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311. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Le papier-monnaie ne fait pas sortir le numéraire hors de l’Empire, mais il le fait rester oisif par petites parties dans la poche de chacun, et c’est comme s’il n’y en avait plus. […] Enfin, ce qui est inappréciable selon moi, c’est que votre sujet est complet et fini comme s’il s’agissait de l’empire des Assyriens ; qu’il n’y a rien à ajouter à votre ouvrage, et que vous avez pu le terminer par la mort de la république comme on termine une tragédie par l’assassinat ou par l’empoisonnement du héros. Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie  siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M. 

312. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Michel Nicolas sur Jean-Bon Saint-André, d’abord pasteur protestant, puis conventionnel montagnard, membre du Comité de salut public, en mission auprès des armées navales ; puis dénoncé, mis en arrestation ; puis consul de France à l’étranger, captif en Orient, éprouvé par la persécution et le malheur ; puis enfin, à sa rentrée en France et pendant douze années, excellent préfet de Mayence sous le Consulat et sous l’Empire, un administrateur modèle, mort à son poste, au champ d’honneur, en décembre 1813, sous le coup de nos désastres, cerné par la guerre, les maladies, par tous les fléaux qu’amènent avec elles les défaites, et lui-même atteint et frappé du typhus qui sévissait dans ces contrées des bords du Rhin. […] Cette figure sévère et probe m’a paru à moi-même pouvoir offrir, dans son entière précision, le type de cette race d’hommes violents, emportés, chimériques, incomplets du moins, foncièrement honnêtes toutefois à l’état révolutionnaire, et devenus à la fin des instruments exacts, sûrs et pratiques sous une main habile, dans un Empire organisé. […] J’ai obtenu enfin du savant et aimable directeur des Archives de l’Empire, M. le comte de Laborde, l’autorisation de faire dépouiller la correspondance administrative du préfet du Mont-Tonnerre (c’était le titre de la préfecture de Jean-Bon).

313. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Je ne sais quel don, quelle supériorité de nature et de caractère, ce qu’il lui aurait fallu d’énergie poursuivre le conseil de Villars qui lui disait dès le lendemain de son arrivée à Fontainebleau : « Madame, la satisfaction est générale du mariage et des commencements, et tout ce qui connaît les grandes qualités qui sont en vous désire que vous preniez empire sur l’esprit du roi. » Ambition, génie, éclair, étincelle, feu d’enfer ou feu sacré, de quelque nom qu’on vous appelle, quand des particulières qui ne savent qu’en faire vous possèdent, on est en droit de vous réclamer chez les reines ! […] Elle n’avait que l’âme douce, elle n’avait point un grand cœur ; elle avait des vertus, elle ne manquait même pas d’un certain agrément : mais cela n’allait pas jusqu’au charme ; elle en était loin, et l’empire qui ne suit pas toujours la royauté ne lui vint jamais. […] Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à établir une familiarité complète entre un prince excessivement timide et une femme à laquelle sa naissance du moins imposait quelques bienséances… Tout le monde sait quelles suites elle eut, quel empire le goût pour les femmes exerça sur Louis XV ; combien la variété lui devint nécessaire, et combien peu la délicatesse et toutes les jouissances des âmes sensibles entrèrent dans ses amusements multipliés. » Ce qu’on vient de lire est exact, presque à la lettre ; cette reine, dont la destinée de loin paraît celle d’une femme délaissée, donna en effet au roi, avant l’éclat des désordres, jusqu’à dix enfants : deux garçons seulement, dont un seul vécut ; tout le reste n’était que des filles, et Louis XV avait fini par ne plus compter sur autre chose avec la reine : il semblait voir dans cette monotonie l’image de leurs froides amours.

314. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

L’empire romain ayant succédé à la domination d’Athènes, la littérature latine suivit la route que la littérature grecque avait tracée, d’abord parce que c’était la meilleure à beaucoup d’égards, et que vouloir s’en écarter en tout, eût été renoncer au bon goût et à la vérité ; peut-être aussi, parce que la nécessité seule produit l’invention, et qu’on adopte au lieu de créer quand on trouve un modèle d’accord avec ses idées habituelles. […] Cher les Lacédémoniens, c’était le mépris de la douleur physique ; chez les Athéniens, la distinction des talents ; chez les Romains, la puissance de l’âme sur elle-même ; chez les Français, l’éclat de la valeur ; et telle était l’importance qu’un Romain mettait à l’exercice d’un empire absolu sur tout son être, que, seul avec lui-même, le stoïcien s’avouait à peine les affections qu’il lui était ordonné de surmonter. […] Cet empire continuel sur les affections, est peu favorable aux grands effets de la tragédie : aussi la littérature latine ne contient-elle rien de vraiment célèbre en ce genre25.

315. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’on dirait : — pour administrer telle population, il faut exiger tel sacrifice de la liberté individuelle : — donc telles lois, tel gouvernement conviennent à tel empire. — Pour telle richesse, telle étendue de pays, il faut tel degré de force dans le pouvoir exécutif : — donc telle autorité est nécessaire dans telle contrée, et tyrannique dans telle autre. — Tel équilibre est nécessaire entre les pouvoirs, pour qu’ils puissent se défendre mutuellement : — donc telle constitution ne peut se maintenir, et telle autre est nécessairement despotique. — On pourrait prolonger ces exemples ; mais comme la véritable difficulté de cette idée n’est pas de la concevoir abstraitement, mais de l’appliquer avec précision, il suffit de l’indiquer. […] Déjà dans l’ordre moral, comme dans l’ordre physique, de certaines vérités sont à l’abri de leur empire. […] La même puissance créatrice qui fait couler le sang vers le cœur, inspire le courage et la sensibilité, deux jouissances, deux sensations morales dont vous détruisez l’empire en les analysant par l’intérêt personnel, comme vous flétririez le charme de la beauté, en la décrivant comme un anatomiste.

316. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

. — Ainsi enveloppé, produit, porté par la nature, peut-on supposer qu’il soit dans la nature comme un empire dans un empire ? […] Il y a cinq ou six de ces grands centres de civilisation spontanée, la Chine, Babylone, l’ancienne Perse, l’Inde, l’Égypte, la Phénicie, les deux empires d’Amérique.

317. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Trois boutons de roses blanches, qui devaient être offerts à Lina pour sa fête, n’ont fleuri que pour orner son cercueil : « Si je voyais de jeunes femmes, disait l’auteur, placer dans leurs cheveux trois boutons de roses blanches, en mémoire d’un événement réel que j’ai retracé, je le déclare, je serais plus fier que si toutes les Académies de l’Empire décidaient que mon ouvrage est sans défaut. » On m’assure que son vœu fut accompli, et que les roses à la Lina eurent leur mode d’une saison. […] Sous l’Empire il avait trouvé, comme tant d’hommes de talent et de mérite, un asile et un abri tutélaire dans les bureaux de M.  […] Sous l’Empire, il s’était formé autour du vénérable et cordial Ducis une petite société dont faisaient partie MM. 

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