/ 2203
301. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Cela revient au même, je le veux bien, dans la pratique : qu’on explique le fait d’une manière ou d’une autre, le fait est là, on a réussi. […] Erreur qui explique l’échec des morales proprement intellectualistes, c’est-à-dire, en somme, de la plupart des théories philosophiques du devoir. […] Mais il faut expliquer pourquoi elle peut commander absolument, et comment elle se fait alors obéir. […] Ainsi font les philosophes qui expliquent l’obligation morale par la force avec laquelle s’imposerait l’idée du Bien. […] Celle-ci n’explique, de l’obligation, que ce qu’on y trouve d’hésitation.

302. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Ce retard est historiquement facile à expliquer. […] Cela ne s’explique que par le penser confus du poète mystique. […] Ceci s’explique par ce fait, qu’à côté de l’influence de Rossetti il a tout particulièrement subi celle de Baudelaire. […] Celui qui a attendu d’elle que du jour au lendemain elle explique tout le mécanisme de l’univers comme un escamoteur explique ses trucs soi-disant merveilleux, celui-là n’a aucune idée de la tâche réelle de la science. […] Quand celles-ci affirment pouvoir expliquer le phénomène cosmique, la science montre que ces prétendues explications sont du pur bavardage.

303. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Il avait ressuscité toute cette élite sacrée du christianisme, prophètes qui l’ont prédit, apôtres qui l’ont prêché, martyrs qui l’ont consacré de leur sang, Pères qui en ont expliqué et transmis la doctrine. […] Enfin, ce que les contemporains racontent de son action, achève d’expliquer son succès, un des plus éclatants qu’ait obtenus la parole humaine. […] La lecture nous explique l’effet de cet art-là sur l’auditoire ; mais nous ne le sentons pas sur nous-mêmes. […] C’est que Bossuet ne raisonne pas comme l’école ; il explique, à l’aide de tous les moyens du discours. […] On en veut beaucoup à la Rochefoucauld, c’est tout simple ; ce sont en grande partie ses originaux qui réclament ; ils ont leurs raisons pour croire qu’à vouloir expliquer toutes les conduites des hommes par l’intérêt, on les calomnie.

304. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Une rapide analyse de ces travaux suffit à expliquer et à démontrer notre opinion. […] Mais ils ne se trahissent que par des aveux incomplets, et se laissent deviner plutôt qu’ils ne s’expliquent. […] Je ne m’explique pas comment Volnys a pu se méprendre au point de rudoyer Armande et Bélise. […] Scribe se prend très sérieusement pour un chansonnier, et c’est par ce titre qu’il a expliqué publiquement son avènement à l’Académie. […] J’ai supprimé volontairement les personnages parasites qui embarrassent l’action sans l’expliquer.

305. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

J’ai souvent pensé que ce serait à un jeune homme plutôt qu’à un critique vieilli d’expliquer le Cid, de le lire à haute voix et de dire ce qu’il en ressent : je me suis donné, une fois, cette sorte de satisfaction et j’ai fait cette épreuve ; je me suis fait lire le Cid par un jeune ami : c’était lui qui me le commentait comme à vue d’œil par la fraîcheur, la vivacité des sentiments qui s’éveillaient, qui se levaient à tout instant en lui. […] Va-t’en, honte de mon sang. » Mais lorsqu’il en vient à Rodrigue à qui il fait plus que de serrer la main, puisqu’il lui mord un doigt, voyant le rouge lui monter au front et sa douleur s’exhaler par la menace et la colère, il l’appelle « le fils de son âme », et lui confie le soin de sa vengeance ; il croit devoir lui expliquer en même temps, par manière d’excuse, pourquoi il s’est adressé à ses cadets avant lui : « Si je ne t’ai pas appelé le premier, c’est que je t’aime le mieux. […] Elle explique à sa gouvernante que si Rodrigue, par bonheur, sort vainqueur du combat (car un page vient d’annoncer qu’il y a sans doute un combat), s’il vient à bout d’un si grand guerrier qu’est le comte, elle pourra alors l’épouser dignement, l’élever jusqu’à elle ; et elle le voit déjà assis sur un trône, maître des Espagnes, vainqueur des Maures, conquérant de l’Afrique, etc. […] Mais on s’explique peu que le roi, ainsi averti, ne prenne aucune précaution et remette tout au lendemain : singulier monarque par trop débonnaire, et qui prête au sourire.

306. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Je ne sais trop comment l’expliquer, et Bettina y était bien embarrassée elle-même. […] Goethe cueillit une feuille de la vigne qui grimpait à sa fenêtre, et lui dit : « Cette feuille et ta joue ont la même fraîcheur, le même duvet. » Vous croyez peut-être que cette scène est tout enfantine et puérile, mais peu après Goethe lui parle des choses les plus sérieuses et du profond de son âme ; il lui parle de Schiller, mort depuis deux printemps ; et, comme Bettina l’interrompait pour lui dire qu’elle aimait peu Schiller, il se mit à lui expliquer cette nature de poète si différente de la sienne, et pourtant si grande, si généreuse, et qu’il avait eu, lui aussi, la générosité d’embrasser si pleinement et de comprendre. […] » Depuis la mort de la mère de Goethe, Bettina a plus de sujet de se plaindre ; car cette bonne mère connaissait son fils et expliquait à la jeune fille comme quoi l’émotion du poète se retrouvait dans ces quelques lignes légèrement tracées, et qui eussent paru peu de chose venant d’un autre : « Moi, je connais bien Wolfgang (Goethe), disait-elle ; il a écrit ceci le cœur plein d’émotion. » Mais, depuis que Bettina n’a plus cette clairvoyante interprète pour la rassurer, il lui arrive de douter quelquefois. […] Ici encore Goethe garde bien son caractère de curieux qui étudie et qui cherche à s’expliquer naturellement les êtres et les choses.

307. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

À terre, il ne trouvait qu’un Dangeau, un Théophile (comme il le désigne dans ses Dialogues) ; à bord, il trouve une demi-douzaine de Théophiles : J’explique du portugais avec le père Visdelou ; M.  […] On s’explique déjà quel est ce genre d’esprit vif, badin, curieux, étourdi, plein de grâce, et se faisant beaucoup pardonner quand on rapproche une fois et qu’on le connaît. […] Car enfin, nous le connaissons ; il parlait comme un autre dans les conférences au séminaire ; il avait même quelque peine à s’expliquer. […] Une application infinie et un désir insatiable d’apprendre lui tenaient lieu de science ; plus il était ignorant, plus il affectait de paraître savant, citant quelquefois hors de propos des passages latins qu’il avait appris par cœur, et que ses docteurs à gages lui avaient expliqués.

/ 2203