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312. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

La défense trop vantée de l’Esprit des lois n’a pas empêché ce livre célèbre de s’écrouler pan par pan, et de n’être plus maintenant qu’une ruine, comme le Colysée. […] Pour mon compte, je ne connais point dans l’histoire de l’Église de moment plus tourmenté, plus empêché, plus douloureusement morne que ce moment… La queue du monstre de Constance fut difficile à écorcher !

313. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Il devait sortir des mortes données de l’abstraction pour entrer dans la vie, et il y est entré dans ce traité de la Connaissance de Dieu, où se cachent sous les plus éclatantes questions d’une théodicée, les arêtes d’une méthode profonde ; il y est entré en observateur qui ne scinde pas l’homme et son esprit pour mieux le connaître, qui ne le mutile pas pour l’étudier : « Je ne puis m’empêcher d’affirmer — dit-il à la page 122 de son second volume : — que l’idée d’être bien déployée, si l’on sait mettre de côté l’habitude que nous avons de tout restreindre, de tout abstraire, de placer, même dans l’être, la négation, qui n’est faite que pour le néant, et de n’oser jamais pleinement soutenir l’universelle affirmation, l’idée d’être est identique à celle de force, d’intelligence, de volonté, de liberté, d’amour. […] Cette méthode tient toute, il est vrai, dans le vieux procédé de l’induction, le vis-à-vis du syllogisme dans le raisonnement, et ceci menace d’être fâcheux pour les novateurs, qui s’imaginent que l’esprit humain doit procéder comme un joujou à surprise ; mais pour nous, qui savons quelle mince chose c’est, au regard de Dieu, que l’invention permise aux hommes, nous ne nous étonnerons pas de la reprise en sous-œuvre d’un procédé qu’une intelligence véritablement philosophique a su presque métamorphoser, en le grandissant… L’induction, telle que l’entend l’abbé Gratry, n’est plus le simple procédé de la raison décrit dans tous les livres de psychologie par les anatomistes de la pensée, c’est, sous sa plume, une méthode souveraine et d’un emploi sûr, dont on n’a pas jusqu’ici soupçonné la force parce que la rapidité foudroyante de ce procédé naturel a empêché de l’observer et de le fixer par l’analyse.

314. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Lamartine sema autour de lui des adorateurs, qui chantèrent, à leur tour, sur ce mode nouveau qu’il avait inventé ; car c’est le destin des grands poètes de produire des imitateurs qui vengent la médiocrité humaine de la supériorité du génie, et l’empêchent d’avoir trop d’orgueil en le forçant de se regarder dans le miroir diminuant de leurs œuvres. […] Ce qui ne l’empêche pas, du reste, d’être lyrique et idéal, le poète du Dernier Chant, quand son âme s’émeut et s’élève.

315. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Nous montrer les côtés faibles ou mauvais d’une grande œuvre qui noie ses défauts dans une splendeur éblouissante, appliquer une vue de lynx sur cette vue d’aigle qui a embrassé tant d’objets, mais à laquelle beaucoup ont pu échapper, signaler enfin dans l’homme le plus imposant la petitesse humaine qui doit empêcher l’idolâtrie, c’est là une entreprise qui a son mérite, ses difficultés, sa valeur. […] Balzac au fond « était stérile. » Sans la gravité de son état qui l’empêche d’être pittoresque, M. 

316. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Tout à coup, 1830 éclata, et quelques jours après qu’on eut bu à cette coupe de Circé révolutionnaire, le journaliste Brucker, transformé en… farouche et en garde national, demandait, à Vincennes, la tête de M. de Peyronnet, avec lequel, par parenthèse, il s’est lié plus tard ; cette tête poétique qui fait de beaux vers et qui, en envoyant son portrait à son ennemi mortel devenu son ami jusqu’à la mort, écrivait ce quatrain tourné avec la grâce qui n’empêche pas d’être un homme d’État, en terre de France :   J’entends encor l’hymne infernal, (Il faut bien dire que c’était La Marseillaise pour ceux qui ne la reconnaîtraient pas à l’épithète). […] Cabet et Marrast, réfugiés à Londres, empêchèrent l’impression anglaise, en déclarant le manuscrit apocryphe ; aimant mieux sacrifier l’œuvre, qui aurait tant servi à l’union de leurs deux partis, que de s’exposer aux vérités qu’elle renfermait.

317. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

le roman de Gil Blas une œuvre diablement espagnole, sur le simple vu de quelques résilles et de quelques guitares, et surtout de quelques sandales d’inquisiteur, laissées à la porte de la chambre des femmes, pour empêcher ces polissons de maris d’entrer. […] Dans Aimée, où il essaya de faire autre chose que de l’aventure, dans Le Drame de la Jeunesse, plus réussi, et où il révéla ce qu’il pourrait être, s’il voulait énergiquement remonter vers les hautes et profondes régions du roman ; dans Le Drame de la Jeunesse, où il reprit l’idée d’Aimée — l’influence des livres et du théâtre sur la pensée et la moralité modernes, l’altération du naturel par les réminiscences littéraires, la pose, la comédie éternelle jouée entre nous et Dieu, et qui nous empêche d’avoir l’originalité même de nos vices et de nos douleurs, — il poussa au comble du suraigu cette ironie15 qui est le caractère de son esprit et le symptôme de sa force, et qui pourrait faire de M. 

318. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

La conversation générale rouloit alors sur les réformes, & je ne pus m’empêcher d’en parler comme les autres. […] Dès-lors il y auroit une ordonnance pour empêcher la plupart des abbés de venir à Paris. […] N’est-ce pas allumer son imagination à pure perte, que de s’enflammer à la vue des désordres qu’on ne peut empêcher. […] il n’y a rien de plus raisonnable à mon avis, que de rire d’un mal qu’on ne peut empêcher. […] On ne vous dit pas tout ce que nous avons empêché.

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