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1998. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

On est frappé dans cet effort de la force, d’une rondeur ronflante qui n’existe jamais dans la sculpture antique, dans la chair de marbre d’Apollonius. […] Et cela est d’autant plus marqué que le monsieur est un personnage allemand, muet et bellâtre, un gandin de la Borussie, dominant la fête de sa raie au milieu de la tête, et d’un sourire diplomatique, et que la femme, au milieu de son effort de grâce, a je ne sais quoi d’inquiétant d’une femme d’affaire en sa personne, avec des absorptions et des absences, où on dirait que son attention vous quitte pour aller aux deux petits cabinets de sa chambre : qui sont des coffres-forts de pierres précieuses, — et qu’on croit deviner en la terrible implacabilité de son visage de blonde, un passé qui fait peur.

1999. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

« Vous n’avez eu de plus chère ambition que de savoir et de voir ; vous n’avez connu de plus exquises jouissances que celles des idées, des lignes et des couleurs ; et les sensations que vous avez aimées, vous les avez voulu rendre avec l’effort de signes nouveaux, et le frémissement de notations personnelles. […] Et cet effort du style, jamais il ne s’y livra avec plus d’acharnement, que dans le dernier roman qu’il devait écrire, dans Madame Gervaisais, où peut-être la maladie, qui était en train de le tuer, lui donnait, dans certains fragments, je le croirais, comme l’ivresse religieuse d’un ravissement.

2000. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Si l’effort de l’individu est vain, s’il ne peut réagir ni contre certains instincts, ni contre son milieu, on ne peut l’accuser de la criminalité de ses actes. […] Zola est raffinée, voulue, systématique elle n’est pas le fait d’un tempérament, d’une spontanéité de nature, elle est le résultat d’un travail obstiné et d’un effort pénible.

2001. (1896) Études et portraits littéraires

Venons maintenant à l’œuvre proprement historique qui a épuisé son dernier effort. […] Il n’y dépensait nul effort. […]   Car l’effort ne se trahit pas plus dans sa forme que dans son fond. […] J’ai reconnu l’effort et le talent du descriptif, l’attention du peintre aux jeux de la lumière et de l’ombre, aux vibrations de la couleur. […] Waldeck-Rousseau, lui, semble, à l’inverse, un écrivain de vocation qui fait effort pour parler son idée, pour étendre et épandre cette idée, toute prête à se cristalliser, — nous ne disons pas à se figer, — et malgré lui, la nature prend le dessus, sa pensée se concentre, sa phrase se serre, et il parle… comme un livre.

2002. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Elles sont l’œuvre d’Auguste Comte, — dont on ne s’attend pas que nous résumions ici le Cours de philosophie positive (1831-1842), — mais dont il faut bien savoir que le grand effort a été dirigé contre la prétention de l’éclectisme à faire du Moi le juge de l’erreur ou de la vérité contenue dans les systèmes. […] C’est en tout cas ce que croient leurs auteurs, et ils le disent en termes exprès : « L’art et la science, a écrit Leconte de Lisle, longtemps séparés par suite des efforts divergents de l’intelligence, doivent désormais tendre à s’unir étroitement, sinon à se confondre. […] L’Ecclésiaste], toute une jeunesse, — que l’effort de quarante ans de labeur et de méditation — n’aboutissait qu’aux conclusions où « Gavroche arrive du premier coup ». […] Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent], 1880, — ou encore La Question du divorce, 1881. — Ramenées ou réduites à l’optique du théâtre, il tranche trop aisément des difficultés ; — dont il n’a pas vu la complexité. — Mais il n’en a pas moins rendu un service considérable, — rien qu’en passant lui-même, franchement et résolument du « naturalisme » à l’« idéalisme » ; — sans effort, et par le seul mouvement du progrès de ses réflexions. — L’un des premiers en son temps, — et depuis Les Idées de madame Aubray jusqu’à Francillon, — il a rattaché l’un à l’autre l’art et la vie, — qu’on voulait séparer. — Et sans doute, on doit regretter que de tout son théâtre, — ce qui durera sans doute le plus longtemps ce soient ses drames « réalistes », — mais l’accident ne prouve rien ni contre son talent d’auteur dramatique, — ni contre les pièces à thèse, — ni contre la générosité de son effort, — et encore bien moins contre cette idée — plus que jamais aujourd’hui répandue, — que l’art a « une fonction sociale ».

2003. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Je retrouve dans Paris, sur le boulevard, le découragement navré d’une grande nation, qui, par ses efforts, sa résignation, son moral, a beaucoup fait pour se sauver, et se sent perdue par l’inintelligence militaire. […] Il était grand et lourd, le mort, et, ainsi qu’une chose inerte, échappait à ses efforts, et s’en allait à droite et à gauche. […] Il n’y a qu’une seule chose à laquelle elle n’est pas encore accoutumée, et qui lui coûte, chaque nuit, un nouvel effort : c’est le manque de sommeil. […] J’étais resté le dernier du plat… Olready, lui, quand je suis sorti, faisait vingt-deux jours de cale. » « C’est drôle, au premier repas que j’ai fait dehors, quand j’ai trouvé une fourchette à côté de mon assiette, il m’a fallu un petit effort de mémoire pour savoir à quoi ça servait… » 3 décembre La composition, la fabulation, l’écriture d’un roman : belle affaire !

2004. (1932) Les idées politiques de la France

Le progrès des conditions pris pour idée animatrice de la République, cela a été formulé par le théoricien même du progrès, Condorcet, en une phrase connue : la tâche essentielle de l’État consistant dans un effort continuel pour améliorer le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. […] On dira que cet effort n’a rien au xixe  siècle de particulièrement républicain, et qu’en général la législation ouvrière de la troisième République n’a fait que suivre, avec du retard, les exemples donnés par l’Angleterre et par l’Allemagne. […] Héritier de la plus longue durée politique, héritier d’une France indivisible dont il ne peut supporter aucun démembrement, héritier de la terre la plus patiemment et la plus heureusement aménagée par l’effort humain, héritier comblé qui ne demande rien de plus, exige que le livre des mutations soit dos, appelle modération et désir de paix la satisfaction légitime que lui donne un héritage parfaitement arrondi, où il n’a même plus à envier un moulin de Sans-Souci. […] Vain effort !

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