/ 1643
994. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

L’impitoyable dont tu enviais les miettes et qui implore maintenant la goutte d’eau du bout de ton doigt ne pouvait apercevoir son indigence que dans l’illumination des flammes de son tourment ; mais il a fallu que je te prisse des mains des Anges, pour que ta richesse, à toi, te fût révélée dans le miroir éternel de cette face de feu. […] Tous les deux, ils avaient un amour violent de la vie, une sensibilité, devant la vie, qui allait parfois jusqu’à l’exaspération nerveuse, jusqu’à l’angoisse d’exprimer le fluide, le vaporisé, l’insaisissable, l’inexprimable, comme tous les reflets et tous les frissons, et toutes les ondes fugitives qui passent sur les miroirs et sur les eaux, sur les vitres et sur les yeux. […] … Et je ne me promènerai plus à Gand, le long de ces canaux tragiques dont l’eau noire, reflète la pâleur des malades, aux fenêtres des hôpitaux, ô cher Maeterlinck ! […] Une pirogue reposait sur l’eau verdâtre, immobile et sans reflets… Et je tâchais d’évoquer les sanglants mystères de la brousse, les rudes chemins, semés d’épines où les amazones courent pieds nus, pour s’entraîner à la douleur, les plaines toutes rouges, les maisons de boue rose, les palais et les temples avec leurs toits plats, pavés de crânes humains… Mais c’était très difficile. […] Il parlait d’oasis où l’eau est dieu-donnée… Ensuite Luc : Il semblait un adolescent issant d’enfance.

995. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Dans cette même année 1854 on l’envoya pour sa santé aux eaux des Pyrénées. […] Taine rapporta de son voyage un livre qui ne ressemblait guère à un guide, et qui était un mélange original de puissantes descriptions de nature, d’amusants croquis de mœurs rurales, d’observations satiriques sur la société des villes d’eaux, de souvenirs historiques racontés avec une verve pittoresque. […] ou celles qui nous parlent des Alpes, « ce château d’eau de l’Europe, le cœur du monde européen », qui répand dans tous les membres du vieux continent l’eau, la vie, la fécondité, et conserve dans ses vallées le dépôt sacré des mœurs simples et des institutions libres ? […] Le flux et le reflux de la marée, c’est « le pouls de l’Océan », dont les eaux répandent la vie sur le globe comme le sang dans le corps humain. […] Dans ses incessantes promenades et ses longues visites au Père-Lachaise, il ne s’arrête pas seulement aux tombes de ceux qu’il a aimés, il donne de l’eau et des fleurs à des tombes négligées ; il a pitié des morts inconnus et oubliés.

996. (1894) Critique de combat

Mais pourtant c’est de gouttes d’eau qu’est composé l’Océan ; c’est d’animalcules pétrifiés qu’est faite la chaîne des Pyrénées. […] Le cours d’eau, qui promettait d’être un fleuve, se perd, ruisselet tari, dans les sables. […] Thiébault lui-même s’émerveille du courage d’une jeune fille noble qui se plonge tous les matins dans l’eau froide. […] Des pères, ignorés de vous, qu’il reconnaît Sont là-bas dans les eaux, dans l’air, dans le genêt, Avec leur parenté visible… Il sent qu’il a d’abord habité dans l’éther, Dans la conque des eaux, dans les ailes de l’air, Dans le cerf qui paît sous les chênes, Dans l’aegipan dont l’homme est le fils triomphant. […] Dans le pays où je vis, il est d’usage, la nuit de Noël, de faire fondre du plomb dans une cuiller de fer et de jeter le métal liquide dans de l’eau glacée : les formes capricieuses qu’il prend en se solidifiant trahissent les mystères de l’avenir pour qui sait regarder.

997. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Dans la nature, il en est de même : chaque goutte d’eau qui tombe ne laisse pas de trace visible, mais au bout d’un certain temps on s’aperçoit que le roc le plus dur s’est creusé sous l’effort incessant des gouttes d’eau. […] Je prendrai cet exemple dans le second acte de l’Ami Fritz :, et je rappellerai aux lecteurs, qui tous connaissent la pièce, la fontaine où Sûzel vient puiser de l’eau, eau véritable que le public voit couler. […] C’est la vue de l’eau qui éveille chez Sichel le désir de boire, et c’est l’action de boire à la cruche que penche la jeune fille qui ramène à la mémoire du rabbin l’histoire touchante de Rébecca et d’Eliézer. […] Ce n’est pas l’eau qui suggère au rabbin l’idée de sonder le cœur de la jeune fille ; elle ne lui offre que le moyen immédiat d’y parvenir. […] Il est clair que dans l’Ami Fritz, sans l’eau qui coule de la fontaine, la légende de Rébecca n’a aucune raison de se représenter à la mémoire de Sichel.

998. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Telle est la première et la plus riche source de ces facultés maîtresses d’où dérivent les événements historiques ; et l’on voit d’abord que si elle est puissante, c’est qu’elle n’est pas une simple source, mais une sorte de lac et comme un profond réservoir où les autres sources, pendant une multitude de siècles, sont venues entasser leurs propres eaux. […] Si l’on dresse la carte géographique d’un pays, à partir de l’endroit du partage des eaux, on voit au-dessous du point commun les versants se diviser en cinq ou six bassins principaux, puis chacun de ceux-ci en plusieurs bassins secondaires, et ainsi de suite jusqu’à ce que la contrée tout entière avec ses milliers d’accidents soit comprise dans les ramifications de ce réseau.

999. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Heureusement pour lui, le duc d’Urbin, qui estimait son caractère et son talent, apprit par hasard son passage à travers ses États ; il l’arrêta à Pesaro et lui donna l’hospitalité dans une maison de campagne située sur les collines qui entourent la ville, où les prairies, les bois, les eaux et la vue de la mer Adriatique, formaient un horizon inspirateur pour le poète fatigué des vicissitudes du sort. […] Pour ses aliments, il n’aimait que les choses légères, douces, sucrées ; il avait une invincible répugnance à tout ce qui était fort ou amer ; il ne buvait que de l’eau légèrement coupée des vins liquoreux de Grèce et de Chypre ; tout était tempéré dans ses goûts comme dans son âme.

1000. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

À minuit, une lame enfonça trois fenêtres de la grande chambre malgré leurs sabords et y jeta d’un seul coup plus de 20 barriques d’eau. […] Enfin, ayant été forcé de chercher de l’eau dans mon propre puits86, Dieu m’a fait la grâce d’y en trouver.

/ 1643