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887. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Brusquement, tandis qu’on assiste à un spectacle ou qu’on prend part à un entretien, la conviction surgit qu’on a déjà vu ce qu’on voit, déjà entendu ce qu’on entend, déjà prononcé les phrases qu’on prononce — qu’on était là, à la même place, dans les mêmes dispositions, sentant, percevant, pensant et voulant les mêmes choses — enfin qu’on revit jusque dans le moindre détail quelques instants de sa vie passée. […] Myers propose une explication non moins ingénieuse, fondée sur la distinction du moi conscient et du moi « subliminal » : le premier ne reçoit d’une scène à laquelle il assiste qu’une impression globale, dont les détails retardent toujours un peu sur ceux de l’excitant extérieur ; le second photographie ces détails au fur et à mesure, instantanément. […] Nous reconnaissons d’ailleurs que, même sous cette forme, l’idée est encore trop générale pour servir au détail des explications psychologiques.

888. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Quels étaient ces détails ? […] Un tel caractère de réalité, de précision jusque dans les moindres détails, ne saurait appartenir à une fiction. […] Pourquoi ces admirables détails de spiritualité, ces branches de l’arbre ne sont-elles pas plus sensiblement rattachées à l’arbre lui-même ? […] N’est-ce pas sur l’ensemble, plutôt que sur les détails, que nous devons nous en reposer ? […] Nous craignons que ces détails ne paraissent subtils ; cependant nous sommes sûrs de rendre une impression réelle.

889. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Je ne saurais pourtant cacher que, lorsqu’on lit dans Nicétas le détail des dévastations, des trois grands incendies de la ville impériale, les belles statues de bronze renversées à terre et fondues sans pitié, la mosaïque et le parvis de Sainte-Sophie brisés sous les pieds des chevaux, les manuscrits sans doute (et quels manuscrits !) […] Il y a dans cette chronique deux portions assez distinctes, celle qui expose les préparatifs et les détails de la conquête, et celle qui succède et qui nous rend la prise de possession dans ses conséquences.

890. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Comme il n’a que très tard commandé en chef, il parlera donc en détail des moindres escarmouches, affaires de nuit, rencontres, coups de main et stratagèmes où il a eu un premier rôle, ce qui lui arriva de bonne heure à cause de son esprit d’entreprise et de sa hardiesse. […] Au fond, il ne s’agit que d’un ou plusieurs moulins à prendre et à brûler, et Montluc, qui a bien de l’esprit, au moment d’entrer dans ce récit tout sérieux, comme s’il avait deviné que don Quichotte faisait quelque chose de pareil vers le même temps, se permet par précaution un petit sourire : « Or, pour déduire cette entreprise, dit-il, encore que ce ne soit pas la conquête de Milan, elle pourra servir à ceux qui en voudront faire leur profit. » Après cette légère précaution, il n’omet plus rien du détail et des circonstances du stratagème, et en fait un parfait modèle et un exemple à suivre.

891. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Essayons une fois, et par un exemple, de revenir à la vraie critique des poètes, à la critique qui tient compte de l’ensemble, mais qui ne craint pas d’entrer dans le détail. […] M. du Camp, dans le détail, est souvent trop prosaïque.

892. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

On aime à rejoindre ces détails sur le Bossuet de la fin et sur son bel organe, éclatant une dernière fois, avec ce que le même biographe nous a dit de lui dans sa jeunesse, quand il nous le montre affectionné à chanter l’office de l’Église et les psaumes : « Il avait la voix douce, sonore, flexible, mais aussi ferme et mâle. Son chant était sans affectation, et néanmoins il faisait plaisir » Tous les détails donnés par Le Dieu ne sont pas également intéressants, et il en est dont on se passerait bien.

893. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Dans les premières scènes d’aveu, d’épanchement entre Ellénore et Adolphe, celui-ci, voulant exprimer la douceur de leurs entretiens, nous dit : « Je lui faisais répéter les plus petits détails, et cette histoire de quelques semaines (les semaines d’absence qui avaient précédé) nous semblait être celle d’une vie entière. L’amour supplée aux longs souvenirs par une sorte de magie. » Mais il ne nous indique aucun de ces détails qui lui ont paru si charmants, ou il ne les indique que d’une façon très générale ; il aime mieux s’écrier : « L’amour n’est qu’un point lumineux, et néanmoins il semble s’emparer du temps, etc. » — Un jour il écrit à Ellénore, pour lui donner idée de ce qu’il souffre pendant les heures qu’il vit séparé d’elle : « … J’erre au hasard courbé sous le fardeau d’une existence que je ne sais comment supporter.

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