Le premier de ces trois discours est l’Apologie ; qu’on se peigne un vieillard de soixante-dix ans, qui toujours a été vertueux et juste, paraissant dans les tribunaux pour la première fois ; intrépide et simple devant ses juges, comme il l’était dans les actions ordinaires de sa vie, dédaignant l’artifice et les vains secours de l’éloquence, n’en connaissant d’autre que la vérité, et jurant de parler son langage jusqu’au dernier moment, priant ses juges avec l’autorité d’un vieillard et d’un homme de bien, d’examiner si ce qu’il va leur dire est juste ou ne l’est pas, parce que c’est là leur fonction, comme la sienne est de dire la vérité, parlant de ses accusateurs sans colère comme sans dédain, du reste, tranquille sur son sort, qu’il soit condamné ou qu’il soit absous, abandonnant à Dieu le succès, et se justifiant pour obéir à la loi : tel paraît Socrate dans son début. […] Socrate, laisse-toi persuader, et ne préfère ni tes enfants, ni ta vie, ni rien même à la justice. » Criton cède ; il admire Socrate qui finit par lui dire : « Marchons par où Dieu nous conduit. » Le troisième discours, beaucoup plus connu que les deux autres, est ce Phédon si fameux qui contient le récit des derniers entretiens de la mort de Socrate ; c’est un des ouvrages les plus célèbres de l’antiquité ; c’est celui que Cicéron, comme il nous l’apprend lui-même, n’avait jamais pu lire sans verser des larmes. […] La mort d’un homme juste est un objet sublime par lui-même ; mais si ce juste est opprimé, si l’erreur traîne la vérité au supplice, si la vertu souffre la peine du crime, si en mourant elle n’a pour elle-même que Dieu et quelques amis qui l’entourent, si cependant elle pardonne à la haine, si de l’enceinte obscure de la prison où elle meurt, ses regards se tournent avec tranquillité vers le ciel, si, prête à abandonner les hommes, elle emploie encore ses derniers moments à les instruire, si enfin, au moment où elle n’est plus, ce soit le crime qui l’a condamnée qui paraisse malheureux et non pas elle, alors je ne connais point d’objet plus grand dans la nature : et tel est le spectacle que nous présente Platon, en décrivant la mort de Socrate ; il y joint tous ces détails qui donnent de l’intérêt à une mort célèbre et qui en reçoivent à leur tour. Nous suivons Socrate de l’œil ; nous ne perdons pas un de ses mouvements, pas un de ses discours ; nous le voyons quand on lui amène ses deux enfants, quand il donne ses derniers ordres pour sa maison, quand il fait éloigner les femmes ; quand ses amis mesurent avec effroi la course du soleil, qui bientôt va se cacher derrière les montagnes, et quand la coupe fatale arrive, et lorsqu’avant de la prendre, il fait sa prière au ciel pour demander un heureux voyage, et l’instant où il boit, et les cris de ses amis dans ce moment, et la douceur tranquille avec laquelle il leur reproche leur faiblesse, et sa promenade en attendant la mort, et le moment où il se couche sur son lit dès qu’il sent ses jambes s’appesantir, et la mort qui monte et le glace par degrés, et l’esclave qui lui touche les pieds que déjà il ne sent plus, et sa dernière parole, et son dernier, et son éternel silence au milieu de ses amis qui restent seuls.
On se passerait bien aussi du grenier et de l’armoire des deux derniers vers. […] Les six derniers ne font qu’affaiblir la pensée de l’auteur. […] Les trois derniers vers qui contiennent la moralité de la fable, n’en indiquent pas assez, ce me semble, toute la portée. […] dernier. […] V. dernier.
Thiers ne ressemble point à ceux qu’on nous a donnés jusqu’ici, surtout dans les dernières années. […] Car le nouvel Empire, en renouant la chaîne, avait à se rattacher à 1815 comme à un dernier anneau. […] quel Napoléon sinistre, incertain, troublé, physiquement et moralement déchu, on nous offrait comme un dernier épouvantail ! […] Mais tout cela nous montre, dans un dernier exemple, la fièvre qui s’est emparée de quelques esprits sur ce chapitre de 1815, et comment chacun s’est mis à revoir et à repeindre cette époque de crise à travers ses préventions d’aujourd’hui. […] Les deux livres qui exposent les immenses travaux de Napoléon pour régénérer l’intérieur et réorganiser la guerre, quoique le désastre (on le sait trop bien) soit au bout, laissent une impression tout autre et bien plus consolante au cœur de tout bon Français qu’on ne l’avait d’après les derniers historiens.
