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208. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Elle n’admet pas d’autorité personnelle ; elle repousse d’une manière absolue les systèmes et les doctrines. […] L’une des doctrines arrivera-t-elle à triompher de l’autre et à dominer sans partage ? […] Toutes les idées de ses contemporains sur la vie, toutes leurs tentatives pour la définir ne sont en quelque sorte que l’écho ou la paraphrase de sa doctrine. […] Cette doctrine de l’incorruptibilité des cieux a régné jusqu’au xviie  siècle. […] Ces affirmations, qui viennent encore retentir à nos oreilles comme des échos lointains de doctrines surannées, ne sauraient plus nous arrêter.

209. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Ainsi, avant Aristote, bien des gens d’esprit avaient émis sur les œuvres des poètes les opinions les plus justes et les plus graves ; mais personne avant lui n’avait essayé de faire de ces opinions un corps de doctrine, et de les approfondir en remontant jusqu’aux principes sur lesquels elles s’appuient. […] Il en avait rejailli un peu sur les sublimes doctrines mystérieuses de Socrate. […] Cependant le respect pour les doctrines socratiques ou platoniques l’empêchait de les nier d’une manière absolue, et il s’efforçait de les concilier avec une espèce de matérialisme absurde, quoique logique, auquel la raison pût ramener la pensée. […] En voulant reproduire l’esprit, si ce n’est tout à fait les doctrines de Socrate, Platon n’avait pas à choisir. […] Par là, nous aurons la mesure de ces doctrines qui, en étudiant l’âme de l’homme, se bornent à constater des phénomènes, et qui se croient prudentes parce qu’elles n’osent prononcer sur les questions que ces phénomènes doivent aider à résoudre ; par là, nous aurons la mesure de la doctrine de nos physiologistes modernes ; nous aurons surtout la mesure de la doctrine antique, dont la leur n’est qu’un écho.

210. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Et n’eussent-ils fait que lui apprendre du grec et du latin, il leur serait encore plus redevable qu’à personne : car lui ouvrir l’intelligence des anciens, c’était lui mettre en main la clef de sa future doctrine. […] Tandis que, sous l’apparence de la dévotion, la cour inclinait au cynisme débraillé, et que dans les salons commençait à éclore une nouvelle sorte de préciosité, philosophique et scientifique, l’hôtel de Lamoignon continuait la tradition des anciennes maisons de magistrats, graves et décentes, où toutes les belles éruditions étaient en honneur, où le bel esprit même et la plaisanterie s’enveloppaient de doctrine. […] Son jansénisme était fait de taquinerie contre les jésuites et d’amitié pour Arnauld et Nicole : il y entrait surtout de purs sentiments d’honnête homme, un large esprit de tolérance, la haine des faux-fuyants et des équivoques, une sympathique admiration pour la hauteur morale de la doctrine janséniste et pour l’austère vertu de ses défenseurs. […] Bossuet, avec cet infaillible coup d’œil qui saisissait les conséquences lointaines dans les principes cachés de toutes les doctrines, ne prenait point le change. […] Ce fut avec les jésuites, qui, janséniste ou non, ne lui pardonnaient pas de louer le grand Arnauld et de railler les doctrines chères à la Compagnie.

211. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il n’a jamais eu pour les gouvernements une estime bien décidée ; il ne les a considérés à son premier point de vue que comme un canal possible de transmission, et, dans le cas où ils se refuseraient à transmettre la doctrine supérieure, il les a dénoncés comme un obstacle : on se rappelle les belles invectives du premier tome de l’Indifférence. Mais, avec le temps, M. de La Mennais est venu à comprendre que non-seulement les gouvernements se refusaient à transmettre la doctrine antique à la fois et régénératrice, mais que le Saint-Siège se refusait à la verser présentement, et qu’il demeurait plus sourd que le rocher, quoique le peuple eût soif dans le désert. […] Vis-à-vis du Saint-Siège, M. de La Mennais peut rester soumis, docile et pleinement adhérent en matière de foi ; mais il a cessé de l’invoquer directement pour l’œuvre temporelle ; on sent qu’il n’en espère plus une effusion prochaine de doctrine qui descende sur le siècle.

212. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

La semence a fructifié ; d’imberbes professeurs, sortis du salon de madame de Staël, en ont propagé les doctrines, et, depuis que le Globe a paru, le mal est devenu effrayant. […] Duval ; maintenant en voici les effets désastreux : Comme les jeunes rédacteurs d’un journal scientifique et littéraire emploient beaucoup de talent et d’esprit à prouver que tous les ouvrages français n’ont pas le sens commun et à proposer pour modèles les étrangers, qui n’ont pas d’autre théâtre que le nôtre, il s’en est suivi : 1° que, de nos jours, tout vise à l’originalité, au bizarre ; que la vraisemblance et la raison sont bannies ; et que, à force de chercher la vérité, on arrive au trivial pour tomber bientôt dans l’absurde ; 2° que les jeunes gens, égarés par les prédicateurs des nouvelles doctrines, ne sachant plus quelle est la meilleure route, de celle qu’ont suivie nos pères ou de celle qu’on leur indique, se bornent, en attendant la solution du problème, à faire des tiers de vaudevilles, ou à mettre de petits articles dans les journaux littéraires ; et que notamment l’un d’entre eux, à force d’esprit et de savoir-faire, en est venu (ô scandale !) […] Duval la justice d’avouer que sa polémique ne franchit jamais les bornes d’une contradiction décente ; son ton est empreint de douleur plutôt que de colère ; s’il récuse et condamne les doctrines, il absout les personnes, et l’on voudrait seulement qu’il reconnût un peu plus la force efficace et paisible de la vérité dans une vogue que son indulgence attribue à je ne sais quel prestige du talent13.

213. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Où va t-elle sous les influences contraires qui se la partagent (idéalisme — positivisme, patriotisme esthétique et philosophique— lettres et doctrines étrangères, objectivisme — subjectivisme, doctrine de l’exception — triomphe de la démocratie, etc.) ? […] Pourtant j’ai cru pouvoir formuler une doctrine avant de la réaliser.

214. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

La pédantesque diligence. » Mais cela même prouve que l’homme et la doctrine comptaient encore des partisans en 1730, et que Bouhours passait pour avoir du goût, puisqu’on lui reprochait de l’avoir trop sévère. […] Dans la doctrine du vrai orné, il y a du moins le mot, et le mot peut encore faire songer à la chose. […] « Préférer Virgile à Lucain, dit-il, et Cicéron à Sénèque, est un jugement qui, bien que vrai, ne suppose pas que l’homme qui le porte soit un homme d’esprit… C’est faire acte d’homme d’esprit que de préférer, même à tort, Sénèque à Cicéron et Lucainà Virgile16. » J’étais bien sûr que la doctrine du vrai orné et du bon mis en ragoût le mènerait à dire que le goût pour le faux marque plus d’esprit que la préférence pour le vrai.

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