L’inspiration première de l’éclectisme est en effet bien d’accord avec les instincts naturels et le génie propre de M. […] Ne faisant remonter la philosophie, comme science, que jusqu’à Descartes, le jeune professeur la voyait s’égarant presque aussitôt et ressaisissant seulement la vraie méthode au commencement du dernier siècle, mais avec des préventions exclusives dans les différentes écoles qui s’étaient alors partagé l’Angleterre, la France et l’Allemagne : « Le temps, disait-il, qui recueille, féconde, agrandit les moindres germes de vérité déposés dans les plus humbles analyses, frappe sans pitié, engloutit les hypothèses, même celles du génie. […] Il y a quelques écrivains de notre temps, en très-petit nombre qui ont un don bien rare, ou plutôt une heureuse incapacité : ils ont beau écrire en courant et improviser, ils ne sont jamais en danger de rien rencontrer qui soit contre le goût et le génie de la langue.
Gogol, en effet, paraît se rattacher avant tout à la fidélité des mœurs, à la reproduction du vrai, du naturel, soit dans le temps présent, soit dans un passé historique ; le génie populaire le préoccupe, et quelque part que son regard se porte, il se plaît à le découvrir et à l’étudier4. […] C’est le nom d’un chef cosaque zaporogue, et, dans ce caractère sauvage, féroce, grandiose et par instants sublime, le romancier a voulu nous offrir un portrait de ce qu’étaient encore quelques-uns de ces chefs indépendants des bords du Dnieper durant la première moitié du xviie siècle, date approximative à laquelle se rapportent les circonstances du récit : « C’était, dit-il, un de ces caractères qui ne pouvaient se développer qu’au xvie siècle, dans un coin sauvage de l’Europe, quand toute la Russie méridionale, abandonnée de ses princes, fut ravagée par les incursions irrésistibles des Mongols ; quand, après avoir perdu son toit et tout abri, l’homme se réfugia dans le courage du désespoir ; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en présence d’ennemis voisins et implacables, il osa se rebâtir une maison, connaissant le danger, mais s’habituant à le regarder en face ; quand enfin le génie pacifique des Slaves s’enflamma d’une ardeur guerrière, et donna naissance à cet élan désordonné de la nature russe qui fut la société cosaque (kasatchestvo). […] Ce moment qui suit la séparation est très-bien peint, et les couleurs qu’y a employées l’écrivain devenu poëte nous font entrer dans le génie de la race : « Tarass voyait bien que, dans les rangs mornes de ses Cosaques, la tristesse, peu convenable aux braves, commençait à incliner doucement toutes les têtes.
Son style ne cesse jamais d’être savant, pittoresque et viril ; mais son génie demeure trop étranger au progrès de la société romaine. […] Il n’en est pas moins vrai que le génie romain, tout en professant pour elle le respect religieux qu’il eut toujours pour l’antiquité, ne tarda pas à comprendre que son mouvement était captif dans cette citadelle du droit strict ; de sorte que l’équité, modifiant peu à peu tous les rapports de la propriété, de la famille et des obligations civiles, substitua au système de la loi décemvirale des pensées plus conformes à la liberté, à l’égalité et à la bonne foi. […] Un auteur qui croit que tout est mal à partir des XII Tables ne prouve rien autre chose, sinon qu’avec des dispositions misanthropiques, un homme de génie, grand peintre et moraliste intègre, peut manquer du tact si nécessaire à l’histoire pour discerner, au milieu des maux de ce monde, la somme toujours croissante des biens par lesquels la Providence vient les compenser. » Si cela est vrai de Tacite, de combien d’autres ne le dira-t-on pas ?
C’est alors que les règles seraient de véritables entraves pour le génie. […] L’Académicien. — Vous êtes singuliers, vous autres philosophes modernes ; vous blâmez les poétiques, parce que, dites-vous, elles enchaînent le génie ; et actuellement vous voudriez que la règle de l’unité de temps, pour être plausible, fût appliquée par nous avec toute la rigueur et toute l’exactitude des mathématiques. […] Ce sera toujours l’un des plus grands génies qui aient été livrés à l’étonnement et à l’admiration des hommes.
Armand Silvestre On dit qu’il n’y a plus d’hommes de génie dans ce dernier tiers du siècle, et en effet ceux qui passent pour en avoir se font vieux, et il se peut bien que le temps des génies soit passé. […] Si donc il n’y a plus guère de génies souverains, il y a des « cas particuliers ».
Elle ne connut ni les avantages, ni les abus du génie religieux. […] Mais c’était un naturalisme profond et moral, un embrassement amoureux de la nature par l’homme, une poésie délicieuse, pleine du sentiment de l’infini, le principe enfin de tout ce que le génie germanique et celtique, de ce qu’un Shakspeare, de ce qu’un Goethe devaient exprimer plus tard. […] Des accents inconnus se font déjà entendre pour exalter le martyre et célébrer la puissance de « l’homme de douleur. » A propos de quelqu’un de ces sublimes patients qui, comme Jérémie, teignaient de leur sang les rues de Jérusalem, un inspiré fit un cantique sur les souffrances et le triomphe du « Serviteur de Dieu », où toute la force prophétique du génie d’Israël sembla concentrée 86. « Il s’élevait comme un faible arbuste, comme un rejeton qui monte d’un sol aride ; il n’avait ni grâce ni beauté.
Ceux-ci, saint Paul et saint Jean exceptés, étaient des hommes sans invention ni génie. […] Que la médecine ait des noms pour exprimer ces grands écarts de la nature humaine ; qu’elle soutienne que le génie est une maladie du cerveau ; qu’elle voie dans une certaine délicatesse de moralité un commencement d’étisie ; qu’elle classe l’enthousiasme et l’amour parmi les accidents nerveux, peu importe. […] Aucun travail de réflexion ne réussit à produire ensuite les chefs-d’œuvre que la nature crée à ces moments-là par des génies inspirés.