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324. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Raillerie à part, d’ailleurs, Sainte Térèse, qui n’est guère connue en France que pour deux ou trois mots sublimes, exprime l’amour avec une telle flamme qu’elle a vaincu, avec ces deux ou trois mots, l’ironie du peuple le moins romanesque de la terre, et elle a eu pour lui le charme du romanesque ! […] Voilà la marque distinctive et à part de ce talent, qui n’est pas un talent ; de ce génie qui n’est pas un génie, quoiqu’on lui donne ce nom pour l’exprimer, parce qu’il n’y a pas de nom au-dessus de ce nom. […] Quand Sainte Térèse, dans sa Vie, nous rend compte de ses contemplations intérieures, qu’elle nous dresse une carte de mysticité, comme pilote n’en dressa jamais des mers qu’il aurait parcourues et où tout est marqué, même les plus imperceptibles écueils, quand sa pensée va du recueillement à la quiétude, de la quiétude à l’extase et de l’extase au ravissement, Sainte Térèse s’exprime rarement par des images, et lorsqu’elle en a, c’est comme Dante.

325. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

D’ailleurs, ce travail, qui a un autre but que d’expliquer les procédés de l’art oratoire et d’en mettre les beautés en lumière, sera la preuve d’un fait qu’il faut incessamment rappeler aux peuples affolés de l’art de bien dire, comme le sont les peuples vieux et impuissants ; c’est que l’éloquence véritable, celle que les âges n’éteignent point en passant sur elle, exprime toujours, je ne dis pas seulement une conviction… qu’est-ce que la conviction d’un homme ? […] Il est des gens qui n’entendent point ce mot de moraliste, qui exprime pourtant de si grandes choses. […] Par exemple, les Mystiques chrétiens sont les plus grands moralistes qui aient exprimé du cœur tout ce qu’il contient d’eaux amères et qui l’aient le mieux transpercé du glaive ardent de leurs regards.

326. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Il laisse les choses du sentiment dans lesquelles il excelle, pour exprimer des idées générales de cette force et de cette largeur. […] Nous l’avons dit déjà, ce qui entraîne le plus naturellement Dargaud, c’est la poésie des sentiments ressouvenus et exprimés, c’est la peinture des plus douces images. […] En regard et en contraste, d’un autre côté, je pourrais citer, avant tout, pour prouver ce que j’ose appeler le catholicisme inné des facultés de Dargaud, cette sereine figure du curé et celle plus divine encore de la vieille tante Berthe, deux anges captifs dans des corps de vieillards, deux adorables têtes de saints comme le catholicisme seul en peut produire et le sentiment deviné du catholicisme en peut seul exprimer !

327. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

C’est le même poème, les mêmes sentiments, la même manière de les exprimer. […] Une pareille opinion, dont il m’est impossible de ne pas m’étonner venant de la plume qui l’exprime, aurait peut-être sa valeur si le poème d’Armelle, au lieu de s’adresser aux âmes, une à une, dans l’intimité de chacune d’elles, était une œuvre dramatique, s’adressant à un public en masse, c’est-à-dire à cette moyenne d’esprits qui ne regardent comme vraisemblables et touchants que les sentiments dont ils sont capables. […] » Et ce n’est pas non plus sur la venue tardive du poème de du Clésieux dans la poussée des choses du temps qu’il faut exprimer des regrets, mais sur la perte de ce grand sentiment chrétien, mort comme Turenne, et qui serait nécessaire pour bien sentir cette poésie, austère et attendrie à la fois.

328. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Mais ce ne serait là qu’une manière de s’exprimer. […] Nous venons de distinguer trois règnes différents, si l’on peut s’exprimer ainsi, dans le monde organisé. […] La pensée la plus vivante se glacera dans la formule qui l’exprime. […] Ce qu’il y a d’essentiel dans l’instinct ne saurait s’exprimer en termes intellectuels, ni par conséquent s’analyser. […] Il exprimerait sous une forme concrète le rapport de l’un à l’autre.

329. (1922) Gustave Flaubert

D’un côté il fallait que le sujet tînt encore à l’auteur, exprimât des parties de lui-même, fût à sa manière une confession. […] Il les a exprimées dans un style historique d’une solidité, d’une netteté, d’une autorité parfaites. […] Flaubert possède et exprime son Afrique avec science et solidité. […] Flaubert a exprimé dans ce faible qu’est Frédéric la somme idéale de ses faiblesses. […] Il les exprime principalement dans ses lettres à George Sand.

330. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

On pourrait s’y tromper, et vraiment on aurait raison de s’y tromper, car il serait impossible, pour exprimer la volupté, d’employer d’autres paroles et d’autres accents que ceux par lesquels le véridique poète exprime très exactement les effets de la musique. […] Malheureux, plus qu’on ne saurait l’exprimer, celui qui n’a connu aucun des trois ! […] Nous pouvons vérifier par ce chef-d’œuvre quelques-unes des observations que nous avons exprimées sur le génie poétique. […] Rarement on a mieux exprimé de quelle façon la soumission à la volonté de Dieu doit être comprise par le chrétien. […] Comment exprimer ce bonheur de l’insensibilité absolue, cette plénitude du néant ?

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