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328. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

N’existe-t-il pas quelque part un monde dont Montesquieu et Gibbon, aux oreilles bouchées comme Ulysse à la Syrène céleste, n’entendirent jamais le bruit ? […] Mais, outre que les Romains sous Aétius, Bélisaire et Narsès, ne se sont pas si aisément dissous sous la poussée barbare et ont prouvé une fois de plus que les nations, toujours faites pour servir, n’existent jamais que par leurs chefs, on oublie trop que les Barbares sont en réalité aussi corrompus que leurs ennemis. […] Il est des esprits qui ne vont qu’à la moitié des choses : mais, disons-le lui, si le progrès existe encore dans la puissance de son esprit, il est dans l’abandon de cette conception historique qui n’est pas le rationalisme, mais qui y touche ; qui lui laisse ses négations, il est vrai, mais qui lui prend la platitude de sa couleur et la maigreur de son dessin, et fait de l’histoire une nabote, — une naine qui n’est pas une fée ! […] Il faut être juste pour tous deux, et la justice, je crois, est d’abaisser de quelques degrés le niveau de l’un et d’élever d’autant le niveau de l’autre, par conséquent de les rapprocher, ces frères, qui ne s’en plaindront pas, mais de les rapprocher sans effacer la distance qui doit exister cependant entre l’auteur des Récits mérovingiens et celui des Récits de l’histoire romaine !

329. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Les hommes qui avaient le plus aidé et exalté ses débuts, les Suard, les Maury, les Parny, les Ginguené, les Garat, ou n’existaient déjà plus ou allaient disparaître. […] On démêla d’une manière générale le sujet du Cours qu’il venait ouvrir ; il se proposait de parler de la société civile, des lois de la civilisation et de la perfectibilité, du rapport qui existe entre les lumières et le bonheur des nations ; c’était un publiciste qui aspirait à remanier le grand problème du xviiie  siècle et à se frayer une voie entre Montesquieu et Rousseau.

330. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Depuis qu’on est deux dans la vie domestique, les communications de l’esprit et l’exercice de la morale existent toujours, au moins dans un petit cercle ; les enfants sont devenus plus chers à leurs parents par la tendresse réciproque qui forme le lien conjugal ; et toutes les affections ont pris l’empreinte de cette divine alliance de l’amour et de l’amitié, de l’estime et de l’attrait, de la confiance méritée, et de la séduction involontaire. […] Il ne faut point comparer les vertus des modernes avec celles des anciens, comme hommes publics ; ce n’est que dans les pays libres qu’il existe de généreux rapports et de constants devoirs entre les citoyens et la patrie.

331. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Nous sommes en droit de dire que le même être est alternativement objet et sujet, conscient avec étendue et conscient sans étendue, et que sans la conscience douée d’étendue, celle qui n’a pas d’étendue n’existerait pas. […] Il existe cependant des limites bien évidentes.

332. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Et, depuis cette époque, plusieurs personnes qu’il n’a pas l’honneur de connaître lui ayant écrit pour lui demander s’il existait encore quelques nouveaux obstacles à la représentation de cet ouvrage, l’auteur, en les remerciant d’avoir bien voulu s’intéresser à une chose si peu importante, leur doit une explication ; la voici. […] Que ce génie, caché encore, s’il existe, ne se laisse pas décourager par ceux qui crient à l’aridité, à la sécheresse, au prosaïsme des temps.

333. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

En amour comme en religion, avec les femmes comme avec Dieu, ce prince était le plus grand donneur de paroles pour ne pas les tenir qui ait jamais existé, alors que la fierté de la parole donnée existait encore, et que l’outrage n’avait pas vieilli de l’ancien mot de foi mentie.

334. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

les petits, — et encore les petits de Paris, visibles seulement à Paris, connus uniquement entre le Gros-Caillou et les Buttes-Montmartre, et dont l’espèce est perdue — entièrement perdue — et n’existe plus passé la banlieue et ses derniers cabarets. […] Sans la prétention littéraire qui les distingue et qui est leur caractéristique, ils ne seraient que des pauvres, non pas de ceux-là que l’admirable Église catholique appelle « les membres de Jésus-Christ », titre sublime qui révolterait leur orgueil ; non pas de ces pauvres honteux qui sont si touchants ; mais des pauvres sans honte, faméliques, paresseux, envieux, impudents, enragés, comme il en existe partout, dans toutes les sociétés du monde, — le fond commun de l’humanité, qui se répète, hélas !

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