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1415. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Expressions parfaites d’un idéal où la raison, la vertu et la beauté sont inséparables, les littératures antiques, soit sous leur forme profane, soit sous leur forme chrétienne, étaient pour lui une révélation lumineuse, où il trouvait à toute heure ce qui nourrit l’esprit et réchauffe le cœur. […] Ministre de l’instruction publique à une époque où la culture élevée de l’esprit était tenue par la politique, non pour un amusement frivole d’aristocrates oisifs, mais pour un intérêt public, M. Villemain n’eut pas de plus constante pensée que de faire rendre aux couvents grecs les chefs-d’œuvre qu’ils pouvaient receler encore, et, si cette investigation, conçue et dirigée par lui, prouva que les chefs-d’œuvre inédits sont devenus bien rares, elle rendit au moins à la science des textes de première importance pour l’histoire de l’esprit humain. […] Parmi les recherches qui conduisent l’esprit humain à la découverte de la vérité, les unes donnent la gloire et l’éclat de la vie ; les autres restent obscures ; mais toutes sont immortelles, — immortelles, même quand elles ne visent qu’à être utiles et qu’elles se renferment dans le cercle étroit des amis de la vérité ; immortelles surtout quand elles ont été, comme celles de notre confrère, éclairées par le rayon du génie.

1416. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

Ce seul titre suffit pour donner une idée de la justesse de son esprit. […] La lecture de ce Philosophe toujours flottant dans ses principes, non seulement enhardit sa témérité, mais encore le rendit un Sceptique outré, & ôta à son esprit la faculté de trouver une assiette fixe. […] Jamais l’Athéisme ne parut plus réduit en principe, quoiqu’adroitement enveloppé, que dans cette Production, qui annonce par-tout l’esprit dur & le cœur corrompu. […] L’orgueil, l’indépendance, l’entêtement, sont tour-à-tour des prestiges qui les aveuglent ; & égarés eux-mêmes par leurs propres illusions, ils deviennent une occasion d’ égarement & de folie pour les esprits foibles & inquiets qui n’attendent que de fausses idées pour s’y laisser entraîner.

1417. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

Dans notre travail sur la Liberté de penser, nous avons essayé de réfuter l’opinion qui confond à priori cette liberté avec l’esprit de négation et de scepticisme. Il nous a semblé que l’esprit de liberté n’est pas de sa nature et nécessairement plutôt négatif qu’affirmatif, qu’il n’est autre chose que la volonté de ne décider qu’après examen : ce qui ne peut pas préjuger d’avance le résultat de cet examen. […] En un mot, sous des formes très-diverses, nous avons presque partout rencontré le même problème : comment l’esprit de critique et d’examen, l’esprit de nouveauté et de changement peut-il se concilier avec les principes de l’éternelle vérité ?

1418. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Il n’est pas facile de se replacer à volonté dans ces dispositions d’esprit. […] Il s’y applique d’abord avec une extrême contention d’esprit. […] Il faudrait pour cela qu’il eût l’esprit bien sec et bien pauvre. […] C’est la nature élaborée par le génie humain, c’est la réalité transfigurée par l’esprit. […] N’est-elle pas bien belle, et faite pour tenter les plus nobles esprits ?

1419. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

L’esprit a ses injustices, ses partialités, ses éloignements instinctifs. […] Ses yeux respiraient l’esprit et resplendissaient d’éclat. […] Pour cela, il faut se l’assimiler comme tournure d’esprit. […] C’est cette tournure d’esprit qu’il faut acquérir à l’état d’habitude. […] L’Esprit des Lois est plus piquant encore.

1420. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Ces temps sont si rapprochés, qu’on pourrait en confondre les dates ; mais l’esprit général de la littérature latine, avant et depuis la perte de la liberté, offre à l’observation des différences remarquables. […] Sous l’empire d’un seul, au contraire, les beaux-arts sont l’unique moyen de gloire qui reste aux esprits distingués ; et quand la tyrannie est douce, les poètes ont souvent le tort d’illustrer son règne par leurs chefs-d’œuvre. […] La manie d’exercer son esprit à froid sur les sentiments du cœur, doit produire partout des résultats à peu près semblables, malgré la différence des temps. Mais cette affectation est le défaut de l’esprit d’Ovide ; il ne rappelle en rien le caractère général de l’antiquité. […] Descartes, Bayle, Pascal, Molière, La Bruyère, Bossuet, les philosophes anglais qui appartiennent aussi à la même époque de l’histoire des lettres, ne permettent d’établir aucune parité entre le siècle de Louis XIV et celui d’Auguste, pour les progrès de l’esprit humain.

1421. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Car voyez, goûtez, comparez : les anciens hommes n’ont rien eu qui ressemblât à l’esprit des Gaietés de l’année. […] La bouffonnerie d’Étienne Grosclaude, telle que cet esprit éminent l’entend et la pratique, est, d’abord, d’une irrévérence universelle. […] Ces inventions de fou dialecticien parlant constamment la langue d’un président des quatre classes de l’Institut un jour de gala, cela me fait la même espèce de plaisir que les cabrioles d’un clown à favoris et en habit noir, mais un plaisir dix fois plus intense, d’autant que les choses de l’esprit sont au-dessus de celles de la matière. […] La perception rapide des rapports démesurément inattendus que l’auteur établit soudainement entre les choses, tout en alignant des phrases idiotes de reporter, me frappe d’un heurt qui me désagrège l’esprit comme le choc électrique désagrège les corps. […] Mais, soyez-en sûrs, ces rencontres, d’où jaillit parfois une pensée originale, ne sont aperçues que de ceux qui savent les voir ; et, s’ils parviennent à en dégager de l’esprit ou même un peu de philosophie, c’est que cette philosophie et cet esprit, ils les apportaient avec eux.

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