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1020. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Aujourd’hui, voici la troisième étape : on nie le dramaturge, — on accuse l’homme d’avoir méprisé les Maîtres classiques : attendons qu’à Paris, un, au moins, des drames Wagnériens ait été représenté, — et que les œuvres critiques de Wagner aient été publiées… — Wagner disait que, avant lui, l’Allemagne n’avait pas eu de musique (un critique l’a écrit, il y a quinze jours) ; — Wagner a grossièrement et bêtement, insulté Bach (le même critique l’affirmait) : et la folle vanité de Wagner est, toujours, dans ces espèces de feuilletons, le refrain. […] Ce premier volume comprend les chapitres suivants : Avant-propos ; introduction (esthétique) ; 1° Education anarchique ; 2° Wagner devient artiste (les Fées, la Défense d’aimer) ; 3° Wagner chef d’orchestre en province (Rienzi) ; 4° Paris — lutte pour l’existence ; — 5° Révolte — Wagner critique ; 6° le Vaisseau Fantôme — Manfred ou Tànnhaeuser ; 7° Wagner chef d’orchestre à Dresde — Tannhaeuser ; 8° Première idée des Maîtres Chanteurs — Lohengrin ; 9° Dernière crise — Projet de réforme du théâtre ; 10° Dernier conflit — Formation de l’idéal ; 11° Forme du drame de Wagner — Révolution et exil, la Mort de Siegfried.   Critique d’Avant-Garde, par Théodore Duret, (I vol. in-18 3 fr. 50) Un des chapitres de ce livre, qui est un recueil d’articles de critique artistique, est consacré à Richard Wagner. […] L’écrit de Wagner est une œuvre de Critique, non de Biographie ; il suppose connue, déjà, par le lecteur, la vie de Beethoven, en ses détails essentiels.

1021. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

La vérité de nos Annales serait faussée à une telle profondeur que, pendant bien longtemps peut-être, la Critique la plus savante et la plus sagace serait impuissante à la rétablir. […] Serpent charmeur de la Critique elle-même, il la corromprait, ou plutôt il l’enivrerait, si elle ne se tenait le cœur ferme, si elle ne se raidissait pour le juger. […] Triste procédé qui pourrait dispenser la Critique de s’occuper d’un ouvrage dont le fond est déjà connu, si, d’un autre côté, le nom de l’auteur, le titre du livre et les quelques points de suture qui tiennent les morceaux dont il est composé, rapprochés, ne révélaient pas suffisamment l’éternel dessein de propagande contre lequel on ne saurait mettre trop en garde les esprits faibles sur lesquels M.  […] S’il n’y avait de dangereux que les chefs-d’œuvre, la Critique pourrait devenir sans inconvénient une bonne fille et le nouveau livre de M.  […] Trop élevé, trop pratique, trop acte, en un mot, pour tomber sous le regard d’une critique purement littéraire, le livre du P. 

1022. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Vous avez eu raison tout de suite en face certaines personnalités devant lesquelles d’autres critiques hésitaient. […] En général, ces critiques intolérants se recrutent parmi ceux qui ont essayé de produire comme ceux qu’ils attaquent et qui n’ont pas pu y arriver. […] Et je vous confesse que j’ai été jusqu’ici trop raisonnable dans la critique des lois et des mœurs. Aussi cette critique va-t-elle tomber sans fruits et se sécher comme un arbre brûlé par la gelée d’avril. […] Il n’a pas lu la Critique du jugement.

1023. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Boileau, comme moraliste et comme critique, avait exprimé bien des vérités en vers avec une certaine perfection. […] , il nous dit, dans cet admirable chapitre des Ouvrages de l’Esprit, qui est son Art poétique à lui et sa Rhétorique : « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n’y en a qu’une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néanmoins qu’elle existe, que tout ce qui ne l’est point est foible et ne satisfait point un homme d’esprit qui veut se faire entendre. » On sent combien la sagacité si vraie, si judicieuse encore, du second critique, enchérit pourtant sur la raison saine du premier. […] Aujourd’hui que l’Art poétique de Boileau est véritablement abrogé et n’a plus d’usage, la lecture du chapitre des Ouvrages de l’Esprit serait encore chaque matin, pour les esprits critiques, ce que la lecture d’un chapitre de l’Imitation est pour les âmes tendres. […] On lit dans les Mémoires de Trévoux (mars et avril 1701), à propos des Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère (1701) : « Depuis que les Caractères de M. de La Bruyère ont été donnés « au public, outre les traductions en diverses langues et les dix « éditions qu’on en a faites en douze ans, il a paru plus de trente « volumes à peu près dans ce style : Ouvrage dans le goût des Caractères ; « Théophraste moderne, ou nouveaux Caractères des Mœurs ; « Suite des Caractères de Théophraste ut des Mœurs de ce siècle ; les « différents Caractères des Femmes du siècle ; Caractères tirés de l’Écriture « sainte, et appliqués aux Mœurs du siècle ; Caractères naturels « des hommes, en forme de dialogue ; Portraits sérieux et critiques ; « Caractères des Vertus et des Vices.

