Voilà que les vagues, rouges comme du feu, courent en fumant dans l’enceinte du moule ! « Heureuse est la puissance du feu, quand l’homme la dirige, la domine. […] La colonne de feu roule en pétillant de distance en distance, et grandit avec la rapidité du vent. […] quand le bronze embrasé éclate de lui-même et se répand en torrents de feu. […] Il y a du feu, il n’y a point de foyer.
Le seul malheur en ce premier moment fut qu’en quittant la place ils mirent le feu au bazar où étaient toutes les marchandises et ce qui se vend au poids : « Aussi advint-il de cette chose, dit Joinville, comme si quelqu’un demain mettait le feu, Dieu nous en garde ! […] On a à traverser un bras du Nil ou canal, et ce n’est point sans grand effort qu’on y parvient ; car les Sarrasins lancent le feu grégeois, et les tours en bois que construisent les croisés pour soutenir les travailleurs sont en danger d’être incendiées. […] Un soir, les Sarrasins lui lancent à plusieurs reprises le feu grégeois, qui avait quelque chose de magique et de diabolique à ses yeux comme aux yeux de tous ceux de l’Occident : Toutes les fois que notre saint roi entendait qu’ils nous jetaient le feu grégeois, il se dressait en son lit et tendait les mains vers Notre Seigneur, et disait en pleurant : « Beau sire Dieu, garde-moi mes gens ! […] « Saint Louis, dit Tillemont, était blond et avait le visage beau comme ceux de la maison de Hainaut, dont il était sorti par sa grand-mère Isabelle, mère de Louis VIII. » Pour achever de comprendre ce genre de beauté noble et attrayante, d’une douce fierté, cette trempe royale et chrétienne tout ensemble, je crois qu’on y peut introduire quelque chose de l’idée d’un saint François de Sales avec moins de riant, avec plus de gravité de ton et de relief chevaleresque, avec le casque d’or et le glaive nu aux jours de bataille : mais c’était également une de ces natures en qui le feu intérieur reluit et qui se consument d’elles-mêmes de bonne heure par trop de zèle et de charité. […] En reprenant le cours du fleuve, ils donnèrent à un endroit dans les galères du Soudanab, qui leur lancèrent, à eux et aux autres chevaliers qui étaient sur la rive, si grande quantité de feu grégeois, « qu’il semblait que les étoiles du ciel tombassent ».
Dans la nuit claire-obscure, une flamme bleue, sans blesser ce qu’elle touche, çà et là danse et parcourt en zig-zag tous les points de l’horizon fantastique ; les fleurs en feu s’éteignent, se rallument ; des esprits chuchotent dans le vent, et les montagnes se dressent, vagues formes vacillantes, dans le clair de lune indécis : c’est l’image de la poésie romantique122. […] Il protège les sots contre le bourreau comique qui leur enfonce aux applaudissements des sages, ses coups d’épingle dans le corps, et lui arrachant l’épingle, il la plonge agrandie et transformée en glaive de feu dans le sein du bourreau, et dans celui des sages qui applaudissent129. — L’humoriste installe sa propre personne sur le trône130, parce que le petit monde intérieur, plus vaste que le vaste monde extérieur, ouvre à l’imagination un champ infini ; mais s’il élève son moi, c’est pour l’abaisser et l’anéantir poétiquement comme le reste de l’univers. — Il déborde de sensibilité131 : lorsque, planant sur le monde, il se balance dans sa légère nuée poétique, ses larmes brûlantes tombent comme une pluie d’été qui rafraîchit la terre. […] Le feu pathétique d’Hamlet, comme le feu de joie de Falstaff, jaillit sans interruption en étincelles humoristiques134. […] Shakespeare, au milieu même de son feu pathétique, fait jaillir ses fleurs humoristiques.
Pleins de goût et de feu, ces jeunes doctrinaires formaient une société d’une espèce rare, une académie à la fois savante, policée et enthousiaste. […] Le même feu qui avait jeté Henri Lagrange dans les batailles de la rue, où il récolta six mois de prison quand il n’avait pas dix-sept ans, l’enflamma durant la guerre. […] J’aime infiniment ce feu et cette dureté. […] Je les pose à même sur le papier pour qu’ils jettent librement leurs feux. […] Quel globe de feu, quel buisson ardent de l’univers enflamme ces héros ?
De ces Lettres à une inconnue sortent, comme d’un merveilleux tombeau entrouvert, deux poétiques oiseaux blancs, deux tourterelles, deux âmes mélancoliques et plaintives ; l’âme, inconnue jusque-là, de feu Mérimée, et l’âme de l’inconnue, qui le restera par-delà ! […] On dira : l’âme de feu Mérimée, comme on a dit : l’âme de feu Brassier ! […] Ces lettres ne modifieront en quoi que ce soit l’opinion des vrais connaisseurs sur les puissances cérébrales et pectorales de feu Mérimée. […] Il faut donc rayer l’amour des mérites nouveaux de feu Mérimée. […] Après les inexplicables engouements, quand la Critique aura cessé de sonner les cloches comme pour une naissance, la naissance de facultés inconnues et battant neuf dans feu Mérimée, ces lettres, sans amour sincère, sans éloquence de cœur, sans aperçus sur quoi que ce soit, sans un seul jaillissement ou pétillement d’idées ou de mots, montreront un Mérimée bien inférieur à celui de ses œuvres.
Hors de là, une autre influence qui dominait aussi, une influence de scepticisme et de philanthropie, de précision mathématique et de déclamation, était si peu poétique par elle-même que c’est surtout pour la combattre qu’on vit se ranimer quelque feu de poésie. […] Sous les effluves de feu qui jaillissaient de la tribune et des clubs de Paris, ce fut un grand spectacle que l’Angleterre orageuse et contenue, frémissante et maîtresse d’elle-même, tentée par l’anarchie et défendue contre l’anarchie par la liberté. […] Vous-mêmes, tempêtes qui vous amassez autour des feux naissants de l’aurore, le soleil se lève, quoique vous cachiez sa lumière. […] Le venimeux serpent ne s’abrite pas sous un si frais bocage : fils du soleil, il aime à reposer sur une couche de feu allumé par la nature, un sol sec et brûlant, entre quelques débris de tours écroulées, au-dessus desquels le pepel étend son ombre ; ou bien, autour d’une tombe, il enlace ses écailles, gardien naturel des portes de la mort. […] L’état du monde, la science de l’apôtre, le lieu de sa mission, la forme de son sacrifice, tout est bien changé, bien divers : ce sont les horizons de feu, les diamants de Golconde, le luxe de Calcutta, les palais des princes déchus, au lieu des huttes éparses sur les bords du Rhin et dans les forêts de la Thuringe ; mais l’âme du charitable apôtre est la même.
Les Romains célébraient les mariages par l’emploi solennel de l’eau et du feu : parce que les premiers mariages furent contractés naturellement par des hommes et des femmes qui avaient l’eau et le feu en commun, comme membres de la même famille, et dans l’origine comme frères et sœurs. […] Ce respect du foyer domestique était commun aux barbares du moyen âge, puisque même au temps de Boccace, qui nous l’atteste dans sa Généalogie des dieux, c’était l’usage à Florence, qu’au commencement de chaque année, le père de famille assis à son foyer près d’un tronc d’arbre auquel il mettait le feu, jetait de l’encens et versait du vin dans la flamme ; usage encore observé, par le bas peuple de Naples, le soir de la vigile de Noël. On dit aussi tant de feux, pour tant de familles.