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1966. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Il mêle ses sentiments à son récit ; il juge ses personnages, il a oublié qu’ils sont des fictions ; il les raille ou en prend pitié, les gourmande ou les admire ; il monte avec eux sur le théâtre, et devient lui-même le principal spectacle ; nous connaissons dorénavant ses goûts, ses habitudes, son histoire même ; nous suivons à chaque ligne les mouvements de son imagination ou de son âme. […] A peine de temps en temps distinguera-t-on en lui un nuage de tristesse, un sourire d’ironie, un effort incertain d’éloquence, et on le quittera sans l’avoir connu. […] L’un deux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire Sont connus en bon lieu ; le roi m’a voulu voir,          Et si je meurs, il veut avoir Un manchon de ma peau, tant elle est bigarrée,          Pleine de taches, marquetée,          Et vergetée, et mouchetée. » La bigarrure plaît : partant, chacun le vit.

1967. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Enfin, dans quelques pièces, Du Bellay se révèle comme un excellent ouvrier de rythmes vifs et délicieux : tout le monde connaît ces Vœux d’un vanneur de blé aux vents, un petit chef-d’œuvre d’invention classique, je veux dire de cette véritable invention qui ne consiste pas à créer la matière, mais à lui donner âme et forme. […] Et déjà la technique assure à ces œuvres une perfection qui les fasse durer ; je n’ai pas besoin de citer ce que tout le monde connaît : Mignonne, allons voir si la rose, ou Nous vivons, ma Panias, ou Quand vous serez bien vieille ou l’Elégie contre les bûcherons de la forêt de Gâtine et mainte autre pièce. […] Sans doute il n’a pas tout inventé : la strophe de 6 vers (aabccd), qui est de beaucoup la plus fréquente dans les odes de Ronsard, était déjà très employée par Marot, qui même savait la diversifier en variant la longueur du vers ; il connaissait notamment la forme gracieuse qui consiste à donner trois syllabes aux second et cinquième vers, et sept aux autres196, la forme aussi destinée à un si bel avenir, qui consiste à faire le troisième et le sixième vers sensiblement plus courts que les autres197.

1968. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Sarcey connaît comme personne cette technique du théâtre, et je crois qu’à peu près tout ce que savent là-dessus les hommes de ma génération, ils le lui doivent. […] Voilà où trente ans de pratique du théâtre, et d’auscultation trop soigneuse du goût commun, ont mené un des esprits les plus libres, les plus vifs, les plus hardis que je connaisse. […] Beaucoup de ses sonnets étaient connus depuis longtemps.

1969. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Pour le premier Tartuffe, le bedeau, la brute, méchant, mais stupide, dénué d’esprit critique et incapable de se connaître lui-même, on peut admettre à la rigueur qu’il ait la foi, — la foi d’un abominable charbonnier. […] Bien manger, c’est ne point faire fi des présents de Dieu qui « donne la pâture aux petits des oiseaux » ; bien manger, c’est déjà presque une façon de louer la Providence. « Les dévots, dit La Bruyère, ne connaissent de crimes que l’incontinence, parlons plus précisément, que le bruit ou les dehors de l’incontinence. […] et combien j’ai peur que, tout au contraire, cette inaptitude à considérer les aspects divers des choses n’entraîne l’incapacité de se connaître soi-même et de voir sa pauvre vie comme elle est, et toutes les tristes suites de l’aveuglement sur soi !

1970. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Leoncavallo, mais je connais celle de Puccini, qu’on dit beaucoup plus triste et sentimentale : le sentimentalisme y foisonne en effet ; parmi la neige Mimi arrive en toussant, et elle meurt d’une phtisie aussi galopante que l’exige la rapidité conventionnelle des opéras, face au public. […] Le bohème, nous l’avons tous connu à nos débuts. […] Nous avons connu maint garçon que des biens au soleil, de bonnes rentes, la chasse et la vendange attendaient en quelque belle province, et qui s’entêtait jusqu’à l’âge des cheveux gris dans les brasseries où l’on clame des vers, qui se ruinait l’estomac, s’acoquinait à des filles stupides et collectionnait les dégoûts de tous les hôtels garnis, uniquement appâté par cette vanité étrange et hors nature.

1971. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Nous connaissons les sensations simples et ces sentiments secondaires qui en sont les images. […] Cette théorie de l’affirmation, dit-il, est conforme aux phénomènes de la famille de langues connues sous le nom d’Indo-Européennes. […] C’est un fait bien connu maintenant, que dans les langues monosyllabiques que parle un tiers de l’humanité, il n’y a point de distinction entre les parties du discours.

1972. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Pourtant il n’acquit toute sa vigueur de talent et son ressort de caractère que lorsqu’il eut connu l’injustice et le malheur. […] Celle-ci, excellente femme, bien connue par la correspondance de Voltaire, est depuis trois ou quatre ans à Cirey ; « elle évite d’être embarrassante ; elle est stylée à ne pas gêner ». […] Si l’on se souciait de savoir comment Turgot connaissait si intimement Mme de Graffigny, l’abbé Morellet nous apprend que Turgot, du temps qu’il était en Sorbonne et abbé, s’était fait présenter chez elle, car elle réunissait beaucoup de gens de lettres.

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