/ 2776
695. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

. — J’ai à peine commencé la seconde partie politique, dont je ne puis donner une idée par ce peu de mots. […] Nul homme, dans ce mouvement terrible, n’achève ce qu’il a commencé ; nul homme ne peut se flatter de diriger une impulsion dont la nature des choses s’empare ; et cet Anglais qui voulut descendre dans sa barque la chute du Rhin à Schaffhouse, était moins insensé que l’ambitieux qui croirait pouvoir se conduire avec succès à travers une révolution tout entière. […] Mais à vingt-cinq ans, à cette époque précise, où la vie cesse de croître, il se fait un cruel changement dans votre existence ; on commence à juger votre situation ; tout n’est plus avenir dans votre destinée ; à beaucoup d’égards votre sort est fixé, et les hommes réfléchissent alors s’il leur convient d’y lier le leur ; s’ils y voient moins d’avantages qu’ils n’avaient cru, si de quelque manière leur attente est trompée ; au moment où ils sont résolus à s’éloigner de vous, ils veulent se motiver à eux-mêmes leur tort envers vous ; ils vous cherchent mille défauts pour s’absoudre du plus grand de tous ; les amis qui se rendent coupables d’ingratitude, vous accablent pour se justifier, ils nient le dévouement, ils supposent l’exigence, ils essayent enfin de moyens séparés, de moyens contradictoires pour envelopper votre conduite et la leur d’une sorte d’incertitude que chacun explique à son gré. […] C’est à cette époque où le cercle des jouissances est parcouru, et le tiers de la vie à peine atteint, que ce livre peut être utile ; il ne faut pas le lire avant ; car je ne l’ai moi-même ni commencé, ni conçu qu’à cet âge.

696. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ici commencent les vrais gains de la prose française. […] C’est à Montesquieu que commence cette suite d’ouvrages supérieurs marqués du genre de perfection où il était permis d’atteindre après le dix-septième siècle. […] Si Rome a prospéré tant que l’obéissance aux lois y a été une passion, le jour où une autre passion s’y est rendue plus forte, ce jour-là la décadence a commencé. […] La lumière qui venait chaque matin éclairer sur sa table de travail les pages commencées, était cette lumière d’une grande époque qui de toutes parts rayonne vers un grand esprit, et qui s’y réfléchit en s’épurant.

697. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Elle nous moralise délicieusement et nous élève au-dessus des misérables soucis de l’utile ; or là où finit l’utile, commence le beau. […] Je crus devoir poursuivre dès lors ce que les circonstances avaient si bien commencé pour moi ; je fis en un jour ce que je comptais faire en quelques semaines, et, le soir même de mon arrivée, je ne faisais partie ni du séminaire ni de la maison des Carmes. […] Il est temps qu’un autre ordre commence. Je crois même qu’il a commencé, et la dernière génération de l’Allemagne en a offert d’admirables exemples : Kant, Herder, Jacobi, Gœthe même.

698. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Il faut commencer par déterminer quelle est dans ce milieu restreint, mais singulièrement enveloppant pour l’individu, la situation relative de l’homme et de la femme. […] Elles mènent tout, à commencer par les hommes. […] Molière commence ainsi la campagne que ses successeurs mèneront contre la discipline de fer léguée par les couvents du moyen âge aux siècles suivants et qui pesait, qui pèse encore si lourdement sur tant de jeunes filles88. […] L’antique sévérité, où il y avait à la fois de la rudesse et de la morgue, s’est quelque peu relâchée ; les parents sont devenus plus jaloux d’affection que de vénération ; en un mot, dans la famille comme dans la société, le principe d’autorité commence à perdre de sa force.

699. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

M. de Chateaubriand commença sa carrière politique avec la Restauration en 1814 ; il avait quarante-cinq ans, il avait publié tous ses grands ouvrages littéraires, et il se sentait dans un certain embarras pour appliquer désormais ses hautes et vives facultés. […] Ici commence pour M. de Chateaubriand une période de sa vie politique qu’on ne parviendra jamais à mettre en accord avec la seconde partie. […] Il parlait très bien de la Charte, et commençait magnifiquement dès lors l’explication de la théorie constitutionnelle ; mais si les conclusions étaient saines, les arguments étaient presque partout violents et irritants, les moins faits pour attirer et affectionner les esprits à la cause qu’il préconisait. […] Il commença par demander la suspension de l’inamovibilité des juges pour une année, afin de voir qui était royaliste en jugeant, et qui ne l’était pas.

700. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Voltaire a commencé l’un de ses chants par ces vers bien connus : Si j’étais roi, je voudrais être juste. […] Saint-Just, qui n’est qu’un imitateur, commence son chant troisième par un vœu, par un élan tout pareil de sensibilité : Je veux bâtir une belle chimère ; Cela m’amuse et remplit mon loisir. […] La pensée d’ailleurs est juste, et certes, s’il y avait moyen d’établir la proportion entre le degré de liberté qui peut être accordé par les lois et le degré de vertu qu’indiquent les mœurs, on aurait résolu le problème social ; mais les hommes sont peu bons juges dans cet examen d’eux-mêmes, et Saint-Just, tout le premier, commence par se trouver une très grande dose de vertu ; il se pose dès l’abord en sage : N’attendez de moi, dit-il, ni flatterie, ni satire ; j’ai dit ce que j’ai pensé de bonne foi. […] Mais le nom de Saint-Just, même quand il s’y joindrait plus de preuves dans ce genre, ne peut convenablement se rapprocher d’aucun des noms estimés qu’enregistre l’histoire ; il a trop décidément commencé par le crime.

701. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Aujourd’hui, c’en est fini en littérature, de la religion de la maternité, et la révolution commence contre elle. […] * * * — Un mot du vieux Giraud, sur une femme galante de la société, ayant dépassé la quarantaine : « Elle commence à avoir la chaude fadeur d’haleine des chats qui ont mangé trop de mou ». […] Il déroule lentement un long rouleau de papier, dont il tire, avec toutes sortes de précautions, trois flèches japonaises, et il me confesse qu’il tire de l’arc, et commence une dissertation sur la différence de l’arc du nord et l’arc japonais, dont le lancement se fait tout en bas, pour obtenir, suppose-t-il, une hausse. […] » * * * — Le vin de Bar est un vin curieux : on dirait un vin de Bourgogne, dans lequel commence à prendre naissance le vin du Rhin.

/ 2776