Virginie n’avait que douze ans: déjà sa taille était plus qu’à demi formée ; de grands cheveux blonds ombrageaient sa tête ; ses yeux bleus et ses lèvres de corail brillaient du plus tendre éclat sur la fraîcheur de son visage: ils souriaient toujours de concert quand elle parlait ; mais quand elle gardait le silence, leur obliquité naturelle vers le ciel leur donnait une expression d’une sensibilité extrême, et même celle d’une légère mélancolie. […] Pendant qu’ils contestaient entre eux, suivant la coutume des créoles oisifs, Paul et moi nous gardions un profond silence. […] Nous portâmes le corps de Virginie dans une cabane de pêcheurs, où nous le donnâmes à garder à de pauvres femmes malabares, qui prirent soin de le laver. […] Gardez-vous bien de retrancher le dialogue du vieillard ; il jette dans le poëme de la distance et du temps ; il sépare les détails de l’enfance du récit de la catastrophe, et donne de l’air et de la perspective au tableau: c’est une inspiration de l’avoir placé là !
Il n’était pas le Polyeucte de la philosophie, et il se maintint bien avec le proconsul Malesherbes, qui lui gardait ses papiers de l’Encyclopédie pour lesquels son devoir aurait été de le châtier. […] Thiers, il aurait aussi tapé sur le ventre de lord Grey… Et on raconte que sur ce point il était si incorrigible que l’impératrice de Russie lui dit un jour, avec une condescendance et une impertinence également impériales : « Ne vous rendez pas malheureux, monsieur Diderot, et gardez votre mauvais ton si cela vous gêne de le quitter. » Certes ! […] Seulement, il garda le don. […] Les expositions de peinture venaient de créer ce genre de critique qui a gardé son nom, — les Salons, — et Diderot écrivit les premiers pour le compte de la correspondance de Grimm, envoyée aux princes d’Allemagne.
Plein d’un tendre respect, comme Joseph de Maistre, pour sa mère, il avait gardé les croyances religieuses et les convictions monarchiques dans lesquelles il avait été élevé. […] » M. de Bonald, comme M. de Chateaubriand, comme M. de Maistre, avait gardé un culte pour la France sur la terre étrangère. […] Après ou avec M. de Chateaubriand, il faut nommer Delille dont la voix, toujours prête à parler quand il s’agissait d’honorer les adversités des Bourbons, gardait envers les prospérités du nouveau pouvoir un silence inflexible. […] Quant aux autres, elle doit les taire, d’abord parce qu’elles ne sont pas connues, plus tard parce qu’elles sont trop connues ; de sorte que la presse, dont le métier est de parler, avait un devoir bien nouveau pour elle, celui de garder le silence. […] Il y a en lui comme un doux et dernier reflet de la littérature de Racine et comme une aurore un peu pâle d’une littérature nouvelle ; son talent porte tantôt la trace de la mélancolie antique, tantôt celle de la rêverie moderne, et c’est un aimable demeurant du dix-septième siècle, qui a gardé quelque chose de son commerce avec la muse d’Atala et de Cymodocée.
Car de petits êtres comme nous ne sont pas capables de garder en eux la grandeur de pareilles œuvres ; il faut que de temps en temps nous retournions vers elles pour rafraîchir nos impressions (12 mai 1825). […] Ces notes de Grimarest gardent, on le voit, ce je ne sais quoi de précis et de réaliste d’un fait divers quotidien. […] N’allez pas non plus trop scier l’air en long et en large, avec votre main, comme cela ; mais usez de tout sobrement, car dans le torrent, dans l’orage de votre passion, vous devez encore garder une modération qui puisse lui donner une certaine douceur. […] Quelle attitude, cependant, gardait Molière devant toutes ces attaques ? […] Il en a la franchise, la verve, la bonté, le rire clair, la netteté de pensée et de langage ; il descend en droite ligne de ces écrivains sans alliage qui gardent dans leurs veines le sang même de notre vieille Gaule, les Rabelais, les Montaigne, les anciens conteurs des temps passés.
Si on les refusait, il fallait se battre : le plus fort gardait son butin. […] L’histoire a conservé le souvenir des folies chevaleresques de François Ier, qui envoya un cartel à Charles-Quint ; mais Charles se garda bien de compromettre sa dignité et sa fortune à ce jeu. […] ) Les observations de Voltaire, sur les instances que Cinna fait à Auguste pour l’engager à garder l’empire, ont du moins quelque chose de très spécieux, et ne sont pas indignes d’un littérateur distingué. […] Cinna, que l’auteur veut et doit ennoblir, devait-il conjurer Auguste à genoux de garder l’empire pour avoir un prétexte de l’assassiner ? […] Gardons-nous donc de souhaiter un Nicomède plus raisonnable, plus modeste et plus prudent.
Formée à l’époque classique de la monarchie absolue, la langue française a gardé de cette tutelle quelque chose de raide et d’aristocratique. […] Il faut se garder de croire, en effet, que nous embrassions le monde par la pensée ; son reflet, oui, mais non sa réalité. […] Ils sortent violemment de l’Église qui les a formés, mais non toutefois sans garder le souvenir de ses enseignements. […] Ceux-là seuls en seront troublés, qui ont retenu les leçons du christianisme et dont les yeux éblouis ont gardé la mémoire de l’idéale pureté qu’il fît resplendir ici-bas. […] Nous nous garderons, au reste, de condamner sans réserve une erreur dont ces chrétiens n’étaient pas entièrement responsables.
En pareil cas, on se console naïvement en disant que l’œuvre a vieilli, tandis que c’est tout le contraire qui est le vrai : l’œuvre a gardé son âge, et nous seuls nous avons vieilli. […] On doit donc se garder de soumettre à l’esprit des coordinations contradictoires. […] Le réel des pièces modernes disloque le talent des comédiens ; et quelques-uns gardent à perpétuité une souplesse d’acrobate. […] Il n’a gardé sa place que dans les théâtres voués encore au mélodrame et dans ceux où l’on cultive les genres mixtes qui tiennent de l’opérette et de l’ancien vaudeville. […] Survient un domestique : au moment d’être surprise, la sous-préfète passe habilement de ce motif léger à un thème de musique classique, qui est, lui, représentatif du sérieux affecté que tous deux croient devoir garder dans le monde où ils font leur entrée.