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800. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

« L’homme n’est complet que là où il joue », a dit Schiller ; il faut dire au contraire : L’homme n’est complet que là où il travaille. […] Au contraire, le sentiment de l’admiration nous élève et nous donne un plaisir esthétique d’autant plus complet qu’il est plus étranger au plaisir du jeu, plus sincère. […] Becq de Fouquières, où il a tenté de donner une théorie complète de la versification française32. […] Un calembour incomplet, avorté ; donc plus le calembour est complet, meilleure sera la rime, et aussi le vers, puisque la rime fait le vers. […] Le calembour complet ou ébauché étant le but, comment le poète romantique l’atteindra-t-il ?

801. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Deschamps ; écoutons l’auteur des Dernières Paroles 21 nous la peindre au complet dans une de ses pièces les plus touchantes : C’était là mon bon temps, c’était mon âge d’or, Où, pour se faire aimer, Pichald vivait encor, Cygne du paradis, qui traversa le monde Sans s’abattre un moment sur cette fange immonde. […] Pour arriver à ce vêtement complet et chaste et transparent, que de veilles, on le conçoit ! […] Puisque Stello, au milieu de ses émotions les plus pénétrantes, sait fort bien s’arrêter à d’ingénieuses vétilles, remarquer au plus fort de ses douleurs que le nom de Raphaël signifie un ange, et que Rubens veut dire rougissant ; puisque, le sentiment allant son train avec Stello, le raisonnement avec le docteur noir peut l’accompagner de ses hargneuses chicanes, je demande qu’on me pardonne si, dans l’admirable histoire du capitaine Renaud, qui faisait naître mes larmes, j’ai noté, chemin faisant, de petits désaccords, pour me rendre compte de ce manque de complète vraisemblance chez M. de Vigny.

802. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Au plus fort de la bouffonnerie comme au plus fort de la licence, il reste homme de bonne compagnie, né et élevé dans ce cercle aristocratique où la liberté est complète, mais où le savoir-vivre est suprême, où toute pensée est permise, mais où toute parole est pesée, où l’on a le droit de tout dire, mais à condition de ne jamais s’oublier. […] Une philosophie complète, une théologie en dix tomes, une science abstraite, une bibliothèque spéciale, une grande branche de l’érudition, de l’expérience ou de l’invention humaine se réduit ainsi sous sa main à une phrase ou à un vers. […] Chez Diderot, ce fil est coupé ; il ne parle point par la bouche de ses personnages, ils ne sont pas pour lui des porte-voix ou des pantins comiques, mais des êtres indépendants et détachés, à qui leur action appartient, dont l’accent est personnel, ayant en propre leur tempérament, leurs passions, leurs idées, leur philosophie, leur style et leur âme parfois, comme le Neveu de Rameau, une âme si originale, si complexe, si complète, si vivante et si difforme, qu’elle devient dans l’histoire naturelle de l’homme un monstre incomparable et un document immortel.

803. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Or, Racine avait composé ses réalistes créations de vie réelle ; et Beethoven instituait la musique expressive des suprêmes vies ; Gluck entrevoyait dans la musique un drame de vie ; le drame complet d’art complet naissait ; et Richard Wagner achevait ces créations d’humaine vie, ces drames, Tristan, la Tétralogie, Parsifal. […] J’ai suivi la grande édition in-4 de l’éditeur Schott, plus complète que l’édition in-8 : pour cette raison j’ai dû m’en tenir au texte allemand ; la réduction française de M. 

804. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Les œuvres de Poe, par contre, ont une étendue propre à leur assurer sur la sensibilité une action complète sans excès ni défaut. […] Il est visible que la découverte de l’assassin dans le Crime de la rue Morgue, l’exhumation du trésor du capitaine Kidd, sont de simples appeaux qui font suivre, avec un plus complet oubli de tout, les merveilleux raisonnements, l’intense activité cérébrale de Legrand et de Dupin. […] Entre Poe l’écrivain et le malheureux, la fissure ne fut pas complète.

805. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

(2) Sans doute, quand on envisage l’ensemble complet des travaux de tout genre de l’espèce humaine, on doit concevoir l’étude de la nature comme destinée à fournir la véritable base rationnelle de l’action de l’homme sur la nature, puisque la connaissance des lois des phénomènes, dont le résultat constant est de nous les faire prévoir, peut seule évidemment nous conduire, dans la vie active, à les modifier à notre avantage les uns par les autres. […] Ainsi, par exemple, il me semble incontestable que, dans le système général des sciences, l’astronomie doit être placée avant la physique proprement dite, et néanmoins plusieurs branches de celle-ci, surtout l’optique, sont indispensables à l’exposition complète de la première. […] Il est aisé de sentir, en effet, que plus des phénomènes sont généraux, simples et abstraits, moins ils dépendent des autres et plus les connaissances qui s’y rapportent peuvent être précises, en même temps que leur coordination peut être plus complète.

806. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Si de la prose nous passons à la poésie, nous retrouverons les mêmes symptômes et l’application invariable des mêmes règles, mais bien plus frappante encore, parce que (le théâtre excepté) le siècle de Louis XIV et celui de Voltaire ne sont pas, à beaucoup près, aussi grands ni aussi complets dans la poésie que dans la prose. […] Sans doute, Shakespeare est le plus grand génie tragique des temps modernes, et les maîtres de notre scène sont loin de l’égaler pour la création des caractères, l’invention des fables, le langage de la passion et la poésie de style ; mais il faut considérer qu’après Shakespeare, l’Angleterre n’a plus rien de vraiment grand, tandis que notre théâtre tragique a été constamment illustré, pendant deux siècles, par une succession non interrompue de poètes du premier ordre ; ce qui rend la Melpomène française bien plus imposante et bien plus complète. […] Encore une fois, les maîtres de notre scène n’ont rien fait de complet par eux-mêmes dans les sujets modernes.

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