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1022. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Voilà les derniers mots et les dernières idées de la Physique d’Aristote, terminant cette vaste étude par une théorie de l’action de Dieu sur le monde. […] Ce n’est pas toujours du premier coup que la science la prononce, comme Aristote l’a fait pour la théorie du mouvement ; mais un peu plus tôt, un peu plus tard, il faut bien en arriver à cette explication dernière des choses, ou renoncer à les savoir jamais. […] On connaît par la lecture des sept premiers livres comment le corps de l’animal existe et comment il se multiplie ; les deux derniers apprennent comment l’animal vit et comment il se conserve. […] Seulement, c’est un calcul en sens inverse des calculs vulgaires ; on perd tout au dehors pour tout gagner au dedans ; et, quand l’épreuve est bien tout ce qu’elle doit être, on se trouve avoir gagné beaucoup plus encore qu’on n’a perdu, jusqu’au sacrifice dernier ou l’existence peut être mise en jeu. […] Elle est d’abord la condition essentielle de la vertu, le prix dernier de la vie morale et son trésor.

1023. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

J’ai sur cette question des grands livres du dernier siècle un petit travail que je publierai quelque jour. […] Non, Montfort, c’est à mettre au point, l’héritage du dernier siècle. […] Celle-là signifie que jamais autant qu’au dernier siècle, on ne vit de si belles intelligences ni de si grands poètes asservis à de si mortelles erreurs. […] De là sans doute cette faveur, dont les délicats, les derniers honnêtes gens des lettres, ont fait bénéficier un Stendhal, un Mérimée, un Sainte-Beuve, cette prédilection pour Baudelaire « Boileau exaspéré », pour l’exquis Nerval, ce romantique « que nous pouvons aimer » (Montfort), enfin ce retour, chez bon nombre d’écrivains, à la forme condensée, toute de nombre et de mesure d’un Jean Moréas, d’un Tellier, d’un Maurras. […] Et, pourtant, quel équilibre, quelle discipline, chez Barrès, quelle force concentrée et ordonnée dans toute son œuvre littéraire que les dernières générations d’aujourd’hui ne pratiquent pas assez !

1024. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Deux forces réunies dans des proportions inégales, le génie et la tradition, ont tiré l’esprit français de cette décadence précoce où l’acheminait doucement, du pas dont il marchait lui-même au dernier terme, Fontenelle, profitant de l’interrègne du génie pour établir le spécieux empire du bel esprit. […] Les premières faveurs de la fortune l’avaient gâté ; les dernières l’améliorent, parce qu’elles sont le juste prix de son mérite. […] Pour dernier trait de ressemblance avec son lecteur, Gil Blas est chrétien et Français. […] « Effectivement, dit Gil Blas, ces messieurs me menèrent si bon train, que je m’en allais dans l’autre monde à vue d’œil. » Et plus loin, pour dernière malice : « Mes docteurs m’ayant abandonné et laissé le champ libre à la nature, me sauvèrent par ce moyen. » Voilà l’esprit dont le roman de Lesage est plein. […] Parle-t-il, au contraire, du château de Lirias, devenu le sien, et vers lequel il s’achemine avec son fidèle Scipion, confident et témoin des dernières agitations de sa vie de cour, il ne ménage pas les descriptions.

1025. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

La connaissance est, ou purement logique, quand elle se ramène à un travail abstrait de la pensée sur elle-même ; ou scientifique, quand elle est un travail de la pensée sur les phénomènes réels ; ou philosophique et métaphysique, quand elle est une spéculation de la pensée sur le fond dernier des réalités. […] C’est, dans l’appétition ou volonté, subissant l’action du dehors et réagissant en conséquence, que doivent se trouver, selon nous, les dernières raisons de nos croyances et des idées-forces qui les expriment. […] Accordons-lui au moins ce que nous accordons au dernier des atomes et au dernier des phénomènes. […] IV Origine radicale du principe de raison suffisante dans l’action de la volonté L’idée d’intelligibilité s’explique aussi, en dernière analyse, par l’expansion de la volonté dans un milieu qui la favorise ou la contrarie, et par l’effort de la volonté pour se maintenir avec le moindre abandon possible d’elle-même. […] C’est antérieurement à la logique abstraite de l’entendement, c’est dans notre mode de sentir et de réagir qu’il faut chercher la raison dernière de notre instinct scientifique : in semu et volúntate, non in intellectu.

1026. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

3 janvier Si on écoutait ses maux, on resterait couché et on ne se lèverait qu’au jugement dernier. […] … Tenez j’aurais voulu que vous fussiez mort, l’année dernière, vous m’auriez laissé au moins la mémoire et le souvenir d’un ami !  […] Correction des dernières épreuves de Madame Gervaisais. […] Lui, il a entendu sans faiblesse la lecture de son arrêt, et, la lecture finie, il saute d’un bond sur le banc au-dessus, et de là, se retournant vers l’endroit des cris, et touchant son cœur, il envoie d’un geste violent, suprême, un dernier baiser à celle qui a crié. […] Ce matin, elle est allée aux Tuileries, et comme on lui parlait de l’air de bonne et gaie santé qu’on avait trouvé à l’Empereur à son dernier jeudi, elle dit : « Oh !

1027. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

C’est alors que les derniers efforts furent tentés auprès de Louis XIV de la part de Madame, sœur du duc, pour rompre cette mésalliance. […] Lassay pourtant voulait encore le paraître, et il ajoutait comme dernière raison à toutes les autres sa douleur et l’idée de celle qu’il avait perdue et qui lui était, disait-il, aussi présente que le premier jour. […] Je suis un exemple qu’on ne meurt point de douleur, puisque je ne suis pas mort en la perdant. » Si c’est une dernière illusion de Lassay, de croire qu’il aurait évité ses échecs et ses fautes en supposant que Marianne eût vécu, c’est du moins une illusion touchante et qui honore sa sensibilité.

1028. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Et nous aussi, nous avons vu comme on tombe dans une révolution, et comme on en sort ; comment tous, et les derniers, et les plus distingués, y poussent à l’envi, comment plusieurs même aimeraient à y rester, mais comment un seul, inspiré de plus haut, vous en retire. […] Le souvenir de mes égarements répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs (Mme de Farcy) de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. […] Cessez cette cruelle philosophie ; ne ravissez point à l’infortuné sa dernière espérance : qu’importe qu’elle soit une illusion, si cette illusion le soulage ?

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