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116. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Debout derrière lui, le dieu des bois avec son instrument champêtre, ses cuisses velues, son pied fourchu et sa mine de bouquin ; il a l’air content. […] Aussi voyez ce sujet que je vous ai fait dessiner exprès d’après un marbre antique ; Persée a l’air de donner la main à Andromède pour descendre ; Andromède, plus obligée aux dieux de sa délivrance qu’à Persée, qu’elle ne regarde pas, droite, presque sans action, sans passion, sans mouvement, les regards et les mains levés vers le ciel, touchée, en actions de grâces, est debout sur une petite éminence qui ne ressemble guère à un rocher, et ce méchant petit dragon mort n’est là que pour désigner le fait. […] Est-ce que les proportions, les caractères, les figures des dieux payens n’étaient pas déterminés par leurs fonctions ? […] Mais voici ce qu’a fait le Poussin ; il a tâché d’ennoblir les caractères ; il s’est assujetti selon les convenances de l’âge, aux proportions de l’antique ; il a fondu avec un tel art la bible avec le paganisme, les dieux de la fable antique avec les personnages de la mythologie moderne, qu’il n’y a que les yeux savans et expérimentés qui s’en aperçoivent, et que le reste en est satisfait. […] Le chrétien interrompant un sacrifice, renversant des autels, brisant des dieux, insultant le pontife, bravant le magistrat, n’offre pas un grand spectacle !

117. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Baschet, — c’est le passage de sa vie de jeune homme encore incertaine à sa vie d’auteur triomphale et olympienne. » Goethe passait dieu. Pour mon compte, je ne sais pas si ce buste d’Athénée fera un dieu sortable, mais ce dont je suis sûr, c’est que l’évolution par laquelle il s’élançait si agilement à sa divinité prétendue est l’évolution des âmes vulgaires… Les grandes âmes blessées traînent plus longtemps dans la vie cette chaîne brisée dont parle Bossuet. […] En vain il souffre par Charlotte, ce jeune homme de vingt-trois ans, qui ne souffrira plus demain, mais il n’oublie pas, à chacun de ces coups qui font pousser aux hommes le cri vrai, de pousser le cri de la rhétorique et d’invoquer les dieux immortels, les génies, les forces, les tourbillons, et toute cette mythologie panthéiste d’un paganisme renouvelé, qui seront un jour les causes de mort de ses écrits et les rendront insupportables. […] Il lui manquait une chose, — de peu, il est vrai, pour un dieu comme lui, — mais elle lui manquait. […] Par un procédé qui tient au genre d’imagination de l’auteur des Hommes et Dieux, il a trouvé dans Goethe des motifs de femme, dont il a fait ses femmes.

118. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Ô Dames, n’estimez point que l’on doive blâmer celles que ce dieu a blessées ; et prenez garde ! […] Les Dieux toujours à soi ressemblent ; Quant à soi les Dieux sont parfaits ; Mais leurs effets sont imparfaits Et jamais en tout ne se semblent… Ainsi les hauts Dieux se reservent Ce point, d’estre tous seuls contens ; Pendant que les bas mortels servent Aux inconstances de leur temps. […] Dieux, que vous estes mensongère ! […] ŒDIPE Quoi, les dieux sont muets ! […] Si sur notre avenir vos dieux ont quelque empire Quelle indigne pitié divise leur courroux ?

119. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Pour la bouche des dieux. […] Les dieux étaient supposés respirer l’odeur des sacrifices, mais non pas manger les victimes. La Fontaine, par ce mot de la bouche des dieux, indique leurs représentans, qui avaient soin de choisir les victimes les plus belles et les plus grasses.

120. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

La crédulité, et non l’imposture, fit les premiers dieux. […] Les premiers hommes divinisèrent tous les objets, et prirent les noms de ces dieux pour signes ou symboles des choses qu’ils voulaient exprimer. […] Les dieux montèrent dans les planètes, les héros dans les constellations.

121. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

La meilleure preuve que je puisse vous donner de la liberté réfléchie de ma résolution, c’est que je ne me plains de personne ; car maudire les Dieux ou accuser les hommes, c’est le signe d’un homme qui répugne à mourir et qui voudrait vivre encore. » Quelle grandeur de civisme, même dans ses vices, étale ce peuple romain ! […] Le matin, ses troupes attaquent, malgré lui, le sénateur Sabinus, chef du parti de Vespasien, barricadé dans le Capitole ; le Capitole est incendié avec les statues des dieux et des héros, changées par les combattants en armes défensives ou agressives. […] « Les portes du temple s’ouvrirent d’elles-mêmes, raconte Tacite, et on entendit une voix, plus forte que toute voix humaine, dire : Les Dieux s’en vont. […] Ensuite ses courtisans coururent aux temples, et, l’exemple une fois donné, les villes voisines de la Campanie attestèrent à l’envi leur joie par des adresses à l’empereur, et par des victimes immolées en actions de grâces aux Dieux. […] Voyez la description si sobre du lieu de la scène, du crépuscule sur les collines de Misène, de cette nuit splendide où les astres brillent, où les flots dorment pour fournir aux hommes et aux Dieux des témoins plus irrécusables contre Néron.

122. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

De ces poèmes, c’est la Vaelsunga-Saga qui lui a sans doute le plus servi pour le gros œuvre dramatique, du moins lorsqu’il lui a fallu passer des dieux aux héros, de Wotan à Siegfried. […] L’Edda de Snorre, dans le poème sur Gylfe, va nous donner l’une des formes de l’aventure : « Dans le commencement du premier âge des dieux, quand ils eurent élevé Mitgard et bâti Walhall, un architecte vint les trouver, et leur offrit de construire en trois ans un château tellement fort qu’il serait impossible aux géants des montagnes et aux Rhimnthursars de s’en emparer … Mais il demanda pour récompense Freia, et avec elle le soleil et la lune. » Trois jours avant l’expiration du délai fixé, les dieux s’assemblent et s’accordent à dire que celui qui a conseillé de livrer Freia est Loke, « source du mal ». Menacé par les Dieux, Loke trouve un expédient, empêche l’architecte de finir son travail, et le fait assommer par Thor (Donner). […] Un autre épisode est venu s’ajouter à celui-là, par une confusion très heureuse que Wagner a faite, de propos délibéré, entre Freia et Idun ou Iduna, déesse dont les pommes d’or empêchent les dieux de vieillir. […] Idun est perdue pendant quelque temps pour les dieux, et avec elle la boite où sont les pommes magiques.

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