/ 2041
687. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ce sentiment de volupté et d’abandon suprême, qui, chez les anciens, chez Homère, chez les Patriarches, chez la bonne Cérès ou chez Booz, comme chez le bon Jupiter aux bras de Junon, est si simple, si facile, qui coûte si peu à la nature, qui est si doux, qui fait naître des fleurs à l’entour, et qui voudrait dans sa propre félicité féconder la terre entière, se raffine avec les âges ; il devient plus senti, plus délicat, plus sophistiqué aussi, chez les épicuriens des siècles plus avancés. […] Ici, il avait affaire à une personne aussi élevée par l’esprit que noble et facile par le caractère, belle et jeune encore, et n’en abusant pas ; qui le comprenait par ses hauts côtés, qui lui ôtait tout sentiment de lien, tout soupçon de tracasserie ; il était gai avec elle, aimable, maussade aussi parfois souriant le plus souvent, et s’émancipant comme un écolier échappé aux regards du maître : « J’ai peur que les temps de courte liberté, dont je jouis si rarement dans ma vie, ne viennent à m’échapper de nouveau. » Il écrivait cela en août 1832, en courant les grandes routes de Paris à Lucerne.

688. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Je recommande la lecture du chapitre vi, qui traite de la campagne de 1757, cette campagne si pleine de vicissitudes et de retours, et dans laquelle Frédéric, réduit aux abois, eut sa victoire facile et brillante de Rossbach, sa victoire savante et classique de Leuthen. […] À côté de la grande édition in-4º, il s’en publie une en plus petit format, à l’usage du commun des lecteurs ; cette petite édition, qui se vend, est plus facile à trouver.

689. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Pour se rendre compte de cet effet, et même en le réduisant à sa valeur, il convient de se rappeler que le Parlement, à cette date comme toujours, était un peu en retard sur le reste du siècle : aussi, en y apparaissant avec sa bonne mine, sa gravité tempérée d’affabilité et décorée de politesse, sa diction facile, nombreuse et légèrement fleurie, son élégance un peu concertée, l’élève adouci et orné de Despréaux fit une sorte de révolution relative ; il eut le mérite d’introduire et de naturaliser au parquet ce qui régnait déjà partout ailleurs ; et lui, le moins novateur des jeunes gens, il entra si à propos dans la carrière, que son premier pas fit époque. […] On peut dire que c’était un bel esprit et un homme incorruptible… Avec cela doux, bon, humain, d’un accès facile et agréable, et, dans le particulier, ayant de la gaieté et de la plaisanterie salée, mais sans jamais blesser personne ; extrêmement sobre, poli sans orgueil, et noble sans la moindre avarice, naturellement paresseux, dont il lui était resté de la lenteur.

690. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Malgré ces invraisemblances, le ton de ce roman, surtout du premier volume, est facile et naturel ; c’est le Gil Blas de Mme Gay, et elle s’y permet sous le masque des traits plus gais, plus vifs, plus lestes si l’on veut, que dans sa première manière. […] Voici les vers faciles et maternels qu’elle avait écrits en tête de l’exemplaire donné à Mme de Canclaux, qui venait de se marier au moment où le roman parut : À ma fille Aglaé.

691. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Pour être utile, il faut être agréable, et j’ose espérer que le tribut que je devais à Dieu et aux hommes plaira à mon siècle. » Et en effet, les Études de la nature, qui furent publiées en décembre 1784, étaient faites exprès pour le siècle même et pour l’heure où elles parurent, pour cette époque brillante et paisible de Louis XVI, après la guerre d’Amérique, avant l’Assemblée des notables, quand une société molle et corrompue rêvait tous les perfectionnements et tous les rajeunissements faciles, sans vouloir renoncer à aucune de ses douceurs. […] Lamartine, dans sa prose, est revenu à ce dernier qui semble plus directement son maître ; il reprend volontiers ce même train des épithètes un peu molles et faciles : Chateaubriand les cherchait et les trouvait plus neuves.

692. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Contemporaine du grand mouvement de la Renaissance, elle y participa graduellement ; elle s’efforça d’en tout comprendre et de le suivre dans toutes ses branches, ainsi qu’il seyait à une personne de haut et sérieux esprit, d’entendement plein et facile, et de plus de loisir que si elle fût née sur le trône. […] Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus !

693. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Il m’est plus facile de me rappeler un paysage en écoutant un air de musique que de me rappeler un autre air de musique, surtout si les sons de l’orchestre ont de la force. […] Une conséquence de cette loi, que Spencer n’a pas tirée, c’est que, si le mouvement de l’esprit vers des idées analogues est facile, le mouvement vers des idées différentes demeure cependant toujours possible, surtout dans les états riches en relations, parce que des parties très diverses du cerveau peuvent vibrer à la fois et sympathiquement sous une excitation, si bien que, la première partie ayant usé sa force, la seconde, déjà éveillée, est toute prête et toute fraîche pour recevoir ie mouvement à son tour.

/ 2041