/ 2169
15. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

L’imitation est complète. […] Chacun des grands drames de Shakspeare est dédié à l’un des grands sentiments de l’humanité ; et le sentiment qui remplit le drame est bien réellement celui qui remplit et possède l’âme humaine quand elle s’y livre ; Shakspeare n’y retranche, n’y ajoute et n’y change rien ; il le représente simplement, hardiment, dans son énergique et complète vérité. […] Il n’a point imprimé à ses personnages un caractère individuel, complet, indépendant des circonstances où ils paraissent. […] Celle d’Othello se place dans un caractère plus complet, plus expérimenté et plus sérieux. […] En 1623, c’est-à-dire sept ans après la mort de Shakspeare, parut la première édition complète de ses œuvres.

16. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « V » pp. 19-21

Le vendredi 7 avril, le soir, chez madame Récamier. mademoiselle Rachel a récité : 1° quelques scènes de Bérénice ; 2° le premier acte presque entier de Judith ; — Bérénice assez bien, mais pour Judith, succès complet d’actrice et d’acteur. […] Succès complet et vrai. […] Décidément toutes les réactions sont complètes et triomphantes.

17. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Dans les deux cas, la répression complète est immédiate ou prompte. — Elle est l’œuvre commune de la sensation présente, des souvenirs liés et des prévisions ordinaires. […] Que le lecteur s’observe lui-même lorsqu’il voit une comédie nouvelle de Dumas fils ; vingt fois par acte, nous avons une ou deux minutes d’illusion complète ; il y a telle phrase vraie, imprévue, qui, soutenue par le geste, l’accent, les alentours appropriés, nous y conduit. […] III Ici, il faut distinguer : car la représentation contredite peut avoir plusieurs degrés, depuis l’émoussement et la faiblesse extrême jusqu’à l’énergie et la précision complète, et, au-delà encore, jusqu’à l’exagération maladive qui la transforme en sensation. — À l’état normal, pendant la veille, nos images demeurent plus ou moins vagues et incolores ; même dans la rêverie intense, les figures que nous imaginons, les airs que nous fredonnons mentalement, n’ont pas la netteté des figures que nous voyons les yeux ouverts et des airs qu’un instrument de musique envoie à nos oreilles ; l’image d’une sensation visuelle ou auditive n’est que l’écho affaibli de cette sensation. — Mais, dans la maladie, l’image s’exagère jusqu’à se transformer en sensation complète. […] De même que, dans la perception extérieure, nous avons vu de simples fantômes internes être pris pour des objets externes, mais, par une adaptation admirable, correspondre à la présence de véritables objets externes ; de même, dans la mémoire, nous voyons de simples images actuelles être prises pour des sensations passées, mais, par un mécanisme aussi beau, correspondre à la présence antérieure de sensations véritables. — Ainsi, la première répression que subit l’image et qui enraye l’hallucination complète à laquelle naturellement cette image eût abouti, nous ouvre un nouveau monde, celui du temps et de la durée. […] À ce moment, nous la déclarons simple image, et la rectification est complète. — De ce genre sont tous ces événements intérieurs que l’on nomme pures conceptions, pures imaginations, et en général pures idées.

18. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Le Clerc, était au complet, et chacun des maîtres a tour à tour adressé au candidat, déjà maître lui-même, des objections ou remarques qui le plus souvent n’étaient pour lui que l’occasion de réponses développées et accueillies avec éloge. […] Rigault, même en le renfermant dans les termes de la seule littérature, est un des plus heureux et des plus féconds que l’on pût choisir, et son travail est devenu un livre qui offre le tableau complet d’un des épisodes les plus curieux de l’histoire de l’esprit. […] C’est au xviie  siècle en France qu’il prend sa forme complète et qu’il se définit tout à fait, qu’il se limite en se développant, et va prêter désormais à des guerres régulières, à des batailles rangées. […] Rigault, qui n’a jamais perdu de vue l’idée générale et la doctrine du progrès, a tenu, au contraire, à être le plus complet possible, à tout décrire successivement avec une curiosité égale, à suivre le fleuve, comme il l’appelle quelque part, dans toutes ses sinuosités, dans ses tours et retours, jusqu’à ce qu’il se perde dans l’idée générale et théorique qui est son océan. Son livre est plus complet de la sorte et très riche de faits, de textes, de quantité de remarques ingénieuses ; mais peut-être a-t-il des lenteurs et de la plénitude, une densité trop continue, et en tout cas il se dessine moins nettement dans l’esprit après qu’on en a terminé la lecturei.

19. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

II C’est par la politique, en effet, qu’Auguste Barbier a donné sur le tympan du siècle ce coup, inouï d’éclatante sonorité, qui, après plus de cinquante ans, vibre encore… Avec autant de génie qu’il en montra alors, — car, je ne ménage pas les termes, l’auteur des Iambes, dès son début, apparut complet comme un homme de génie, — Auguste Barbier n’aurait, certes ! […] Après ce seul morceau de La Curée, qui fit au poète complet une gloire complète, Auguste Barbier aurait pu mourir, il n’était pas moins immortel qu’après toute une vie de chefs-d’œuvre… Il ne mourut pas, et nous y gagnâmes. S’il ne grandit point dans l’Art, puisque j’ai dit que dès le premier coup il y fut complet, comme dans la gloire, il s’y féconda et il publia successivement ces merveilles : Le Lion, L’Émeute, La Popularité, Melpomène, Le Rire, Desperatio, Les Victimes, Terpsychore, L’Amour de la mort, La Reine du monde, La Machine, Le Progrès et L’Idole, L’Idole, qui, dans la préférence que l’on donne à des beautés égales, me semble ce qu’il y a de plus beau. […] Comme jamais on n’avait vu d’ascension plus haute et plus rapide, on ne vit guères non plus de prostration plus soudaine, de renversement plus à fond… Jamais manque de transition plus complet entre la grandeur et la petitesse, et, que Dieu me pardonne de tels mots en parlant d’un tel homme !

20. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Cas où tous les réducteurs sont annulés, ou aliénation mentale complète. — Cas remarquable observé par le Dr Lhomme. […] L’illusion persista deux minutes25. » Goethe pouvait à volonté se donner l’illusion complète. […] Les sensations produites en nous par le monde extérieur s’effacent alors par degrés ; à la fin, elles semblent suspendues, et les images, n’étant plus distinguées des sensations, deviennent des hallucinations complètes. […] Averti par une expérience fréquente, je sais que le sommeil va venir et qu’il ne faut point déranger la vision naissante ; je m’y laisse aller ; au bout de quelques minutes, elle est complète. […] Puis la sensation tout entière se trouve restaurée et complète, les fantômes se sont évanouis, il n’en reste plus que l’image intérieure capable de fournir à la description.

21. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Mais reproduire ce qu’il avait effacé, des pensées entières et complètes par elles-mêmes, qu’il avait en quelque sorte abjurées, c’est le trahir, et au besoin, on vient de le voir, c’est trahir la cause elle-même que Pascal rêvait de plaider. […] Les curieux trouveront là, décrites avec beaucoup de soin, toutes les éditions connues de Molière, depuis les Précieuses ridicules de 1660 jusqu’aux éditions illustrées de nos jours ; une liste instructive, amusante parfois, des principales imitations ou traductions de ses comédies dans toutes les langues de l’Europe, en grec : Γεώργιος Δαντίνος, ὁ ἐντροιασμενος σύζυγος, et jusqu’en tchèque ou en magyar ; le catalogue enfin très complet des moindres publications relatives à Molière, sans en excepter telle brochure sur la Science du droit dans ses comédies, ou telle autre, plus bizarre encore, sur ses Calembours. […] Après tout, s’il est vrai que Molière ait commencé ses humanités assez tard, il les fit du moins complètes et solides. […] Un autre jour, il le chargeait de lui recruter une troupe dramatique « pour le comique et pour le tragique, bonne et complète, les premiers rôles doubles202 » ; et la troupe n’était pas plus tôt formée, les arrangements pris, le départ convenu, que l’impresario, sans plus ample explication, recevait, tout grand homme qu’il fût, un contre-ordre bien net, bien catégorique ; et là-dessus de redoubler de protestations, d’offres et de serments. […] Buffon, dit-on, n’imaginait pas de plus complet éloge des beaux vers que de les déclarer beaux comme de la belle prose.

/ 2169