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157. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Avec une Notre-Dame des Douleurs, une Mère de Pitié, quelque saint obscur, patron de l’aveugle et de l’orphelin, un auteur peut écrire une page plus attendrissante qu’avec tous les dieux du Panthéon. […] Mais voulez-vous du merveilleux plus sublime, contemplez la vie et les douleurs du Christ, et souvenez-vous que votre Dieu s’est appelé le Fils de l’Homme !

158. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Cette acharnée persistance à n’user en une fois que d’un style, à ne susciter et redoubler qu’une émotion, conquiert le lecteur, l’emmène et le trouble ; perdant pied dans l’irréel, lentement dépouillé du sens de sa personnalité, il est soumis et lié, muet d’épouvante, transfixé de douleur, maniaque d’analyse, consterné de la mort d’une amante qu’il n’a pas connue, attaché par un enthousiasme froidement tendu à la démonstration d’un principe métaphysique, énorme à intégrer l’univers. […] À part Pym et quelques comparses, dans cette galerie de faces hagardes, qui va de Dupin et de Legrand à Lady Ligéïa et à l’amant d’Helen, tous sont affectés de quelque manie, poursuivis d’hallucinations, secoués par quelque névrose spinale, affolés de haine, de terreur, de douleur et de spleen. […] Les héros des poèmes sont frénétiques d’exultation, ou radotent et délirent de douleur, comme les étranges femmes des contes, mystiques, grandes et frêles, ont la ferveur égarée des êtres fragilement nerveux. […] Ces automates ignorent l’amour comme la débauche, la passion animale, les heurts de la colère, l’agrippement de la rage, la contraction de la peur et de la douleur ; de leur appareil, le cri, le halètement, la contorsion tout ce qui dans l’homme procède du système nerveux général et non de l’encéphale, est supprimé. […] Sur le fond ténébreux d’une demeure somptueuse et muette, se profilent les traits pâles de l’incestueux l’époux de Morella, croyant reconnaître en sa fille l’âme transfuse de celle qu’il n’avait su aimer vivante ; la lutte folle de Ligéia contre la mort, la douleur somnolente de son amant et sa fantastique rêverie dans la longue nuit, où il crut voir la forme immatérielle de la décédée se glisser dans le corps tiède de lady Rowena ; Roderick Usher, peureux d’avoir peur, les mains nues, la voix trémulante, dardant de tous côtés son regard trop aigu, égaré par la délicatesse de ses sens, l’esprit sursautant, vacillant et défaillant, au point de succomber dans un spasme d’effroi, en cette mystérieuse nuit, dont la description demeure inoubliable.

159. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

cette manière n’est rien moins que celle de la Toute Puissante Providence elle-même, qui envoie le châtiment après le crime, la maladie après l’excès, le remords, la tristesse, l’ennui, toutes les hontes et toutes les douleurs qui nous dégradent et nous dévorent pour avoir transgressé ses lois. […] Il appartient à une époque troublée, sceptique, railleuse, nerveuse, qui se tortille dans les ridicules espérances des transformations et des métempsycoses ; il n’a pas la foi du grand poète catholique qui lui donnait le calme auguste de la sécurité dans toutes les douleurs de la vie. […] » Je ne crois pas que jamais plus beau cantique ait été chanté à la gloire du Poète, ni qu’on ait jamais exprimé en plus beaux vers la noblesse de la douleur et la résignation des âmes privilégiées. […] Ô douleur ! ô douleur !

160. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Le scepticisme de l’Essai n’a rien de frivole ; c’est un désenchantement amer, une douleur de ne pas croire ; c’est le souffle de cette bise sombre dont tout à l’heure il a été parlé. […] Ce mal originel d’ennui puisé au ventre de la mère, qui tourne chez les uns en vice et en folies déréglées, tourne chez les autres en poésie et en génie ; mais la douleur se cache sous la beauté. […] Si j’osais adresser un seul reproche à quelques rares endroits de cette douleur presque innée que je comprends et que j’admire, ce ne serait pas de s’exagérer et de se surfaire, ce serait de se croire plus unique au monde, plus privilégiée en amertume qu’elle ne l’est en effet. Certes, nulle vie n’a été plus traversée, semée sur plus de mers, sillonnée de plus de sortes d’orages ; et quand, après tant d’incomparables vicissitudes, on porte sa douleur sans fléchir, comme ces personnages de rois et d’empereurs qui, outre leur diadème de gloire au front, portent un globe dans la main, on en mesure mieux tout le poids. […] Mais n’est-ce pas en fait de douleur surtout qu’il est vrai de dire avec M.

161. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

. — Les Deux Douleurs, drame en un acte et en vers (1870). — L’Abandonnée, drame en deux actes, en vers (1871). — Fais ce que dois, un acte, en vers (1871). — Les Bijoux de la délivrance (1872). — Le Rendez-vous, un acte, en vers (1872). — Les Humbles, poésies (1872). — Le Cahier rouge (1874). — Olivier, poème (1875). — Une idylle pendant le siège (1875). — Le Luthier de Crémone, un acte, en vers (1876). — Le Trésor (1877). — L’Exilée (1877). — Les Récits et les Élégies (1878). — La Korigane, ballet (1881). — Madame de Maintenon, cinq actes, en vers (1881) […] Francisque Sarcey Les Deux Douleurs sont dans leur ensemble une œuvre de théâtre fort médiocre. — Je conviendrai aisément que M.  […] Elles justifient la sévérité avec laquelle la plupart des journaux ont accueilli les Deux Douleurs.

162. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Douleur de voir une portion de l’humanité condamnée à la dépression intellectuelle. […] Douleur de s’isoler de la grande famille religieuse. Douleur d’entendre les femmes et les enfants nous dire : « Vous êtes damné !

163. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Il a tirebouchonné sa voie depuis Job jusqu’à Homère, depuis Homère jusqu’à Lucrèce, et depuis Lucrèce jusqu’à Leopardi, en passant par tous les Mélancoliques intermédiaires et séculaires qui ont souffert de la vie et qui ont poussé leur cri contre la douleur ! […] pas tous ceux qui, dans le xixe  siècle, ont titanisé contre Dieu et maudit l’existence parce que la douleur y tient plus de place que le bien-être et que la joie… Il en cite quelques-uns, et se trompe sur d’autres. […] Il est certain, en effet, que cette philosophie du Pessimisme, sensuelle et athée, qui ne comprend rien à la douleur et qui ne veut ou ne peut plus la supporter, est dans la logique exacte de toutes les philosophies qui l’ont précédée· Il est certain qu’elle est, scientifiquement, la dernière marche de cet escalier infernal qui s’enfonce et disparaît dans les abîmes de la folie et dans le désir forcené de l’anéantissement.

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