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385. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

C’était là sans doute que, dans le temps de l’opulence et de la puissance des parlementaires, l’antique famille logeait les intendants, les aumôniers, les précepteurs des enfants de la maison. […] Un enfant voué à l’établi, à l’aiguille et aux ciseaux, n’aurait pas eu besoin de passer six ans dans une maison d’études libérales de Paris. […] L’enfant reprit, sous la surveillance de sa tante, les études au moins élémentaires commencées à Paris. […] Quel garçon d’auberge ne deviendrait un enfant d’élite à un pareil régime ? […] Voici comment, selon la biographie intime, ces deux enfants se connurent, s’aimèrent, et mêlèrent leurs destinées qui devaient se confondre jusqu’au tombeau.

386. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Ils tuèrent la mère et sauvèrent l’enfant ; c’est là leur rôle, et il est certes très glorieux, mais cet enfant n’est pas de leur sang, et c’est autre chose d’aider un enfant à venir au monde ou d’en être le père. […] Shandy sur la fatalité des circonstances dans lesquelles les enfants viennent au monde. […] Faire copier à un enfant les pages du livre le plus immoral qu’on ait écrit ! […] Les juges trop sévères, comme Thackeray, oublient que celui qu’ils condamnent fut, non un homme, mais un enfant, et les juges trop indulgents oublient que cet enfant n’eut jamais les attributs de l’enfance, l’innocence et la candeur. […] Il se flattait le jour où, pour justifier ses écrits du reproche d’indécence, il montrait un enfant nu qui se roulait sur un tapis en disant : « Voici l’image de mon livre. » Son génie ne fut jamais un enfant nu ; un enfant en chemise, à la bonne heure !

387. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Lire Homère, s’asseoir sous les tilleuls d’une cour d’auberge rurale, y dessiner le pêle-mêle d’un devant de grange et l’enfant de quatre ans qui, pendant que la mère est absente, tient entre ses jambes son petit frère âgé de six mois, qu’il appuie doucement contre sa poitrine, — voilà une journée délicieuse : « Et au bout d’une heure je me trouvai avoir fait un dessin bien composé, vraiment intéressant, sans y avoir rien mis du mien. […] Sauf une courte visite de trois jours qu’il revint y faire du 6 au 10 novembre de cette même année, il ne revit plus Charlotte que bien tard, lorsqu’il avait soixante-dix ans, et elle plus de soixante, et qu’elle était la respectable mère de douze enfants. […] Une nouvelle époque commencera alors, et je ne l’aimerai plus, mais j’aimerai ses enfants, — un peu, il est vrai, à cause d’elle, mais cela ne fait rien… Et même cette menace amicale, il ne l’exécute pas ; la silhouette reste là suspendue comme par le passé. […] Mes chers enfants, écrivait-il de Weimar le 9 juillet 1776 à Kestner et à sa femme, il y a tant de choses qui m’agitent. […] [NdA] On se rappelle le bel endroit de René : « Quand le soir était venu, reprenant le chemin de ma retraite, je m’arrêtais sur les ponts pour voir se coucher le soleil… » Dans le tableau naturel que nous trace Goethe, on remarquera, comme différence fondamentale avec Chateaubriand, le sentiment cordial et domestique, la joie d’enfants à cette veillée de Noël.

388. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Nous vivons dans un temps, et nos enfants dans un autre. […] c’est au même âge que j’ai aussi perdu ma tendre femme, ma première, la mère de mes enfants, âme pure et sensible que je regretterai jusqu’au dernier soupir. Puissiez-vous, mon cher ami, être plus heureux que moi et ne pas voir encore s’éteindre et mourir sous vos yeux paternels les deux enfants qui vous restent ! […] Elle paraît aimer les enfants de M. de Saint-Pierre79. […] Les enfants du premier lit.

389. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

* * * — Les croque-morts ont vingt sous par papillote : ainsi on appelle les cercueils d’enfants. […] Et nous revenons avec Monselet, tenant dans une main un paquet de rillettes de Tours, enveloppé dans du papier, et dans l’autre un joujou d’enfant, un diable qu’il fait jaillir gaminement de sa boîte, avec le couicoui d’une pratique de polichinelle, chaque fois que nous passons devant une femme. […] Les poètes sont comme les enfants : ils peuvent tout montrer. […] * * * — Opération césarienne faite ces temps-ci, à la Maternité, par Mme Charrier, sur une naine qui avait voulu avoir un enfant du géant de la troupe. […] À propos d’un charmant portrait de la Duthé, que nous lui disons se trouver chez Mme de Boigne, et provenant d’un legs fait à un d’Osmont par l’abbé de Bourbon, lors d’une maladie dont il crut mourir, il nous raconte qu’il a vu la Duthé, étant encore tout enfant.

390. (1774) Correspondance générale

Briasson, et devant ma femme, mon enfant, et mon domestique. […] … mais on est donc enfant toute la vie ? […] C’est l’enfant chéri qui parle ainsi. […] La belle-mère et les enfants m’aiment d’instinct. […] vos enfants aussi complètent-ils votre bonheur ?

391. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Le xviiie  siècle, parricide et infanticide à la fois, le xviiie  siècle, qui a tué la tradition française, a étouffé l’œuvre de Fréron, un de ses plus nobles enfants, et qui, littérairement, représentait la tradition française. […] il fallut Janin, le superficiel, Janin, le galoubet du Journal des Débats, le spirituel, mais étourdi Janin, l’homme du « cardinal de la mer » et de cent autres bévues, mais qui, ce jour-là, n’en fit pas une, pour venger — autant que ce flageolet pouvait sonner l’heure de la vengeance — le plus grand honnête homme et le plus grand critique du xviiie  siècle… Oui, cet enfant, aux rondeurs impuissantes, s’arma pour cette querelle de Fréron : Des femmes, des enfants s’arment pour ta querelle ! […] Fréron, lui, avait des principes, et son enthousiasme se recueillait pour être plus profond ; Diderot était un des enfants perdus d’un siècle qui allait aux abîmes, comme l’astrologue allait au puits… À proprement parler, Fréron n’était pas de ce siècle-là.

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