Sur l’ensemble de cette Histoire, je ne saurais mieux faire que de me couvrir de l’autorité d’un homme qui l’a étudiée à fond, qui l’a revue dans la traduction française et l’a annotée, qui a, enfin, toutes les conditions requises pour être un bon juge. […] Ce seul premier volume renfermait bien des matières diverses : des considérations remarquables par l’ordre et l’étendue, des récits rapides ; les cruautés et les atroces bizarreries des Commode, des Caracalla, des Élagabal, les trop inutiles vertus des Pertinax, des Alexandre Sévère, des Probus ; le premier grand effort des Barbares contre l’Empire, et une digression sur leurs mœurs ; l’habile et courageuse défense de Dioclétien, sa politique nouvelle qui, toujours veillant aux frontières, se déshabitue de Rome, et qui, présageant l’acte solennel de Constantin, tend à transporter ailleurs le siège de l’Empire ; enfin les deux chapitres concernant l’établissement du christianisme et sa condition durant ces premiers siècles. […] Deyverdun prend feu et lui répond (10 juin 1783) par l’aperçu d’une vie heureuse faite pour tenter ; il connaît bien son ami, il veut l’arracher à une condition politique qui n’est pas faite pour lui, et où sa nature véritable a dû nécessairement souffrir : « Rappelez-vous, mon cher ami, lui dit-il, que je vis avec peine votre entrée dans le Parlement, et je crois n’avoir été que trop bon prophète : je suis sûr que cette carrière vous a fait éprouver plus de privations que de jouissances, beaucoup plus de peines que de plaisirs.
Un des orateurs qui ont célébré Madame à l’époque de sa mort, son aumônier (l’abbé de Saint-Géry de Magnas), a dit à ce sujet : Demandée en mariage pour Monsieur par Louis XIV, la condition principale fut qu’elle embrasserait la religion catholique. […] Madame, mariée d’une manière si triste et si ingrate, et avec qui il ne fallait que causer, disait-on, quand on voulait se dégoûter à l’avance de cette condition pénible du mariage, n’était pas femme à se rejeter sur le roman pour se consoler de la réalité. […] Ce sont des antipathies de race, de condition, d’humeur, et que de longues années passées en présence, dans la vue continuelle et dans une étroite contrainte, n’ont fait que cultiver, fomenter en secret et exaspérer.
En conseillant au roi de faire impérieusement, et même avec menaces (s’il en était besoin), ces demandes assez singulières à ses alliés protestants pour battre ses sujets protestants, le cardinal, à qui son tact présageait qu’on obtiendrait tout, savait bien pourtant qu’il se mettait en grand hasard auprès du maître si l’on essuyait un refus : Qui se fût considéré lui-même, dit-il dans un sentiment de généreux orgueil, n’eût peut-être pas pris ce chemin qui, étant le meilleur pour les affaires, n’était pas le plus sûr pour ceux qui les traitaient ; mais sachant que la première condition de celui qui a part au gouvernement des États est de se donner du tout au public et ne penser pas à soi-même, on passa par-dessus toutes considérations qui pouvaient arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune chose nécessaire pour sauver l’État, duquel on peut dire que les procédures basses et lâches des ministres passés avaient changé et terni toute la face. […] Quelque chose de ce sentiment austère et contristé se réfléchit dans la page suivante, où M. de Rohan, après avoir raconté la reddition de La Rochelle le 28 octobre (1628), ajoute du ton de fermeté et de fierté qui lui est propre : La mère du duc de Rohan et sa sœur4 ne voulurent point être nommées particulièrement dans la capitulation, afin que l’on n’attribuât cette reddition à leur persuasion et pour leur respect, croyant néanmoins qu’elles en jouiraient comme tous les autres ; mais comme l’interprétation des capitulations se fait par le victorieux, aussi le conseil du roi jugea qu’elles n’y étaient point comprises, puisqu’elles n’y étaient point nommées : rigueur hors d’exemple, qu’une personne de cette qualité, en l’âge de soixante-dix ans (et plus), sortant d’un siège où elle et sa fille avaient vécu trois mois durant de chair de cheval et de quatre ou cinq onces de pain par jour, soient retenues captives sans exercice de leur religion, et si étroitement qu’elles n’avaient qu’un domestique pour les servir, ce qui, néanmoins, ne leur ôta ni le courage ni le zèle accoutumé au bien de leur parti ; et la mère manda au duc de Rohan, son fils, qu’il n’ajoutât aucune foi à ses lettres, pource que l’on pourrait les lui faire écrire par force, et que la considération de sa misérable condition ne le fît relâcher au préjudice de son parti, quelque mal qu’on lui fît souffrir. […] On n’a pas toutes les qualités à la fois, et des qualités qui tiennent en propre à des conditions distinctes ; si Richelieu, avec toutes celles qu’il possédait comme le premier des grands ministres, avait eu encore la clémence, il eut été vraiment un roi.
