Il viendra un jour peut-être où l’éducation s’achèvera ; alors ces livres élémentaires seront rejetés avec mépris ; on ne déplorera plus leurs défauts, parce qu’on n’aura plus besoin de leurs qualités, et ils auront rempli leur office qui était d’initier doucement au monde des idées une foule jusque-là profane, et devenue avide probablement d’entrer plus avant dans le temple, et d’arriver au véritable sanctuaire. […] Quelques écrivains de premier ordre, comme George Sand, en firent leur domaine exclusif, et purent, seuls, en tirer des effets d’une merveilleuse beauté ; mais la foule, et malheureusement l’auteur de Fortunio consentit à la suivre, la foule n’alla pas affronter des difficultés si grandes, et se rabattit sur les objets matériels. […] Jules Janin a quelque chose à dire ; il a une foule de réflexions, d’observations, de pointes sentimentales, de bouffées d’enthousiasme qui demandent à s’exprimer : il faut bien leur trouver un moule.
— Tendu vers l’extase dans le vide, épris d’un rêve hors nature, tu foules aux pieds les fortes roses de l’orgueil pour t’éperdre au délire vaniteux d’une perfection où l’idée seule aurait part. […] Parmi les autres, quelques-uns demeurent aussi incapables de s’élever désormais que de retourner se perdre dans la foule à qui ses sensations suffisent pour être heureuse, à condition qu’elles se masquent de la duperie sentimentale. […] Ceux de la foule qui leur promettent la pâture et qui leur persuadent qu’étant le grand nombre ils sont infaillibles, trouvent seuls à se faire entendre en leur prêchant l’égalité, c’est-à-dire l’abaissement général sous un niveau commun. […] Parmi cette foule inquiète, je distingue cinq hommes épuisés qui tombent à chaque pas qu’ils font. […] Le prêtre, sous son dais, portait le grand fétiche d’or et il l’agitait au-dessus de la foule à genoux en psalmodiant des incantations.
Leurs auteurs ne pouvaient les produire qu’en s’assimilant une foule d’invention faites avant eux et en en profilant. […] Seulement il est naturel que ce caractère personnel de l’idée varie avec une foule de circonstances. […] Mais ensuite il s’en faut que tout soit fini, les inventions doivent continuer, les principes secondaires, les applications diverses, viennent encore compliquer le système et y introduire une foule de créations nouvelles. […] « Quand je me sens bien, dit-il, et que je suis de bonne humeur, ou que je voyage en voiture, ou que je me promène après un bon repas, … les pensées me viennent en foule et le plus aisément du monde. […] Si l’amour a fait de bons poètes comme Musset, et de mauvais comme une foule d’inconnus, il ne reste pas sans influence sur l’imagination créatrice des médiocres.
Malgré toutes les barrières que sa naissance érigeait entre elle et la foule, elle a subi la contagion du siècle. […] Elle a d’abord été habillée en guerrière et tout le monde l’admirait pour sa belle tenue sous les armes ; puis elle a mis des vêtements bourgeois qui ne lui allaient pas trop mal ; puis elle a revêtu la robe populaire, et elle s’est montrée à la foule. […] De même, n’écrivant point pour une élite, mais bien pour les foules, il maîtrise son génie naturel et, par un admirable désintéressement, se condamne à revêtir ses pensées du style le plus terne. […] Est-ce à dire qu’à l’exemple de son aïeul, ce petit-fils de Voltaire croie au bienfait d’une religion pour la foule ? […] Et, quoi qu’il ait envisagé parfois sans frémir la pensée de l’anéantissement de notre monde absurde et misérable, il n’a pas eu le front de prêcher à la foule son évangile désolé.
La loi mécanique de la conservation de la force en commande une foule d’autres. […] Pour remuer des masses, pour condenser les colères des foules en une poussée unique et violente, je ne vois guère d’égal à Taine que M. […] Et peut-être les foules ont-elles raison. […] Indispensable encore pour agir sur les foules. […] le gai convive, il a l’air presque morose, coudoyé par cette foule pimpante.
Le jeune M. de Longueville fut tué, on le sait, un moment après le passage du Rhin, en se jetant, par un coup de valeur imprudente, dans un gros d’ennemis qui fuyaient, et avec lui périrent une foule de gentislhommes. […] Pour moi, je lui souhaite la mort, ne comprenant pas qu’elle puisse vivre après une pareille perte. » Et sept jours après cette lettre (27 juin) : « J’ai vu enfin Mme de Longueville ; le hasard me plaça près de son lit : elle m’en fit approcher encore davantage, et me parla la première, car pour moi, je ne sais point de paroles dans une telle occasion ; elle me dit qu’elle ne doutoit pas qu’elle ne m’eût fait pitié ; que rien ne manquoit à son malheur ; elle me parla de Mme de La Fayette, de M. d’Hacqueville, comme de ceux qui la plaindroient le plus ; elle me parla de mon fils, et de l’amitié que son fils avoit pour lui : je ne vous dis point mes réponses ; elles furent comme elles devoient être, et, de bonne foi, j’étois si touchée que je ne pouvois pas mal dire : la foule me chassa.
Dès que l’ardeur des sens s’est amortie, on se trouve, comme Sophocle, délivré d’une foule de tyrans insensés. […] « Tant que les philosophes ne seront pas rois, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se trouveront pas ensemble, et qu’une loi supérieure n’écartera pas la foule de ceux qui s’attachent exclusivement aujourd’hui à l’une ou à l’autre, il n’est point, ô mon cher Glaucon, de remède au maux qui désolent les États, ni même, selon moi, à ceux du genre humain, et jamais notre État ne pourra naître et voir la lumière du jour.