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379. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Je dis que l’observation des deux unités de lieu et de temps est une habitude française, habitude profondément enracinée habitude dont nous nous déferons difficilement, parce que Paris est le salon de l’Europe, et lui donne le ton ; mais je dis que ces unités ne sont nullement nécessaires à produire l’émotion profonde et le véritable effet dramatique. […] Guizot, est l’effet d’une chose ou d’une idée qui nous déçoit par une apparence trompeuse. […] Or, Lekain eût produit exactement le même effet en 1760, s’il se fût présenté sans poudre pour jouer ce même rôle de Manlius.

380. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Pourquoi le pathétique simple ne fait-il pas d’effet souvent sur la foule ? […] D’où vient qu’un discours sensé où les expressions ont leur sens exact et précis, où il semble qu’il ne manque rien d’essentiel, manque son effet, et soit faible, froid, ennuyeux ? […] Sully-Prudhomme écrit : Les villages sont pleins de ces petites filles Roses avec des yeux rafraîchissants à voir, Qui jasent en courant sous le toit du lavoir ; Leur enfance joyeuse enrichit leurs guenilles, il exclut, par le choix et la combinaison des mots, toutes les images désagréables ou répugnantes que la misère et les guenilles peuvent suggérer : s’il en surgissait une seule, tout le morceau en serait gâté et manquerait son effet.

381. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Enfin, nous ne reconnaissons pas seulement des groupes fixes, mais aussi un ordre fixe dans nos sensations, un ordre de succession qui, quand l’expérience le confirme, donne naissance aux idées de cause et d’effet. […] L’ensemble des sensations, considérées comme possibles, forme une base permanente pour les sensations actuelles ; le rapport des sensations possibles est considéré comme le rapport d’une cause à ses effets, d’une toile aux figures qui y sont peintes, d’une racine à son tronc, ses feuilles et ses fleurs, d’un substratum à ce qui le recouvre. […] Le contraste entre nos sensations actuelles et les possibilités de sensations est donc clair : et quand l’idée de cause est née en nous, rien de plus naturel que de l’étendre à ces possibilités permanentes, que de les considérer comme des existences de nos sensations, mais dont nos sensations sont les effets.

382. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Chapitre IV La folie et les lésions du cerveau Dans les sciences physiques et chimiques, lorsque l’on veut connaître les conditions qui déterminent la production des phénomènes, on fait ce que l’on appelle des expériences : on supprime telle ou telle circonstance, on en introduit de nouvelles, on les varie, on les renverse, et, par toute sorte de comparaisons, on cherche à découvrir des effets constants liés à des causes constantes. […] J’avoue maintenant volontiers qu’une suite de phénomènes moraux peut avoir sa répercussion dans l’organisme ; mais cette répercussion n’est qu’un effet, et non une cause : autrement c’est renverser toute la psychologie et revenir à son insu, par un chemin détourné, à l’hypothèse de l’homme-machine. En vérité, je ne vois pas ce qui peut empêcher d’admettre que le trouble initial qui détermine la folie est tantôt dans le corps et tantôt dans l’âme, que les modifications organiques qui l’accompagnent sont tantôt la cause, tantôt l’effet.

383. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Il est impossible qu’un arbre, tel qu’un cerisier, chargé de fruits rouges, fasse un bon effet dans un tableau ; et un espace du plus beau bleu, percé de petits trous lumineux, sera tout aussi maussade. […] Sans plaisanter, ce morceau n’est pas sans effet. […] Mais que penseriez-vous de moi, si j’osais vous dire que toutes ces têtes de ressuscités, belles sans doute et de grand effet, sont fausses ?

384. (1760) Réflexions sur la poésie

Il n’appartient qu’à un géomètre de la faire, et d’ignorer qu’un des objets de la poésie étant de flatter l’oreille, elle doit produire moins d’effet sur des fibres usées, et des organes endurcis. […] Le même dégoût pour les peintures et les idées communes produit ces deux effets contraires. […] Autant la mesure et la cadence sont nécessaires à ces sortes de vers, autant la rime l’est peu ; la lenteur du chant l’empêche presque toujours d’être sensible, et par conséquent détruit son effet.

385. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

I Il ne fait pas l’effet, ce livre, de sortir de la Revue des Deux-Mondes, — car il est spirituel, — et pourtant il en sort. […] Ces élégants ou fastueux traîneurs de robes et de toges, ces dandys à la ceinture lâche, qui comprenaient probablement l’histoire comme Blaze de Bury, étaient trop artistes, trop préoccupés de l’effet esthétique dans leurs œuvres, pour se perdre en ces chicanes minutieuses où s’usent des milliers d’yeux et d’esprits modernes… La Critique historique, telle que l’esprit moderne la conçoit et l’exige, était inconnue au temps de Tacite et de Suétone, qui se tirent de toute chose douteuse avec un mot ou deux : Rumor ou ut referunt, dits de très haut, et passent… Esprits superbes, qui n’insistent pas, qui ne s’attachent pas à un texte. […] Blaze de Bury fait assez l’effet d’un Cagliostro historique.

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