Ma conclusion est qu’il faut acheter l’armistice à quelque prix que ce puisse être, supposé qu’on ne puisse pas finir les conditions du fond avant le commencement de la campagne. » Or, l’honneur de Villars est précisément, par des moyens qui étaient en lui et qu’il puisait dans sa nature assez peu fénelonienne, d’avoir su remédier à ce découragement universel, et d’avoir tiré des étincelles d’héroïsme là ou les plus pénétrants ne voyaient plus qu’une entière prostration. […] Oui, Villars en sauvant Landrecies sauva la France ; il la sauva certainement de l’humiliante nécessité de subir les conditions de vainqueurs hautains, et de clore la plus magnifique des époques sur des désastres sans consolation et sans mesure. […] Villars assiégea et prit Landau, Fribourg ; enfin il conquit de ce côté la paix, et il mérita d’être envoyé sur cette fin d’année à Rastadt pour en régler les conditions avec le prince Eugène, puis à Bade pour la conclure (1714).
Il donne l’idée que la première condition pour être psychologue est d’être infirme, ce qui ne se doit dire d’aucune science vraie : « Quand on a peu de vie, dit-il, ou un faible sentiment de vie, on est plus porté à observer les phénomènes intérieurs. […] Il s’est attaché quelque part à réfuter une définition que Cabanis a donnée du bonheur : « Le bonheur, dit Cabanis, consiste dans le libre exercice des facultés, dans le sentiment de la force et de l’aisance avec lesquelles on les met en action. » — « À cette condition, répond Maine de Biran, il n’est guère d’homme moins heureux que moi. […] Quand on l’a bien lu, il naît, selon l’esprit et les dispositions qu’on y apporte, une foule de réflexions sur les problèmes les plus importants et les plus déliés de notre condition humaine ; mais la nature si délicate de ces problèmes fait qu’il vaut mieux que chacun tire sa leçon comme il l’entend, et boive l’eau de la source à sa manière.
Dans une tragédie française, selon les conditions d’alors, il n’était pas si mauvais qu’on n’eût pas le temps de respirer. […] Le duel est accordé ; le roi consent, à condition qu’après cela Chimène ne demandera plus rien. […] Le roi, pour dernière condition, exige que le vainqueur, quel qu’il soit, ait la main de Chimène.
Il a fallu en venir à Mlle Rachel pour que tombât cette dernière barrière et pour que non seulement des femmes du monde, mais des jeunes filles de la plus haute condition, aspirassent à l’amitié d’une femme de théâtre. […] C’est une date peu honorable dans notre histoire littéraire et qu’il faudrait effacer, mais à la condition que pareil scandale ne se reproduisît jamais : « Nous avons à la Porte-Saint-Martin, écrivait Mme de Launay (6 août 1822), une troupe de comédiens anglais. […] — “Je le veux bien, répondit-il, mais à la condition que vous me donnerez la liberté de passer.”