque à des anecdotes ; qu’on abrège tout pour paraître tout savoir, et que la vanité, empressée à jouir, n’estime plus, dans aucun genre, que ce qu’elle peut étaler dans un cercle ; ces recherches pénibles, ces discussions profondes, ces monuments, fruit de quarante ans de travail et d’étude, qui n’ont que le mérite d’instruire sans amuser, et dont le matin, on ne peut rien détacher pour citer le soir, doivent nécessairement, parmi nous, perdre de leur estime. […] Après tous ces noms, on en trouve d’autres qui sont encore célèbres dans des genres différents ; le président de Thou, immortel par son histoire, et le président Jeannin, qui fut négociateur et ministre ; et le cardinal d’Ossat, qui se créa lui-même ; et le père Mersenne, digne d’être l’ami de Descartes ; et Gassendi, presque digne d’être son rival ; et le fameux Arnaud, qui écrivit avec génie, et fut malheureux avec courage. […] Dans ce genre-là même, ces éloges pourraient être beaucoup plus piquants qu’ils ne sont.
Les Anglois les regardent comme des sources abondantes, capables de féconder la sécheresse naturelle de leur imagination ; & leurs Auteurs, dit-on, ne manquent jamais de les lire, quand ils veulent travailler dans le même genre. Malgré tout le mépris qu’on affecte pour la Calprenede, on ne peut se dissimuler qu’il n’ait été, parmi nous, comme le restaurateur du genre romanesque.
La diversité des objets auxquels il s’est attaché, l’a sans doute empêché, non de réussir, mais d’exceller dans aucun genre, comme la trempe de son esprit sembloit l’annoncer. […] Son Dictionnaire historique portatif conservera toujours sa supériorité sur tous les Ouvrages de ce genre qui l’ont précédé, & sur ceux même qu’on a publiés depuis.
Car il faudrait, si l’on étudiait l’histoire de la Conférence, et Dieu sait que ce n’est pas mon intention dans cette causerie, se garder de confondre ce genre spécial et un peu factice avec l’éloquence de la chaire et celle de la tribune ; ce qui rehausse ces deux genres, c’est la gravité de l’objet poursuivi dans les oraisons et dans les harangues, objet religieux, objet politique. […] Désiré Nisard appelait mélancoliquement la confusion des genres. Et en même temps que l’importance politique des sujets traités par quelques conférenciers d’il y a vingt ans, les Eugène Yung, les Émile Deschanel, les Dollfus et d’autres rehaussaient un peu le genre, on voyait les politiciens, les universitaires et même les orateurs sacrés emprunter à la conférence sa manière familière, persuasive et quand on peut spirituelle.
Cette maxime, que nous ne prétendons pas étendre à tous les genres, mais qui, bien approfondie, suffit seule pour conserver la couronne poétique à Fénélon, se trouve développée dans les Ouvrages de cet Ecrivain, par des raisons aussi lumineuses que solides. […] Le don le plus utile que les Muses aient fait aux hommes, disoit l’Abbé Terrasson, c’est le Télémaque ; car si le bonheur du genre humain pouvoit naître d’un Poeme, il naîtroit de celui-là. […] Là, se fait sentir davantage ce genre d’éloquence qui est propre à Fénélon ; cette onction pénétrante, cette élocution persuasive, cette abondance de sentiment qui se répand de l’ame de l’Auteur, & qui passe dans la nôtre ; cette aménité de style qui flatte toujours l’oreille, & ne la fatigue jamais ; ces tournures nombreuses où se développent tous les secrets de l’harmonie périodique, & qui, pourtant, ne semblent être que les mouvemens naturels de sa phrase & les accens de sa pensée ; cette diction, toujours élégante & pure, qui s’éleve sans effort, qui se passionne sans affectation & sans recherche ; ces formes antiques qui sembleroient ne pas appartenir à notre langue, & qui l’enrichissent sans la dénaturer ; enfin cette facilité charmante, l’un des plus beaux caracteres du génie, qui produit de grandes choses sans travail, & qui s’épanche sans s’épuiser ». […] Ce genre de triomphe, si glorieux pour sa mémoire, prouve que, si l’esprit peut s’égarer parce qu’il est faillible, la droiture des sentimens, l’élévation de l’ame, la générosité du cœur, sont des ressources puissantes pour contenir l’amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires seroient tentés de regarder comme une humiliation.
C’est à des talents, en effet, du genre de Carlyle, qu’appartient l’histoire du 4 septembre et de la Commune de Paris, cette misérable et honteuse révolution pondue par la Révolution que Carlyle a peinte et qui est la grande pondeuse de toutes les autres, l’abominable mère Gigogne de toutes celles qui, depuis elle, ont bouleversé le monde, et qui doivent le bouleverser encore. […] Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] … Mais quoi qu’il soit de ces défauts que je relève et de quelque manière qu’on les juge, Carlyle est un peintre d’histoire, qui a créé je ne dirai pas un genre en peinture historique, — je ne crois pas aux genres et je méprise les Écoles : pour moi, les imitateurs les plus forts ne sont jamais que les assassins de ceux qu’ils imitent et les frappent, comme Néron Agrippine, au ventre qui les a portés, — mais Carlyle a fait le premier une chose qu’avant lui on n’avait pas faite.