En quelque discrédit que soit tombé le mot drame par la manière abusive et tortionnaire dont il a été prodigué dans ces temps de douloureuse littérature, il est nécessaire de l’employer ici ; non que cette histoire soit dramatique dans le sens vrai du mot, mais, l’œuvre accomplie, peut-être aura-t-on versé quelques larmes intra muros et extra.
Quant à la fable dramatique, elle n’est pas sensée.
On peut ne pas se rendre compte entièrement de soi à soi-même, mais on aime à comprendre et à ramener à l’unité les actions ou les pensées d’un personnage représenté dans une œuvre d’art ; et de fait tous les grands types dramatiques, en dehors de quelques bizarreries voulues chez Hamlet, sont des caractères bien arrêtés, de véritables doctrines vivantes.
Dans ses Entretiens sur le Fils naturel (1757) et dans sa Poésie dramatique (1758), il critique le théâtre de Racine au nom du naturel.
Que l’art dramatique n’a pas seulement pour but d’exciter les passions de la terreur et de la pitié. — Ni même directement le sentiment moral et religieux. — L’objet propre et direct de l’art est de produire l’idée et le sentiment du beau ; cette idée et ce sentiment épurent et élèvent l’âme par l’affinité du beau et du bien, et par le rapport de la beauté idéale à son principe qui est Dieu. — Vraie mission de l’art. […] Ce qu’il y a de vrai dans cette opinion, c’est qu’une œuvre d’art n’est belle qu’à la condition d’être vivante, et par exemple la loi de l’art dramatique est de ne point mettre sur la scène de pâles fantômes du passé, mais des personnages empruntés à l’imagination ou à l’histoire, comme on voudra, mais animés, mais passionnés, mais parlant et agissant comme il appartient à des hommes et non à des ombres. […] Si celle de l’art dramatique était seulement d’exciter au plus liant degré la pitié et la terreur, l’art serait le rival impuissant de la nature. […] Shakspeare, nous en convenons, est supérieur à Corneille par l’étendue et la richesse du génie dramatique. […] Racine assurément ne peut être comparé à Corneille pour le génie dramatique ; il est plus homme de lettres ; il n’a pas l’âme tragique ; il n’aime ni ne connaît la politique et la guerre.
Ronsard règne depuis 1530 jusqu’en 1600, nonobstant les oppositions ; Corneille règne de 1636 à 1660, nonobstant certaines traverses, et l’on peut même dire, et pour mon compte c’est mon avis, qu’il règne plus tard, que le grand mouvement de littérature dramatique qui s’est poursuivi jusqu’à la fin du xviie siècle est son œuvre, l’œuvre de l’homme qui, par la supériorité de son génie, avait fait du théâtre le premier genre littéraire, le plus recherché, le plus choyé, le plus caressé chez les Français. […] Cela développe infiniment les facultés de psychologue, de moraliste, de parleur, de causeur, de romancier, d’auteur dramatique et de marcheur. […] Le plus souvent, l’artiste épique ou dramatique qui met son credo moral, politique ou sociologique dans son œuvre, est un très pauvre philosophe. […] Nous sommes quelques-uns à le répéter depuis vingt ans, en présence d’une certaine tendance que nous avons remarquée chez les romanciers et auteurs dramatiques.
Jules Lemaître vient de publier ses feuilletons dramatiques sous le titre d’Impressions de théâtre. […] C’est l’emploi du philosophe ou du critique dramatique, selon qu’il s’agit du plan divin ou d’un plan de M. […] Jules Lemaître s’occupe même de théâtre dans ses feuilletons dramatiques et M.