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1468. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Des parties de l’Odyssée ont dû sans doute être récitées séparément, mais si l’on donne à un rhapsode plusieurs journées de suite, ou si l’on suppose (ce qui avait lieu dans les assemblées et les fêtes publiques) une suite de rhapsodes qui se succédaient et se relayaient pour la récitation, rien n’empêche de concevoir que, même sans écriture aucune, l’Odyssée ait pu se transmettre en entier, dans toute son intégrité, sauf peut-être tel épisode à tiroir et tel passage ou telle scène qui aura pu s’y glisser après coup : mais l’agrégation première, la cristallisation, pour ainsi dire, du poëme doit dater de la période légendaire, de l’époque créatrice et inspirée, de l’âge même des rhapsodes. […] L’ajustement du plan ne paraît pas s’y être produit, comme dans l’Odyssée, du premier jet et du premier coup.

1469. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Les désastres qu’entraîna le Système réhabilitèrent après coup son administration qui avait besoin de ce repoussoir pour s’embellir. […] Anne-Paule-Dominique de Noailles, marquise de Montagu ; seconde édition ; 1 vol. in-18 (Dentu, Palais-Royal, et Douniol, rue de Tournon, 29). — Un fâcheux procès pourtant, qui a tout à coup initié le public à la composition de cette biographie, est venu non pas porter atteinte à l’authenticité de l’ensemble, mais faire suspecter la sincérité de quelques détails.

1470. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Le maréchal de Noailles, en cette crise troublante, ne fait rien qui vaille en Alsace, et s’il est vrai que Louis XV ait dit au comte d’Argenson : « Écrivez de ma part au maréchal de Noailles que, pendant qu’on portait Louis XIII au tombeau, le prince de Condé gagna une bataille » ; si ce mot, qui a tout l’air de ceux qu’on fait après coup et qu’on prête aux rois, n’est pas de l’invention de Voltaire, le maréchal répondit mal à l’appel ; il ne répondit certainement pas à l’intention ; il a manqué là le moment rapide, le moment illustre ; il n’est pas Turenne, et dès cet instant le prestige de son grand crédit s’évanouit. […] Si le projet qu’il a indiqué après coup est bien exact et s’il paraît assez bien combiné, l’exécution en fut déplorable. » — Je cherche partout des témoignages à l’appui de mes réserves, car il est bien difficile d’oser mettre un peu de vérité dans ces articles que j’écris, et l’on aurait peine à croire à combien de suggestions et d’instances j’ai dû résister pour maintenir ce jugement modéré et un peu restrictif sur le maréchal de Noailles.

1471. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Les grandeurs véritables de Marie-Antoinette ne lui viendront que plus tard sous le coup de l’adversité. […] Elle projette ses lueurs et ses couleurs sur tout le passé ; elle crée, après coup, des enchantements et des merveilles là où il n’y a eu que de l’agrément racheté par bien des futilités.

1472. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Sa brouille avec Napoléon eut à traverser des phases diverses, et fut marquée à plusieurs reprises par des coups de tonnerre, suivis eux-mêmes d’apaisement et parfois de velléités presque bienveillantes. […] M. de Talleyrand a toujours nié l’avoir vu ; mais d’autres que lui le virent, et il est difficile de douter qu’il n’y ait réellement eu un conciliabule où l’on discuta le coup proposé par Maubreuil : — se défaire de Napoléon.

1473. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

La Révolution de 1830 portait au pouvoir tous les amis de Casimir Delavigne, et elle semblait du même coup devoir porter avec elle son poëte bien-aimé, son chantre favori, celui dont elle avait redit les refrains au premier jour du triomphe. […] Il semblait qu’il était devenu pour tous avec le temps un de ces biens égaux et continus, une de ces douceurs acquises et accoutumées, qu’on ne se remet à ressentir tout d’un coup qu’en les perdant.

1474. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Ce ne fut qu’après Richelieu, après la Fronde, sous la reine-mère et Mazarin, que tout d’un coup, du milieu des fêtes de Saint-Mandé et de Vaux, des salons de l’hôtel de Rambouille1 ou des antichambres du jeune roi, sortirent, comme par miracle, trois esprits excellents, trois génies diversement doués, mais tous les trois d’un goût naïf et pur, d’une parfaite simplicité, d’une abondance heureuse, nourris des grâces et des délicatesses indigènes, et destinés à ouvrir un âge brillant de gloire où nul ne les a surpassés. […] Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre.

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