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338. (1915) La philosophie française « I »

Il est le premier qui ait conçu nettement, et poussé jusqu’au bout, l’idée de faire sortir les espèces les unes des autres par voie de transformation. […] Bien avant Darwin, (puisque ses recherches datent de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe), Lamarck avait affirmé avec la même netteté la transformation des espèces, et il avait essayé, en outre, d’en déterminer les causes. […] Nous venons de parler du problème de l’origine des espèces.

339. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Il paraît que Libanius n’eut que l’ambition des lettres et de cette espèce de gloire qui est indépendante de la fortune et des princes. […] Le premier discours qu’il prononça à la mort de Julien ressemble moins à une harangue qu’à une espèce de chant funèbre ; le second offre des beautés d’un autre genre. […] On ne peut douter, en le lisant, qu’il ne fût séduit par cette espèce de théologie platonique qui régnait alors, et dont il parle dans tous ses écrits avec enthousiasme.

340. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Mais il ne s’ensuit pas que son goût soit libre absolument, libre vis-à-vis de toute espèce d’idées. […] Elle doute, elle se demande si elle a suffisamment cultivé son goût par l’étude et la comparaison des beautés de l’espèce dont il s’agit312 ; puis elle étudie, elle compare, et attend d’avoir mieux compris. […] Il consiste à dire : Le beau est un sous des formes multiples ; le comique est un sous des aspects divers ; la poésie est une sous des espèces variées. […] Au grand scandale de Gorgias et de son disciple Polus, il décide qu’elle n’est ni l’un ni l’autre, et l’appelle une espèce de routine 321. […] Si quelqu’un ne trouve pas beau un poème que mille suffrages vantent, il pourra commencer à douter s’il a suffisamment cultivé son goût pour la connaissance d’un nombre suffisant d’objets d’une certaine espèce.

341. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

C’est celle qui repose sur une mutuelle reconnaissance de leurs droits et de leurs limites, sur une espèce de contrat où, considérées comme équivalentes, elles s’accordent l’une à l’autre un égal respect en se répartissant des fonctions différentes. […] Evidemment la cage ne convient pas à des oiseaux de cette espèce. […] Sa marche folle et désordonnée ne se dérobe-t-elle pas à toute espèce de règle et de formule ? […] David et ses élèves ne se contentent pas d’être les conseillers ordinaires des femmes du monde qui veulent être drapées en statues ; ils ont adopté pour eux-mêmes une espèce de tunique dont la coupe se retrouverait sur les bas-reliefs de la colonne Trajane. […] Il sied encore de ne pas oublier les divertissements de toute espèce qui se lient d’une façon étroite à l’histoire de la langue et de la littérature.

342. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Ce qui semble certain, c’est que l’action des habitudes acquises sur l’espèce (nous ne disons pas sur l’individu) a été notablement exagérée par Lamarck et Spencer ; autant l’hérédité des caractères congénitaux est certaine, autant celle des caractères acquis est douteuse. […] Il pourra survenir, dans le développement du système nerveux et cérébral, de nouveaux accidents heureux, et la sélection les fixera enfin dans l’espèce. […] Pareillement, quand on parle de l’expérience ancestrale, on ne peut proprement désigner que l’adaptation directe de l’espèce au milieu, produite par l’habitude et par l’association des idées, non l’adaptation indirecte, produite par un accident de la période embryonnaire fixé dans la race. […] Et non seulement la sélection naturelle a fait, dans l’individu, le triage des mouvements les mieux appropriés ; elle a fait aussi, dans l’espèce, le triage progressif des individus réagissant le mieux, avec le plus d’adaptation aux circonstances. […] Quand nous affirmons que la mort arrive souvent, nous parlons d’une notion générale ; ce qui arrive, c’est la mort de Pierre, de Paul, de Jean ; et chaque mort est un phénomène particulier, seul de son espèce quand on le considère dans la totalité de ses circonstances.

343. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Par ce temps, elle vit dans l’eau et l’air glacés, à la façon d’une espèce de monstre boréal, inventé par la mythologie scandinave. […] Une espèce d’autopsie qui semble aspirer, absorber notre existence, si bien qu’il nous semble ne plus exister de notre vie propre, mais de la vie de l’homme que nous étudions, que nous fouillons, que nous creusons, de l’homme derrière lequel nous emboîtons le pas, entraînés dans le tourbillon de cette activité vagabonde de Juif-Errant d’affaires et d’amour, qui nous fatigue à sa fatigue. […] Alors la princesse, comme si on lui arrachait ce à quoi elle tient le plus dans la vie : ses illusions, l’espèce d’idéal qu’elle aime à se faire non tout à fait des gens, mais des choses humaines ; la princesse pousse des cris d’horreur devant cette proclamation de matérialisme, de scepticisme. Sa figure se contracte du dégoût de nos idées et d’une espèce de répugnance peureuse d’enfant. […] * * * — Ce qui sauve les souverains de devenir fous par la multiplicité des affaires et la contention des préoccupations, c’est que, par une grâce d’état, ils vivent dans une espèce de rêve de tout ce qu’ils font.

344. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Poser une pareille question, c’est admettre que la discontinuité établie par le sens commun entre des objets indépendants les uns des autres, ayant chacun leur individualité, comparables à des espèces de personnes, est une distinction fondée. […] D’autres s’organisent autour de lui, qui ont tous pour objet la conservation de l’individu ou de l’espèce : or, chacun d’eux nous amène à distinguer, à côté de notre propre corps, des corps indépendants de lui que nous devons rechercher ou fuir. […] Mais, d’autre part, si ces éléments sont extérieurs aux qualités dont ils doivent expliquer l’ordre régulier, ils ne peuvent plus rendre le service qu’on leur demande, puisque les qualités ne s’y surajoutent alors que par une espèce de miracle et n’y correspondent qu’en vertu d’une harmonie préétablie. […] Ces sensations se dégageraient de ces modifications comme des espèces de phosphorescences, ou bien encore elles traduiraient dans la langue de l’âme les manifestations de la matière ; mais pas plus dans un cas que dans l’autre elles ne refléteraient l’image de leurs causes. […] Que, dans le même temps, un mobile parcoure des longueurs différentes de deux corps dont l’un est en repos et l’autre en mouvement, cela est clair pour celui qui fait de la durée une espèce d’absolu, et la met soit dans la conscience soit dans quelque chose qui participe de la conscience.

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