Mais en ce qui est de la France, de la connaissance des partis, du jeu des divers éléments, de leur qualité et de leur force relative, il est juge excellent. […] Quand la Reine voulait faire à Barnave une communication quelconque, elle mettait un écrit cacheté dans la poche de Jarjayes, et celui-ci le transmettait à Barnave, lequel, après en avoir pris connaissance, le replaçait recacheté dans la poche du messager, de façon que la Reine pût le reprendre et le détruire. […] La poche de Jarjayes était comme un bureau où chacun déposait sa réflexion, son impression personnelle, son monologue, sans avoir l’air de se douter qu’un autre que soi en pût prendre connaissance.
Car il lui paraîtrait absurde et sacrilège de penser que Dieu a laissé un seul moyen de connaissance et de vérité aux hommes, et que ce moyen est à jamais détourné ou intercepté. […] Ce sont moins les connaissances qui nous manquent, que le courage d’en faire usage. […] Dans ses deux volumes de Recherches sur les premiers objets des connaissances morales, il a défendu la philosophie spiritualiste par les armes les plus aiguisées et les plus habiles qu’elle ait maniées de nos jours.
François Ier fut informé des premiers travaux d’Amyot et de ses projets : il vit la traduction du roman de Théagène et Chariclée, qui fut imprimée l’année même de sa mort (1547) ; il eut connaissance de quelques Vies de Plutarque qu’Amyot lui présenta comme essai : il lui commanda de poursuivre une si généreuse entreprise, et, pour l’y encourager, il le nomma abbé de Bellozane : ce fut le dernier bénéfice que conféra ce roi ami des lettres, car il mourut peu après. […] Ces quatre ou cinq années environ qu’Amyot passa en Italie, à Venise et à Rome, lui furent grandement profitables, tant pour l’étude des textes que pour le commerce des hommes et aussi pour la connaissance des affaires. […] Méziriac, mathématicien, géographe, mythographe, savant et érudit en toute matière, y relève avec une extrême rigueur toutes les fautes et les oublis du bon Amyot dans son Plutarque : il en parle avec hauteur et supériorité comme d’un « bon écolier de rhétorique, qui avait une médiocre connaissance de la langue grecque, et quelque légère teinture des bonnes lettres ».
Regrettait d’en être venu si tard à l’étude de l’histoire, il considère que « la connaissance de ces grands événements que le monde a produits en divers siècles, étant digérée par un esprit solide et agissant, peut servir à fortifier la raison dans toutes les délibérations importantes ». […] La connaissance des hommes, le discernement des esprits, et l’application de chacun à l’emploi auquel il est le plus propre et le plus utile au public, c’est là proprement le grand art et c’est peut-être le premier talent du souverain. […] Il avait fait dresser ces lettres patentes par M. d’Andilly, à la prière de Du Fresne, son premier commis, qui était fort de la connaissance du pieux écrivain.
Et parlant du grand ouvrage que Montesquieu préparait depuis vingt ans, M. d’Argenson ajoutait : J’en connais déjà quelques morceaux qui, soutenus par la réputation de l’auteur, ne peuvent que l’augmenter ; mais je crains bien que l’ensemble n’y manque, et qu’il n’y ait plus de chapitres agréables à lire, plus d’idées ingénieuses et séduisantes, que de véritables et utiles instructions sur la façon dont on devrait rédiger les lois et les entendre… Je lui connais tout l’esprit possible ; il a acquis les connaissances les plus vastes, tant dans ses voyages que dans ses retraites à la campagne ; mais je prédis encore une fois qu’il ne nous donnera pas le livre qui nous manque, quoique l’on doive trouver dans celui qu’il prépare beaucoup d’idées profondes, de pensées neuves, d’images frappantes, de saillies d’esprit et de génie, et une multitude de faits curieux, dont l’application suppose encore plus de goût que d’étude. […] Il y a autant d’esprit que de connaissances pratiques. » Ce dernier point est devenu douteux pour nous : « Il n’y a aucun livre, a dit au contraire un critique anglais moderne, qu’on puisse citer comme ayant autant fait pour la race humaine dans le temps où il parut, et duquel un lecteur de nos jours puisse tirer si peu d’idées positives applicables. » Mais c’est là la destinée de presque tout ouvrage qui a fait marcher l’esprit humain. […] On a ajouté que Montesquieu, dès qu’il en eut connaissance, fut au désespoir, qu’il alla trouver Mme de Pompadour et qu’il obtint qu’on arrêtât l’édition : « Elle fût hachée tout entière, dit Chamfort, et on n’en sauva que cinq exemplaires. » Cette anecdote, qui ferait tort au caractère de Montesquieu, et dont Fréron avait déjà touché quelque chose dans L’Année littéraire, me paraît suspecte.
Bref, dans ce séjour de dix-huit mois à Londres, il se lance en plus d’un sens, il fait quelques écoles, mais aussi il se mûrit vite dans la connaissance pratique des hommes et de la vie. […] Ç’a été de voir que, dans le temps où il était décidément esprit fort, il a manqué à la fidélité d’un dépôt, et que deux ou trois autres libres penseurs de sa connaissance se sont permis des torts d’argent ou de droiture à son égard : « Je commençai à soupçonner, dit-il, que cette doctrine, bien qu’elle pût être vraie, n’était pas très profitable. » Il revient donc à la religion elle-même par l’utilité. […] En même temps, Franklin formait un club composé des jeunes gens instruits de sa connaissance, pour s’entretenir et s’avancer dans la culture de l’esprit et la recherche de la vérité.
Puisque le cercle des connaissances humaines est si borné, et qu’on ne peut guère se flatter de reculer les limites de l’esprit humain, qu’y a-t-il à faire pour un auteur philosophique qui veut encore intéresser ? […] Il me semble toujours que, si l’auteur qui procède par cette méthode n’avait pas connaissance des événements historiques a posteriori, les principes dont il prétend les déduire ne lui en feraient pas deviner un seul ; preuve évidente que ces principes sont faits à la main et après coup, qu’ils sont plus ingénieux que solides, et qu’ils ne sont pas les véritables ressorts du jeu qu’on leur attribue… En fait de politique, rien n’arrive deux fois de la même manière. […] Il est même, à cet égard, en contradiction avec lui-même : car il a très bien remarqué quelque part qu’une des différences qui distingue le plus les modernes des anciens, c’est que, pour connaître ces derniers, « c’était beaucoup d’avoir acquis la connaissance de leurs lois, de leurs coutumes et de leur religion », tandis que l’on connaîtrait fort imparfaitement les modernes, si on ne les considérait que par ces relations-là : notre manière de penser et de sentir dépend de bien d’autres circonstances : « On en jugerait bien mieux, ajoute-t-il, par l’esprit de notre théâtre, par le goût de nos romans, par le ton de nos sociétés, par nos petits contes et par nos bons mots. » Sur de telles nations, sur la nôtre en particulier, les livres donc, les bons livres et surtout les mauvais, ont grande influence.