Nisard coupait les œuvres de leurs racines, il étudie, lui, ces racines jusque dans leurs dernières ramifications et le sol même où elles s’enfoncent. […] Il a d’étranges faiblesses pour la poésie ténébreuse et mystique des derniers petits cénacles (et c’est ce qui lui a valu leur vénération). […] De même encore, il affecte de connaître et d’aimer les derniers raffinements du luxe contemporain ; il s’en voudrait d’avoir ignoré un seul détail de la plus élégante façon de vivre inventée par les derniers civilisés. […] Et c’est là, je crois, sa dernière marque, et la plus intime. […] Paul Bourget appelle lui-même son dernier roman, André Cornélis, une « planche d’anatomie morale », et il n’a que trop raison.
Daru fut de ceux, qui, à la force de corps et à la force de tête, montrèrent qu’ils savaient unir celle de l’âme ; mais lui-même, si de son dernier séjour il y met encore sa pensée, il ne voudrait point qu’en passant devant ces grands désastres et ces luttes dernières, on n’y entrât que pour se donner occasion de le louer. […] Ces « Observations critiques », au reste, sont intégralement reproduites au tome IXme de la quatrième et dernière édition, avec les réponses de M. […] Grosley, au siècle dernier, avait déjà soutenu une thèse assez analogue, mais avec des armes moins précises et dans une dissertation moins motivée. […] L’institution des prix de vertu qui, avant la Révolution, avaient décoré et attendri les dernières séances de l’ancienne Académie, fut rétablie en 1819 et inaugurée par un discours de M. […] Daru dans sa campagne de Bêcheville : il y manque je ne sais quoi, peu de chose, un dernier tour, pour que l’art complet, l’art antique et fin s’y retrouve.
L’assemblée du Clergé de 1700, tenue à Saint-Germain-en-Laye, fut une dernière arène où se déploya cette activité vigoureuse de Bossuet. […] Les travaux critiques de Richard Simon sur l’Ancien et le Nouveau Testament, ses interprétations tout historiques et hardies sous forme littérale, et les explications philosophiques qui y étaient en germe, lui firent surtout pousser le cri d’alarme et l’occupèrent durant toutes ses dernières années : il travailla jusqu’au dernier moment à le réfuter, à le faire condamner, à faire supprimer ses livres par l’autorité ecclésiastique et séculière. […] Il raccommode et réconcilie, après des pourparlers sans nombre, les membres du présidial et ceux de l’élection qui étaient en guerre ouverte et qui, par suite de couplets injurieux, étaient près d’en venir aux derniers éclats ; ayant rendu une sentence arbitrale qui est acceptée et signée des deux partis, il réunit le jour même à un dîner à l’évêché, et fait boire à la santé les uns des autres, ces guelfes et ces gibelins de la ville de Meaux. […] On aime à rejoindre ces détails sur le Bossuet de la fin et sur son bel organe, éclatant une dernière fois, avec ce que le même biographe nous a dit de lui dans sa jeunesse, quand il nous le montre affectionné à chanter l’office de l’Église et les psaumes : « Il avait la voix douce, sonore, flexible, mais aussi ferme et mâle. […] Bossuet, durant toute sa vie, avait lu et aimé les psaumes ; mais ce premier temps où, chanoine, âgé de treize ans à peine, il les chantait de sa voix pure et peut-être avec larmes aux offices du chœur à Metz, lui revenait plus tendrement dans ses derniers jours.
Dans les derniers jours de son voyage, Humboldt devait encore apprendre à connaître les douloureuses angoisses de la maladie à bord. […] « Mais, dans les derniers temps, les années de l’illustre octogénaire avaient réclamé leurs droits naturels. […] Toutefois les nombreuses infirmités survenues dans les dernières années avaient plus ou moins modifié cette distribution habituelle du temps. […] Mon cher et illustre ami, Mon fils est parti ces jours derniers pour Berlin, en qualité de ministre plénipotentiaire. […] J’ai la confiance que ma conduite dans les trois derniers mois (j’ai presque dit dans les trois derniers siècles) ne doit me rien faire perdre dans ton esprit.