/ 2203
412. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Houston Stewart Chamberlain, dans son article sur la traduction de la Walküre, a expliqué quelles raisons absolues interdisent à tout Wagnérien une pareille tentative. […] La presse n’avait pas manqué d’expliquer l’« histoire ». […] Je vais tâcher d’expliquer la chose aussi clairement que possible, et je prie le lecteur, quelle que soit son opinion personnelle sur Wagner, de bien vouloir me suivre. […] Mais je m’afflige de ce que presque tous aient, plus ou moins, « gardé leur moi » — leurs préoccupations personnelles, leurs intérêts actuels — dans les efforts qu’ils faisaient pour expliquer l’œuvre du maître à ceux qui l’ignoraient. […] L’importance d’un ouvrage de ce genre, ai-je besoin de l’expliquer ?

413. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

La partialité de Dante pour le césar d’Allemagne explique le supplice des meurtriers du césar romain. […] M. de Chateaubriand lui-même, dans son poème chrétien des Martyrs, cite l’autorité des Pères de l’Église pour expliquer en ce sens l’éternité des peines et pour effacer de la porte de l’enfer ce vers infernal du Dante : Abandonnez toute espérance, vous qui entrez ! […] Il faudrait autant de pages de commentaires que de vers pour expliquer les innombrables allusions des chants qui suivent. […] « Avec un soupir de tendre compassion », dit-il, « elle abaissa ses regards sur moi avec ce visage d’une mère qui se penche sur son petit enfant en délire. » Elle lui explique, dans un admirable langage, les lois de l’ordre matériel et de l’ordre moral. […] » Un chant tout entier est consacré à un récit des destinées politiques de l’Italie et à la gloire de Justinien ; Un autre à expliquer le mystère de Dieu sacrifiant son fils innocent représentant d’une nature coupable.

414. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Alors, quand un souvenir reparaît à la conscience, il nous fait l’effet d’un revenant dont il faudrait expliquer par des causes spéciales l’apparition mystérieuse. […] L’association n’est donc pas le fait primitif ; c’est par une dissociation que nous débutons, et la tendance de tout souvenir à s’en agréger d’autres s’explique par un retour naturel de l’esprit à l’unité indivisée de la perception. […] Ce qu’il faut expliquer alors, ce n’est plus la cohésion des états internes, mais le double mouvement de contraction et d’expansion par lequel la conscience resserre ou élargit le développement de son contenu. […] On conçoit donc que l’oubli consécutif à un choc, physique ou moral, comprenne les événements immédiatement antérieurs, — phénomène bien difficile à expliquer dans toutes les autres conceptions de la mémoire. […] Et nous avons expliqué comment la lésion cérébrale pouvait occasionner cet affaiblissement, sans qu’il faille supposer en aucune manière une provision de souvenirs accumulée dans le cerveau.

415. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Alors nous avons cru voir l’action sortir de ses antécédents par une évolution sui generis, de telle sorte qu’on retrouve dans cette action les antécédents qui l’expliquent, et qu’elle y ajoute pourtant quelque chose d’absolument nouveau, étant en progrès sur eux comme le fruit sur la fleur. […] Au-dessous des principes de la spéculation, si soigneusement analysés par les philosophes, il y a ces tendances dont on a négligé l’étude et qui s’expliquent simplement par la nécessité où nous sommes de vivre, c’est-à-dire, en réalité, d’agir. […] On n’expliquera donc jamais par des particules, quelles qu’elles soient, les propriétés simples de la matière : tout au plus suivra-t-on jusqu’à des corpuscules, artificiels comme le corps lui-même, les actions et réactions de ce corps vis-à-vis de tous les autres. […] Mais, d’autre part, si ces éléments sont extérieurs aux qualités dont ils doivent expliquer l’ordre régulier, ils ne peuvent plus rendre le service qu’on leur demande, puisque les qualités ne s’y surajoutent alors que par une espèce de miracle et n’y correspondent qu’en vertu d’une harmonie préétablie. […] On pourra, à la rigueur, refuser l’extension aux données de l’ouïe, de l’odorat et du goût ; mais il faudra au moins expliquer la genèse d’un espace visuel, correspondant à l’espace tactile.

416. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Je m’explique : quoique venant à une date déjà avancée du siècle, et de manière à avoir vingt ans lorsque Racine et Boileau faisaient leur glorieux début, il n’en reçut point l’influence directe, précise et comme soudaine ; il ne rompit point avec le goût antérieur, il ne s’aperçut point qu’un goût nouveau, ou plutôt qu’une réforme neuve et en accord avec le vrai goût ancien, s’inaugurait, et qu’on entrait décidément dans une grande et florissante époque qui tranchait par bien des caractères avec la précédente. […] Et ces dernières gentillesses, avec les explications qui s’y rattachent, ne sont plus, sachez-le bien, dans la bouche de Virgile ; cette fois c’est Catulle qui est censé expliquer tout cela à Clément Marot, lequel à son tour l’insère dans sa lettre à Sénecé. […] Cet ouvrage n’eut pas autant de succès au Parnasse qu’il en avait eu à la Cour, et un poète de Paris s’en expliqua de cette manière… Je laisse l’épigramme, assez plate.

417. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

— j’ai pensé souvent à ces deux noms, à ces deux jeunes hommes bien regrettables, si tôt enlevés, un peu trop vantés sans doute, mais qui, en vivant, eussent justifié une bonne partie des louanges ; et ces louanges anticipées ou exagérées s’expliquent naturellement par la mort, par l’impression d’une perte soudaine et sensible, et parce que, tous deux, ils sont tombés entre les bras de leurs amis qui sont tout un parti et tout un corps, — le corps universitaire, le parti religieux. […] Chargé en 1848 de conférences de rhétorique à Louis-le-Grand et ayant à expliquer un auteur français, il avait pris pour texte Victor Hugo, rien que lui, et, dans ses œuvres, rien que ses drames ; il s’était mis à y relever les fautes, les exagérations : il se faisait la partie belle et s’en amusait ; il triompha ainsi pendant près d’une année à huis clos. […] Je m’explique : il possédait les traditions d’école dans leur étendue et dans leur exacte mesure, et, en même temps, il était plein de zèle pour les défendre envers et contre tous, et pour les propager au dehors.

418. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

C’est ainsi que je m’explique l’espèce d’antipathie qu’avait pour l’Académie française un homme qui eût été bien digne d’en être, celui qui avait présidé à la première organisation de l’Institut en l’an IV, et qui en possédait l’esprit, celui qui le premier porta publiquement la parole en son nom, M.  […] Il n’est pas si aisé qu’on le croirait de prouver à des académiciens politiques et hommes d’État comme quoi il y a, dans les Fleurs du Mal, des pièces très remarquables vraiment pour le talent et pour l’art ; de leur expliquer que, dans les petits poèmes en prose de l’auteur, le Vieux Saltimbanque et les Veuves sont deux bijoux, et qu’en somme M.  […] Est-ce à dire, maintenant, et quand on a tout expliqué de son mieux à de respectables confrères un peu étonnés, que toutes ces curiosités, ces ragoûts et ces raffinements leur semblent des titres pour l’Académie, et l’auteur lui-même a-t-il pu sérieusement se le persuader ?

/ 2203