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35. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Mais leur courage viendrait sans doute à défaillir s’il leur fallait constater que tous leurs efforts ne vont qu’à remplacer un mensonge par un autre et que les conditions mêmes de la vie phénoménale les condamnent à créer sans cesse des perspectives plus ou moins fausses. […] Au moyen de cette illusion suprême, l’homme, concevant la vie phénoménale autre qu’elle, n’est en son fond le plus essentiel et rassemblant toutes ses forces pour la réduire à cette fausse conception, s’élance constamment vers l’impossible. […] Loin d’être le point fixe sur lequel il était permis de s’appuyer pour mesurer tout le reste, elle est le prisme qui fausse et modifie à notre vue tous les aspects de l’univers.

36. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Une même fausse rondeur appartenait à l’un et à l’autre. […] Ainsi en prend aux Muses désorbitées par le cruel vieillard à la faux ! […] Ce qui est faux. […] Elle est nocive enfin, et au résumé, comme fausse élite. […] Un mouvement réel, saisi par un œil exercé, paraît faux au commun public.

37. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Tout ce qui contribuerait à nous rendre dans l’expression la netteté première, à débarrasser la langue et l’esprit français du pathos et de l’emphase, de la fausse couleur et du faux lyrique qui se mêle à tout, serait un vrai service rendu non seulement au goût, mais aussi à la raison publique. […] Malgré le pédantisme des fausses sciences et les restes de barbarie, la disposition et le tour particulier à l’esprit français ne laissaient pas de se faire jour, et les natures originales prenaient le dessus. […] Lorsque viendra la seconde moitié du siècle, lorsque Jean-Jacques Rousseau aura paru, on s’enrichira de parties plus élevées, plus brillantes et toutes neuves ; on gagnera pour les nuances d’impressions et pour les peintures, mais la déclamation aussi s’introduira ; la fausse exaltation et la fausse sensibilité auront cours. […] À partir de la seconde moitié du xviiie  siècle, le monde, à cet égard, changea ; la déclamation prit le dessus, et un certain faux montant devint nécessaire.

38. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VII. Le Bovarysme essentiel de l’existence phénoménale »

En même temps, il faut constater que s’il se conçoit nécessairement autre qu’il n’est par le fait de sa division avec lui-même, il ne connaît aussi les objets du monde extérieur qu’indirectement par le rapport incomplet dans lequel ils entrent avec la fausse et partielle représentation qu’il se forme de lui-même. […] Vers quelque solution que l’on incline, il reste toujours que le moi psychologique, pour se connaître, se conçoit nécessairement autre qu’il n’est, que cette fausse conception de lui-même entraîne une fausse conception des choses et frappe la connaissance tout entière d’une tare sans remède.

39. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Ce livre est un diamant faux à trente-six faces. Faux en métaphysique, si on peut dire qu’il y ait de la métaphysique dans ces bigarrures de philosophie sans étoffe ; — faux en morale, puisqu’il la fait naturelle ; — et faux en conception du rôle social de la femme, qui n’est plus qu’un rôle physiologique, car l’idéal est imposé par la nature au nom des lois physiologiques, lesquelles, pour Weill, doivent comprendre toutes les espèces de lois, il est faux encore, le plus souvent, par le style romanesco-philosophique, et, par-dessus tout cela, il n’est pas amusant !

40. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Ils éliminent les faux amis de la littérature, ceux qui ne liraient que s’il n’y avait pas d’autre distraction, ni d’autre passe-temps, gens par conséquent de très peu de goût, n’ayant pas la vocation et qui alimenteraient autant la basse littérature que la bonne et plutôt celle-là que celle-ci ; et ils laissent intacte la troupe de ceux qui sont véritablement nés pour lire. […] La Bruyère a écrit une ligne qui est la plus fausse du monde comprise comme nous la comprenons infailliblement de nos jours, très juste dans le sens où, très probablement, il l’a entendue lui-même : « Le plaisir de la critique nous ôte celui d’être vivement touchés de très belles choses ». […] La critique n’est pas autre chose qu’un exercice continu de l’esprit, par lequel nous le rendons apte à comprendre où est le faux, le faible, le médiocre, le mauvais et à être très sensible au faux, au faible, au médiocre et au mauvais, grâce à quoi nous le sommes pareillement au vrai et au beau et infiniment plus que nous ne l’eussions été sans cet exercice. […] Il est absolument faux ! […] La Bruyère a très bien indiqué pourquoi l’on a honte de pleurer au théâtre, tandis que l’on n’a point honte d’y rire : « Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse surtout en un sujet faux et dont il semble que l’on soit là dupe ? 

41. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Ils ne doutèrent point qu’il ne vint de quelque faux frère. […] Les noms d’athée, d’impie, de faux frere, d’homme sans foi, sans mœurs, sans probité, sans principes, étoient le refrein ordinaire de ses discours & de ses écrits. […] Il ne dit pas que telle religion est fausse ; mais il ne dit pas non plus qu’elle soit vraie. […] On l’accuse d’être faux dans ses citations ; mais, dans un grand nombre qu’on a vérifiées, on ne l’a point surpris en faute : & d’ailleurs seroit-il étonnant que, dans un nombre si prodigieux de passages, sa mémoire se fût quelquefois égarée.

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