1024. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Une seule occupation me parut digne de remplir ma vie ; c’était de poursuivre mes recherches critiques sur le christianisme par les moyens beaucoup plus larges que m’offrait la science laïque. […] Dans l’ordre des idées critiques, je cédai également le moins possible, et c’est ce qui fait que, tout en étant rationaliste sans réserve, j’ai néanmoins plus d’une fois paru un conservateur dans les discussions relatives à l’âge et à l’authenticité des textes. […] Quand la réaction viendra contre cette école, on trouvera peut-être que ma critique, d’origine catholique et successivement émancipée de la tradition, m’a fait bien voir certaines choses et m’a préservé de plus d’une erreur. […] Mes adversaires, pour me refuser d’autres qualités qui contrarient leur apologétique, m’accordent si libéralement du talent, que je puis bien accepter un éloge qui dans leur bouche est une critique. […] L’amour-propre est si habile en ses calculs secrets que, tout en faisant la critique de soi-même, on est suspect de ne pas y aller de franc jeu.

1025. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

D’ailleurs, une critique un peu large et qui se pique de justice n’a point à faire de chicanes à des facultés qui naissent tard, pourvu qu’elles naissent ; à des œuvres inespérées et qui rompent une série de travaux sur lesquels on pouvait compter, pourvu toutefois que l’œuvre nouvelle vaille ce qu’on perd dans un autre ordre. Or, c’est là ce que la Critique doit examiner. […] Mais la Critique, sous peine d’être incomplète, sous peine de ne voir que la moitié des choses, a droit de regard sur le succès autant que sur les compositions qui l’obtiennent — si souvent sans le mériter. […] Tout n’a pas la même importance ni aux yeux de la Critique, ni aux yeux de l’Histoire. […] Cousin, trouble à ce point la réalité et la moralité des choses historiques, il est évident qu’il peut fausser autour de lui les esprits faibles, et la Critique, qui jusque-là riait gaîment des livres imbécilement amoureux échappés à sa vieillesse, ne sourit même plus !

1026. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Aussi a-t-il été dès sa première œuvre le bébé du succès, et il en sera certainement un jour, car il est jeune encore, le barbon… Depuis le public qui le trouve charmant, jusqu’aux critiques eux-mêmes, lâches avec le public comme les tribuns avec le peuple, il est convenu que l’auteur de Dalila et du Cheveu blanc est un talent dont le caractère est la grâce, — la grâce décente. […] S’il avait dans ses écrits persisté à être l’Octave Feuillet que nous connaissons, nous n’aurions probablement rien dit d’un roman où l’auteur n’aurait rien ajouté à ce qu’on sait de lui, et où son talent eût forcé la critique à être ennuyeuse comme un conte répété deux fois. […] VII4 Une chose terrible pour la Critique et dont je me suis plaint déjà, c’est d’avoir toujours à parler des talents dont on a parlé souvent et qui ne se renouvellent pas. […] La Critique, obligée à suivre le mouvement intellectuel de chaque jour, ne peut passer sous silence un livre écrit par un homme d’une célébrité acquise et d’une position faite, sous prétexte que le livre qu’il publie ressemble, plus ou moins, à tous ceux qu’il a publiés… Tel est le cas pour Octave Feuillet. […] Tous ces livres de Feuillet, manqués aux yeux de la critique exigeante, ne sont que des effleurements d’observation ou d’idées, mais ils ne choquent personne et paraissent charmants à la majorité des esprits, qui ne veulent pas qu’on les remue trop fort.

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