Mais cette œuvre nous conduit vers la fin du premier tiers du xiiie siècle ; à cette date, l’histoire en prose était née : le genre avait trouvé sa forme. […] Geoffroy de Villehardouin61, Champenois, dont le nom se rencontre dans deux chartes de la comtesse Marie, la fine et noble dame qui inspirait Lancelot, nous met sous les yeux, en sa personne et par son récit, le monde réel en face du fantastique idéal que décrivait son compatriote Chrétien de Troyes. […] Celui-ci naît quelques années seulement après la mort de son devancier : mais un siècle à peu près sépare les deux œuvres, et l’Histoire de Saint Louis nous conduit aux premières années du xive siècle, presque à la fin du véritable moyen âge. […] Point de sentimentalité du reste, ni de mélancolie : la joie domine et dans l’âme et dans la parole de Joinville ; mais il a dans l’occasion, sur les misères de ses amis ou de ses compagnons, des expressions de tendresse et de piété, fines comme le sentiment qui un moment attrista sa belle humeur.
Voilà pour l’objet : quant à l’expression, il la veut fine, délicate, observatrice de toutes les bienséances mondaines. […] C’est une chose curieuse que cet art du xviie siècle qu’on accuse de n’avoir connu que la froide raison, est celui qui fait le plus une loi d’adapter la nature à l’esprit, et qui pose nettement le plaisir comme sa fin suprême, comme la condition nécessaire et presque suffisante de la perfection. […] De cette conception du but de l’art, résultent certaines particularités du langage de Boileau ; au vrai, au simple, au naturel, qu’il réclame, s’ajoutent des expressions faites d’abord pour inquiéter : le pompeux, le noble, le fin, l’agrément, l’ornement. […] Mais, au contraire, l’accord était parfait entre Boileau et le groupe des grands écrivains qui ont illustré la fin du siècle : l’art naturaliste qu’il s’est appliqué à définir nous donne la formule même des chefs-d’œuvre.
Gout [Montesquieu] Nous joindrons à cet excellent article, le fragment sur le goût, que M. le president de Montesquieu destinoit à l’Encyclopédie, comme nous l’avons dit à la fin de son éloge, tome V. […] Ceci ne se sent pas seulement dans de certains ouvrages de Sculpture & de Peinture, mais aussi dans le style de quelques écrivains, qui dans chaque phrase mettent toûjours le commencement en contraste avec la fin par des antitheses continuelles, tels que S. […] Lorsqu’une chose nous est montrée avec des circonstances ou des accessoires qui l’aggrandissent, cela nous paroit noble : cela se sent sur-tour dans les comparaisons où l’esprit doit toûjours gagner & jamais perdre ; car elles doivent toûjours ajoûter quelque chose, faire voir la chose plus grande, où s’il ne s’agit pas de grandeur, plus fine & plus délicate : mais il faut bien se donner de garde de montrer à l’ame un rapport dans le bas, car elle se le seroit caché si elle l’avoit découvert. Comme il s’agit de montrer des choses fines, l’ame aime mieux voir comparer une maniere à une maniere, une action à une action, qu’une chose à une chose, comme un heros à un lion, une femme à un astre, & un homme leger à un cerf.
C’était à la fin de 1683, ou au commencement de 1684. […] Plus heureux encore que l’auteur des Maximes, qui n’avait eu affaire qu’à de grandes passions et à de grands vices, La Bruyère avait surtout affaire aux travers qui sont ou le commencement ou la fin des vices ; et, le plaisir du ridicule tempérant chez lui l’indignation du mal, il devait être plus modéré et plus agréable, en même temps qu’il était plus varié. […] Comment être moraliste, sans être fin ? […] Suard dit avec raison « qu’en lisant avec attention les Caractères de La Bruyère, il semble qu’on est moins frappé des pensées que du style, et que les tournures et les expressions paraissent avoir quelque chose de plus brillant, de plus fin, de plus inattendu, que le fond des choses mêmes. » Mais il a tort d’ajouter que c’est moins « l’homme de génie qu’on admire alors que le grand écrivain. » Qu’est-ce donc dans les lettres qu’un grand écrivain qui n’est pas un homme de génie ?
Chapitre XXXVII et dernier 1679 et 1680 (fin de la huitième période). — Mademoiselle De Fontanges, nouvelle maîtresse du roi. — Madame de Montespan moins jalouse d’elle que de madame de Maintenon. — Grossesse, maladie, mort de madame de Fontanges. — Éloignement définitif de madame de Montespan. — Étroite amitié du roi et de madame de Maintenon. — Triomphe de madame de Maintenon qui obtient du roi un retour vers la reine dont il faisait le malheur. — Le triomphe de madame de Maintenon est celui de la société polie. […] À la fin de février, le roi partant pour aller au-devant de madame la dauphine, « il se trouva le matin dans la cour de Saint-Germain un très beau carrosse tout neuf, à huit chevaux, avec chiffres, plusieurs chariots et fourgons, quatorze mulets, beaucoup de gens autour habillés de gris ; et dans le fond de ce carrosse monte la plus belle personne de la cour, avec Des Adrets seulement, et des carrosses de suite pour les femmes135. » Le 6 mars, il y eut bal à Villers-Cotterets : « madame de Fontanges y parut brillante et parée des mains de madame de Montespan, qui lui rendit ainsi le secours qu’elle-même avait reçu de madame de La Vallière. […] Le triomphe de madame de Maintenon ne fut pas de s’élever au rang de femme légitime d’un puissant roi : ce fut d’avoir ramené ce prince à ses devoirs envers la reine dont il faisait le malheur par le désordre de sa vie, et d’avoir mis fin à la contagion de son exemple. […] Elle allait mettre fin au scandale de ses désordres par une à hypocrisie de commande, et se renfermer par contrainte dans les bornes de décence que la société d’élite s’était données par sentiment et par bon goût.
Cette prière interminable se gâte d’ailleurs terriblement à la fin. […] C’est un curieux contraste que celui du choc des deux femmes : la lutte d’un pot de terre contre une lasse de fine porcelaine. […] M. de Montaiglin, dans cette fin de scène, dépasse la taille moyenne de la sublimité naturelle. […] Mais le portrait est d’une justesse si mordante, d’une ironie si fine et si contenue, qu’il ne soulève pas un scrupule.
Jeune, actif, d’un jugement net et fin, en relation de famille avec ce qu’il y avait de plus noble dans les Pays-Bas autrichiens et à la cour de Vienne, il se trouva du premier jour très bien introduit à celle de Versailles, des mieux placés pour observer et s’y plaire ; il fut particulièrement de la société de la Dauphine, bientôt reine, Marie-Antoinette. […] N’oublions pas que nous sommes ici chez le prince de Poix, c’est-à-dire au point de vue de Versailles et de ce monde exquis, élégant, d’une simplicité qui était le dernier degré du bon goût et de la recherche fine. […] — À travers toutes ses déclamations et le mépris qu’il répandait sur les ministres, il se montrait monarchique, et répétait que ce n’était pas sa faute si on le repoussait et si on le forçait, pour sa sûreté personnelle, à se faire le chef du parti populaire : « Le temps est venu, dit-il, où il faut estimer les hommes d’après ce qu’ils portent dans ce petit espace, là, sous le front, entre les deux sourcils. » Ceci se passait à la fin du mois de juin 1789. […] Vers la fin, l’orateur en Mirabeau compliquait le politique et traversait l’homme d’État, comme le Rhône impétueux fertilise, enrichit et aussi parfois inonde et ravage le Comtat et la Provence.