Il est impossible d’empêcher la raison de s’exercer sur tous les objets de croyance ; et tous ces objets prêtant à la critique, c’est fatalement que la raison arrive à déclarer qu’ils ne constituent pas la vérité absolue. […] Le dogmatisme sectaire est inconciliable avec la critique ; car comment s’empêcher de vérifier sur soi-même les lois observées dans le développement des autres doctrines, et comment concilier avec une telle vue réfléchie la croyance absolue ?
Et certes, quand on y pense, on ne peut s’empêcher de trouver un peu vaines ces recherches qui ont pour objet de fixer l’essence du bien et du beau. […] L’orateur qui, au Parlement, remet et tire sans cesse son lorgnon, l’écolier qui, en récitant sa leçon, remue quelque chose entre ses doigts, les actes automatiques de certains avocats ou autres gens parlant en public : ce sont là autant d’exemples de la manière dont le trop plein des émotions peut se dépenser, et empêcher par suite qu’elles ne paralysent l’intelligence.
Il avait de plus écrit en vingt livres l’histoire des Guerres de Germanie, ce qui ne l’empêcha point de composer ensuite des livres de rhétorique et même de grammaire sur les difficultés du langage. […] Au chapitre sur les météores et les principaux souffles des vents, il faut l’entendre parler des anciens observateurs grecs et de leur supériorité relative : Mon étonnement est extrême, dit-il, quand je vois que dans le monde, autrefois si plein de discordes et divisé en royaumes comme en autant de membres, un aussi grand nombre d’hommes s’est livré à la recherche de choses si difficiles à trouver, et cela sans en être empêchés par les guerres, par les hospitalités infidèles, par les pirates ennemis de tous, et interceptant presque les passages ; et cela avec un tel succès, que, pour des lieux où ils ne sont jamais allés, on en apprend plus sur certains points, à faire de leurs livres, que par toutes les connaissances des habitants.
Depuis le 13 Vendémiaire (jour de la victoire de la Convention par le canon de Bonaparte), le découragement est général : ce qui n’empêche pas le beau monde d’aller à la Comédie en passant sur les pavés encore teints du sang de leurs parents ou voisins tués par la mitraille de Barras. […] Il y dressa aussitôt sa batterie de guerre, son Mercure britannique, publication destinée à combattre avec suite, et par des tableaux mêlés de discussions, la politique du Directoire : « L’expérience est perdue, disait Mallet, si on ne la grave pas au moment même par des écrits qui en fixent l’impression. » La passion déclarée et le parti pris de l’attaque n’empêchent point dans ce Mercure la sagacité et, jusqu’à un certain point, l’impartialité des jugements.
D’Aguesseau ne peut s’empêcher, en les lisant, d’y trouver de la sécheresse. […] Dans la salle fort belle où l’on reçut la princesse, on n’avait oublié qu’une chose, c’était d’y faire mettre ce portrait d’elle qu’elle avait donné à la compagnie et devant lequel, durant son absence, Patru avait juré à la romaine qu’on ferait des sacrifices ; mais, en ce jour d’extraordinaire, la précipitation empêcha d’y songer.
Les choses sont belles et grandes par elles-mêmes, et l’intellectualité la plus profonde, n’empêchera jamais une œuvre d’être mauvaise, si la réalité se trouve trahie. […] Aussi lorsque nous comparons sa renommée bruyante et sa valeur réelle vis-à-vis du présent et surtout de l’avenir, nous ne pouvons nous empêcher de répéter qu’elle a fait banqueroute.
C’est pourquoi, quand on veut empêcher les Italiens d’uriner en un lieu, on y peint saint Antoine avec sa lance de feu. […] Écartons les intermédiaires par lesquels on a voulu empêcher le commerce direct de Dieu et de l’homme, je veux dire les saints, la Vierge, le pape, le prêtre : quiconque les adore ou leur obéit est idolâtre. […] Devenu chapelain de Henri VIII, si terrible que fût le roi, si petit qu’il fût lui-même, il osa lui écrire librement pour arrêter la persécution qui commençait et empêcher l’interdiction de la Bible ; certainement il jouait sa vie. […] Mais pour ce qui est de ces dons, il les a tout entiers, tels qu’ils sont chez les plus brillants et les plus inventifs entre les gentilshommes du monde, chez sir Philip Sidney, chez lord Bacon, chez sir Thomas Brown, avec les grâces, les magnificences, les délicatesses qui sont le propre de ces génies si sensitifs et si créateurs, et en même temps avec les redondances, les singularités, les disparates inévitables dans un âge où l’excès de la verve empêchait la sûreté du goût. […] Et si puissante était la tentation sur moi, que souvent j’ai été prêt à claquer des mains contre mon menton, pour empêcher ma bouche de s’ouvrir ; et d’autres fois, de sauter la tête en bas dans quelque trou à fumier, pour empêcher ma bouche de parler415. » Plus tard, au milieu d’un sermon qu’il prêchait, il était assailli par des pensées de blasphème ; le mot arrivait à ses lèvres, et toute sa résistance parvenait à peine à maintenir en place le muscle soulevé par le cerveau dominateur.