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497. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Comme je tenais un journal à la main, je pus immédiatement constater que je n’en comprenais pas le sens. […] Je dus faire des efforts surhumains pour me rappeler que j’étais bien dans ma rue, que c’était bien moi qui marchais, qui parlais au cocher ; j’étais extrêmement étonné d’être compris par lui, car je remarquais en même temps que ma voix était extrêmement éloignée de moi, que du reste elle ne ressemblait pas à ma propre voix. […] Le colonel anglais133 parfois a cru pour de bon qu’il n’existait plus ; il m’a dit qu’alors il restait des heures entières immobile, comme en extase, sans rien comprendre du monde extérieur.

498. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Ceux-là sont à plaindre ceux qui ne considèrent en ces poèmes que la valeur isolée d’un vers, d’un mot, qui ne comprennent pas — ou ne veulent pas comprendre — que le vrai poète, comme le dit M.  […] Elle va plus haut et plus loin ; c’est sa beauté de défier les esprits symétriques qui, pour la comprendre, se souviennent encore d’eux-mêmes.

499. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Les uns l’attribuent à une révélation directe du Créateur à sa créature ; les autres en attribuent l’invention à l’homme par une lente élaboration de l’instinct cherchant, par des sons et par des signes, à se faire entendre et à comprendre. […] « Examinons, disions-nous encore, ce que c’est que l’homme ; oublions que nous sommes nous-même une de ces misérables et sublimes créatures appelées de ce triste et beau nom dans la création universelle ; échappons, par un élan prodigieusement élastique de notre âme immatérielle et infinie, à ce petit réseau de matière organisée de chair, d’os, de muscles, de nerfs, dans lequel cette âme est mystérieusement emprisonnée ; supposons que nous sommes une pure et toute-puissante intelligence capable d’embrasser et de comprendre l’univers, et demandons-nous : Qu’est-ce que l’homme ?  […] X Cet inventaire de l’esprit humain, à l’heure où nous sommes, comprend l’Inde, la Chine, l’Égypte, la Perse, l’Arabie, la Grèce, Rome, l’Italie moderne, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Amérique elle-même naissante à la littérature comme à la vie, en un mot tous les peuples du globe qui ont apporté ou qui apportent un contingent littéraire à ce dépôt général de l’esprit humain.

500. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Nous pensions et nous espérions que l’on sortirait de l’éloge confus et de la petite explication à ras de terre, pour pénétrer dans cette haute valeur intellectuelle, dans le mystère de ce talent, et pour nous le faire bien comprendre ; Adrien Destailleur semblait un commentateur digne de La Bruyère. […] — de mettre leur grain de sel sur la queue de cet aigle d’intelligence, qu’on ne comprend pas plus aisément, par un tel procédé, que les enfants ne prennent de moineaux. […] C’est là, sans doute une délicatesse… mais il est évident aussi que des délicats de cette espèce ne sont pas faits pour traiter largement un mâle sujet littéraire et nous l’ouvrir jusqu’aux entrailles ; il est évident qu’ils n’ont pas été créés et mis au monde pour ne rien comprendre aux énergiques trivialités des grands écrivains, et qu’il leur faut renoncer à écrire la biographie intellectuelle du Génie, aussi bien qu’à peigner, la crinière des lions !

501. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Ernest Charrière l’injure de penser qu’il n’a compris que le mot à mot de l’auteur russe qu’il vient de traduire et que le sens et le caractère de l’ouvrage d’Yvan Tourgueneff lui ont complètement échappé. […] Nous le disons même à sa louange, il y a, dans l’introduction qui précède le volume de sa traduction, les gênes d’un esprit honnête qui comprend au fond ce qu’il fait et qui s’inquiète avec raison de la transparence d’un procédé sur lequel il est impossible de s’aveugler : « Si le Journal d’un chasseur — dit M.  […] Il comprend et rend merveilleusement son auteur, et il ne sait pas le juger.

502. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

* ** On comprendra mieux, d’ailleurs, l’étroitesse d’une conception qui attribuerait, à la seule force de l’idée de l’égalité, le développement des formes sociales que nous avons énumérées, si l’on embrasse, d’un rapide coup d’œil, la multiplicité des conditions que suppose l’existence de chacune d’elles. […] On ne comprendrait guère que, parce qu’ils se jugeaient égaux, les hommes eussent choisi de se soumettre à un pouvoir central, de se grouper en associations entrecroisées, de s’assimiler et de se différencier, de s’agglomérer et de se multiplier ; mais parce qu’ils s’aggloméraient et se multipliaient, se différenciaient et s’assimilaient, se groupaient en associations entrecroisées et se soumettaient à un pouvoir central, on comprend qu’ils en soient insensiblement arrivés à se juger égaux.

503. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Le public n’a pas besoin de comprendre. […] Le public, certainement, n’a pas besoin de comprendre. […] De plus, elle a bien compris le rôle de Rodogune. […] Puisque vous comprenez si bien le rôle, jouez-le comme vous le comprenez, mais non pas en atténuant les contrastes ; bien au contraire, en les accusant pour les mieux faire comprendre. […] Certainement ce jeune homme comprenait tout ce qu’il nous lisait ; mais il avait fait la gageure de nous empêcher de le comprendre.

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