Ces gens-là n’ont pas de conscience, ou je veux bien accorder qu’ils en ont une ; mais elle reste à l’état rudimentaire ou à l’état latent, et c’est ce qu’on peut appeler une conscience inconsciente. […] Il s’est fait un instrument d’argumentation et il s’est fait une conscience. […] Dès qu’il a pris le bon exemple pour arme, il est devenu conscience. Dès qu’il est devenu conscience, Dieu est né, car la conscience s’appuie sur Dieu comme sur son autorité et le suppose comme son auteur, et la divinité est pour elle comme une conscience universelle. […] L’impératif catégorique de Kant, la conscience, le devoir, sont des dieux.
Il regarda, et comme son défaut n’était pas la patience, il observa très vite, avec son coup d’œil d’oiseau de proie, pour livrer aussitôt aux risées les ridicules de la dévotion, et en particulier ceux des directeurs de conscience ; car c’était le temps où florissaient les directeurs de conscience, que vous trouverez partout décrits, même dans Bourdaloue, Bossuet, La Bruyère, Boileau. Molière conçut l’idée, la première idée de se moquer d’un directeur de conscience ; il n’alla pas au-delà. […] Eh bien, ce costume, qui d’abord n’était pas décent du tout, est devenu plus décent depuis et, croyez-le bien, c’est la conscience générale qui l’impose et non pas l’hypocrisie. […] Mais il y en a un encore bien plus terrible, c’est le directeur de conscience. […] L’usage d’avoir un directeur de conscience était si répandu, qu’il inquiétait l’Église elle-même.
Elle se trouva désorganisée, anarchique et sans conscience d’elle-même. […] Il se disait alors : « C’est ma destinée, donc c’est mon devoir. » Et rien ne comptait plus dans sa conscience ni dans sa mémoire. […] Il la regardait, agenouillée dans sa prostration ; il se sentit juge ; il pesa dans sa conscience le bien et le mal, et ses larmes coulèrent. […] Et moi qui me pique d’être philosophe, je réglerais ma conscience sur l’opinion de tels casuistes ! […] En mon âme et conscience, ayant étudié le personnage, je ne trouvais pas qu’il répondit à l’idée que l’on se doit faire d’un homme de bien.
Les philosophes épiloguent sur la formation de la conscience ; M. Romain Rolland nous montre une conscience qui se forme : plutôt encore, cette conscience qui naît se montre à nous. […] Une conscience tout autre : qu’est-ce à dire ? […] La conscience qui, après la mort, sera la nôtre est « la conscience de l’infini ». […] Il a conscience d’appartenir à une équipe de gens — l’armée — qui ont une tâche en ce monde.
J’ai conscience d’avoir pleinement gagné. […] Souvent, ne sursautons-nous point, avant d’avoir pris conscience du bruit qui a décidé de ce sursaut. […] Desséchées les pleurnicheries de l’inquiétude cette mare, la conscience ne saura plus où aller pêcher la grenouille. […] Elle ne voulait point que conscience fût prise d’une course, signal donné d’une marche qui eussent pu mener ailleurs. […] La cénesthésie est la conscience confuse des sensations émanent de la profondeur du corps.
III Il résulte de là que la conscience est supprimée et que Dieu lui-même est omis. […] Le philosophe n’a plus, comme le vulgaire, qu’à interroger sa conscience ; il y trouve la voix intérieure qui parlait si haut à Socrate, et que tout homme porte en lui, si d’ailleurs tout homme ne sait pas l’entendre aussi bien, et la suivre aussi docilement. […] Il est impossible à l’âme de se placer en face d’elle-même, sans reconnaître bientôt cette évidence suprême qui accompagne tout acte de conscience, et qui de là se répand sur toutes les notions que l’âme peut saisir directement en elle. […] Aristote aurait donc pu apprendre de Platon d’abord ce qu’est la méthode philosophique, et de quelle faculté de l’âme elle ressort ; il aurait pu apprendre de lui quel est le vrai fondement de la morale ; il aurait pu apprendre de quelle importance est le dogme de l’immortalité, appuyé sur l’étude de la conscience humaine ; enfin, il aurait pu apprendre que ce dogme, cette morale et cette méthode reposent uniquement sur cette essentielle distinction de l’âme et du corps. […] Fonder méthodiquement ces grandes croyances, sous l’autorité seule de la raison, les éclairer de cette lumière incomparable qui n’appartient qu’aux faits de conscience, en déduire les conséquences rigoureuses et leur soumettre la pratique de la vie, tel est le devoir de la philosophie ; telle est, qu’on le sache bien, la cause de cette suprême estime où l’esprit humain l’a toujours tenue et la tiendra toujours.
Régulariser cette situation en France par des lois protectrices de cette inviolabilité des consciences ; ménager la transition entre le clergé de l’État violemment dépossédé et le clergé des fidèles rétribué par les fidèles au moyen d’indemnités viagères comme celles qui sont équitablement dues à toute dépossession soudaine ; établir la paix par la liberté, c’était là la pensée du siècle, le vœu de la raison, l’honneur de la religion véritable. […] Comme puissance temporelle, je vous reconnais et je respecte votre souveraineté en tant que vos sujets eux-mêmes la reconnaissent ; comme puissance spirituelle, les catholiques français vous reconnaîtront d’eux-mêmes librement, sans aucune intervention de l’État dans le domaine de la conscience. […] Il substitue la nation à Dieu et la loi de police des cultes à la conscience, siège unique de la foi. […] » Or, les vrais besoins du peuple qui venait d’accomplir la plus grande transformation des temps modernes, pour établir la liberté des consciences et l’égalité des croyances personnelles devant les lois et devant Dieu ; ces vrais besoins des peuples étaient-ils de reconstituer aussitôt après, au lieu de la religion volontaire et d’autant plus efficace qu’elle est plus volontaire, une religion d’État garantie à un souverain de la foi par un souverain des armes, investie de privilèges dont chacun était une limite à la liberté des autres cultes ? […] Thiers, écrivain évidemment monarchique sous un costume révolutionnaire, s’élève franchement ici au-dessus des scrupules de la légalité et des timidités de la conscience pour absoudre l’ambition du trône dans le premier Consul, et pour ne reconnaître d’autre légitimité du pouvoir que la légitimité du génie.