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433. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Je n’essayerai pas non plus de définir l’instinct. […] Si, au contraire, il enlevait une chenille à un réseau filé jusqu’au premier tiers seulement, pour la placer dans un autre achevé jusqu’aux deux tiers, de sorte qu’une part de son ouvrage se trouvât ainsi faite d’avance, loin d’évaluer à bénéfice cette économie de travail, elle paraissait fort embarrassée ; pour compléter ce réseau d’emprunt, elle ne semblait pouvoir partir que du premier tiers où elle avait laissé le sien, et s’essayait en vain à refaire l’ouvrage déjà achevé. […] Mais, bien qu’il n’y ait aucune preuve qu’un animal quelconque accomplisse un acte exclusivement pour le bien d’une autre d’espèce distincte, néanmoins, chaque espèce essaye de tirer quelque avantage des instincts des autres, comme elle profite de leur faiblesse relative d’organisation. […] Les Loups, les Renards, les Chacals et les diverses espèces félines qu’on a essayé d’apprivoiser, se montrent tous acharnés à la poursuite des Poules, des Moutons et des Porcs. […] — J’ai essayé de démontrer brièvement dans ce chapitre que les facultés mentales de nos animaux domestiques sont variables et que ces variations sont héréditaires.

434. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

N’accusons pas l’indifférence des contemporains de Vico ; essayons plutôt de l’expliquer, et de montrer que La Science nouvelle n’a été si négligée pendant le dernier siècle que parce qu’elle s’adressait au nôtre. […] N’essayons pas d’expliquer cette uniformité du droit naturel en supposant qu’un peuple l’a communiqué à tous les autres. […] Mais lorsque nous essayons de remonter vers des temps si loin de nous, que de difficultés nous arrêtent ! […] Quant au nombre musical et poétique, il est naturel à l’homme ; les bègues s’essaient à parler en chantant ; dans la passion, la voix s’altère et approche du chant. […] J’essayais d’y démontrer que l’homme est Dieu dans le monde des grandeurs abstraites, et que Dieu est géomètre dans le monde des grandeurs concrètes, c’est-à-dire dans celui de la nature et des corps.

435. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Quiconque est un peu familiarisé avec la distribution géographique des espèces vivantes à la surface du globe, n’essayera pas de rendre compte de l’étroite ressemblance des espèces, cependant bien distinctes, de deux formations, rigoureusement consécutives, par la persistance des conditions physiques de la vie dans les mêmes régions pendant de longues époques géologiques. […] L’accumulation de chaque formation ayant dû être souvent interrompue, et de longs intervalles négatifs s’étant écoulés entre les formations successives, ainsi que j’ai essayé de le démontrer dans le dernier chapitre, nous ne saurions nous attendre à trouver dans une même formation, ou dans deux formations en apparence consécutives, toutes les variétés intermédiaires entre les espèces qui apparurent au commencement et à la fin de ces périodes. […] Dans un chapitre, j’essayerai de montrer que l’adulte diffère de son embryon par suite de variations survenues pendant le cours de la vie des individus, et héritées par leur postérité à un âge correspondant. […] — J’ai essayé de montrer que nos archives géologiques sont extrêmement incomplètes ; qu’une très petite partie du globe seulement a été géologiquement explorée ; que seulement certaines classes d’êtres organisés ont été conservées à l’état fossile ; que le nombre des espèces et de leurs spécimens individuels, conservés dans nos musées, n’est absolument rien en comparaison du nombre incalculable de générations qui doivent s’être écoulées pendant la durée d’une seule formation ; que l’accumulation de dépôts riches en fossiles, d’une puissance suffisante pour résister à des dégradations ultérieures, n’étant guère possible que pendant des périodes d’affaissement du sol, d’énormes intervalles de temps doivent s’être écoulés entre la plupart de nos formations successives ; que les extinctions d’espèces ont probablement été plus fréquentes et plus rapides pendant les périodes d’affaissement, mais qu’il doit y avoir eu des variations plus considérables pendant les périodes de soulèvement, beaucoup moins favorables que les autres à l’enfouissement des fossiles, de sorte qu’elles forment autant de lacunes dans les archives de la terre ; que chaque formation elle-même s’est accumulée avec intermittence ; que la durée de chaque formation a peut-être été courte en comparaison de la durée des formes spécifiques ; que les migrations d’espèces ont joué un rôle important dans la première apparition des formes nouvelles en chaque région et en chaque formation ; que les espèces très répandues sont les plus variables, et, conséquemment, celles qui doivent avoir le plus souvent donné naissance à des espèces nouvelles ; enfin que les variétés ou espèces naissantes ont presque toujours commencé par être locales.

436. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Si l’on nous donne l’image rejetée dans le passé pour antérieure à l’image localisée dans le présent, si l’on y voit une première perception moins intense, ou moins attentive, ou moins consciente, on essaie tout au moins de nous faire comprendre pourquoi elle prend la forme d’un souvenir ; mais il ne s’agira alors que du souvenir d’un certain moment de la perception ; l’illusion ne se prolongera pas, ne se renouvellera pas, à travers la perception entière. […] D’autre part, Heymans a essayé de montrer comment un « abaissement de l’énergie psychique » pourrait modifier l’aspect de notre entourage habituel et communiquer l’aspect du « déjà vu » aux événements qui s’y déroulent. « Supposons, dit-il, que notre entourage habituel ne fasse plus résonner que tout bas les associations éveillées d’ailleurs régulièrement par lui. […] Nous allons essayer de le faire, sans prétendre cependant atteindre, en un sujet aussi obscur, à la clarté complète et à la précision définitive. […] Nous ne sommes pas sujet à la fausse reconnaissance, mais nous avons essayé, bien souvent, depuis que nous l’étudions, de nous replacer dans l’état d’âme décrit par les observateurs et d’induire expérimentalement en nous le phénomène.

437. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Essayons une fois, et par un exemple, de revenir à la vraie critique des poètes, à la critique qui tient compte de l’ensemble, mais qui ne craint pas d’entrer dans le détail. […] Ici nous retrouvons des paroles connues et qui ont été proclamées il y a plus de vingt-cinq ans. — L’âge d’or, qu’on place toujours en arrière, est devant nous. — Aimons, travaillons, fécondons l’imprescriptible progrès. — La littérature, dans l’avenir, aura à formuler définitivement le dogme nouveau. — Tout cela encore est bien vague, bien peu défini ; Déroulant devant nous le mouvement scientifique et le mouvement industriel de notre temps, l’auteur essaie de préciser ce rôle qu’il assigne au littérateur, au poète, et qui est, selon lui, d’expliquer la science, de la revêtir de charme et de lumière : « Il se passe parfois, dit-il, de planète à planète, de fer à aimant, de mercure à mercure, de chlore à hydrogène, des romans extraordinaires qu’on dissimule pudiquement derrière des chiffres et des A+B. » L’auteur voudrait que le poète expliquât et rendît sensibles à chacun de nous ces mystères.

438. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Il fera dire, par exemple, à Adolphe, racontant et définissant ses rapports avec son père, ce père qui était timide même avec son fils : Je ne savais pas alors ce que c’était que la timidité, cette souffrance intérieure qui nous poursuit jusque dans l’âge le plus avancé, qui refoule sur notre cœur les impressions les plus profondes, qui glace nos paroles, qui dénature dans notre bouche tout ce que nous essayons de dire, et ne nous permet de nous exprimer que par des mots vagues ou une ironie plus ou moins amère, comme si nous voulions nous venger sur nos sentiments mêmes de la douleur que nous éprouvons à ne pouvoir les faire connaître. […] J’essayai donc de mille manières de fixer son attention : je ramenai la conversation sur des sujets que je savais l’intéresser ; nos voisins s’y mêlèrent : j’étais inspiré par sa présence ; je parvins à me faire écouter d’elle ; je la vis bientôt sourire : j’en ressentis une telle joie, mes regards exprimèrent tant de reconnaissance, qu’elle ne put s’empêcher d’en être touchée.

439. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Ayant été averti pour le travail, il donna à Barjac (son valet de chambre) sa clef pour lui ouvrir la porte ; Barjac n’ayant pu en venir à bout, M. le cardinal crut que c’était sa faute et y essaya lui-même ; le bruit fut entendu du cabinet, et l’on vint ouvrir. […] Mme de Vintimille, liguée avec Mme de Mailly, ne s’était jamais senti de force à faire ce coup d’État dans l’âme du roi, et un jour qu’en une circonstance critique Mme de Mailly et elle avaient essayé de lutter directement contre l’influence du cardinal, au moment même de réussir sur l’objet en question, elles virent en définitive qu’il fallait céder, et Mme de Vintimille dit fort sensément à sa sœur : « Nous pourrions peut-être l’emporter aujourd’hui sur le cardinal, mais il est absolument nécessaire au roi, et nous serions renvoyées dans trois jours. » Mme de La Tournelle tenta hardiment l’aventure : l’eût-elle emporté si le cardinal eût vécu ?

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