Il n’entre pas dans mon sujet d’examiner si le fond de cette comédie est moral. […] La reine-mère, malgré sa dévotion, à la vérité de fraîche date, mais qui ne devait en être que plus sévère, permit que cette nouvelle comédie lui fût dédiée. […] Racine, celui des quatre amis dont le caractère avait le plus d’élévation, celui à qui les autres étaient le moins nécessaires, celui dont la marche était la plus sûre à la cour, n’aidait de son talent, ni même n’accréditait par une approbation éclatante, ni la satire directe, ni la comédie satirique ; mais s’il n’était pas celui qui se fît le plus craindre de l’ennemi, c’était celui qui flattait le plus noblement le maître, celui dont l’éloge avait le plus de poids, et qui donnait à l’agrégation des quatre amis le plus de sûreté et de stabilité, parce qu’il était celui qui affectionnait le plus les autres et avait au plus haut degré leur confiance. […] On est ravi de découvrir ce qu’il y peut avoir à redire ; et, pour tomber dans l’exemple, il y avait l’autre jours des femmes à cette comédie, vis-à-vis de la loge où nous étions, qui, par les mines qu’elles affectèrent durant toute la pièce, leurs détournements de tête, et leurs cachements de visage, firent dire de tous côtés cent sottises de leur conduite, que l’on n’aurait pas dites sans cela ; et quelqu’un même des laquais cria tout haut, qu’elles étaient plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps 59. » L’autorité que je reconnais à Molière ne m’empêchera pas de dire qu’il y a peu de bonne foi à reprocher aux critiques d’avoir donné un sens criminel aux plus innocentes paroles et de s’offenser de l’ombre des choses.
Moliere avoit quarante ans, lorsqu’il fit les premieres de ces comédies, dignes d’être comptées au nombre des pieces qui lui ont acquis sa réputation. […] Il faut, pour faire une comédie du même genre du génie, de l’étude, et de plus avoir vécu long-temps avec le monde. En effet, pour composer une excellente comédie, il faut sçavoir en quoi consiste la difference que l’âge, l’éducation et la profession, mettent entre des personnes dont le caractere naturel est le même. […] Moliere n’avoit point encore fait à cet âge aucune des comédies qui lui ont acquis la réputation qu’il a laissée.
Que trouverait-on de commun entre une grimace de pitre, un jeu de mots, un quiproquo de vaudeville, une scène de fine comédie ? […] Détachez-vous maintenant, assistez à la vie en spectateur indifférent : bien des drames tourneront à la comédie. […] Au contraire, beaucoup de comédies portent un nom commun : l’Avare, le Joueur, etc. […] Napoléon, qui était psychologue à ses heures, avait remarqué qu’on passe de la tragédie à la comédie par le seul fait de s’asseoir. […] Ne serait-ce pas cette idée que la comédie cherche à nous suggérer quand elle ridiculise une profession ?
Si de la tragédie nous passons à la comédie, la tradition lui impose un dénouement heureux et elle finit régulièrement par un mariage, le mariage étant toujours un dénouement heureux au théâtre. […] Les comédies de Marivaux, le Vert-Vert de Gresset, les poésies musquées d’un Dorât ou d’un Bernis, portent la marque ineffaçable de cette condescendance au goût féminin. […] Vous pouvez indifféremment parcourir les Mémoires ou les comédies. Ces deux sortes de documents, si peu semblables qu’ils soient, offrent le même spectacle, avec cette différence que les comédies sont souvent en avance sur les mœurs et prêchent encore plus qu’elles ne peignent l’adoucissement de l’autorité paternelle et maternelle. […] ma chère Angélique, s’écrie-t-elle, tu ne me rends pas. tendresse pour tendresse. » Dans toute la comédie, Marivaux nous offre le spectacle curieux de cette mère qui soutient comme une gageure le parti qu’elle a pris.
Principe de toute la comédie et de tout le drame humains. — Personnages de comédie dans l’œuvre de Flaubert. — Personnages de drame : Bovary. — III. […] Mme Bovary elle-même demeure un personnage de comédie tant que, pour susciter l’être factice en lequel elle s’incarne, elle attente seulement au décor. […] Dans son maintien, dans ses attitudes, elle joue cette comédie du ’sacrifice : sa froideur soudaine décourage la timidité du clerc et la réalité sentimentale qui allait se former, se voit brisée par la fiction avant que d’être née. […] Mais elle n’est plus dupe ni du sentiment qu’elle éprouve ni de celui qu’elle inspire ; un pouvoir critique s’est éveillé on elle ; elle mesure la part de comédie qui entre en cet amour. […] Mais, tandis que la faculté de se concevoir autre, exagérée en quelques individus, faisait de ceux-ci des personnages de drame ou de comédie et nous montrait des êtres que l’on pouvait croire exceptionnels, elle apparaît maintenant comme le mécanisme même en vertu duquel l’Humanité se meut, comme le principe funeste et indestructible qui la fonde et constitue son essence.
. — La Comédie de la Mort (1838) […] — Premières poésies, Albertus ; la Comédie de la Mort ; les Intérieurs et les Paysages (1845). — Zigzags (1845). — Le Tricorne enchanté, etc… (1845). — La Turquie (1846). — La Juive de Constantine, drame (1840). — Jean et Jeannette (1846) […] — La Nature chez elle (1870). — Tableaux de siège (1871). — Théâtre : Mystères, comédies et ballets (1872). — Portraits contemporains (1874). — Histoire du romantisme (1874). — Portraits et souvenirs littéraires (1875). — Poésies complètes, en 2 vol. (1876). — L’Orient, 2 vol. (1877). — Fusains et eaux-fortes (1880) […] Il y a des poèmes dans la Comédie de la Mort et parmi ceux inspirés par le séjour en Espagne, où se révèlent le vertige et l’horreur du néant. […] Eugène Lintilhac Après la Comédie de la Mort, véritable adieu au romantisme, il ouvre une voie nouvelle à l’art des vers.
Voici ce que nous disions de sa comédie la Calomme (mars 1840) : on y trouvera quelques traits qui complètent l’appréciation de son talent. Le Théâtre-Français a eu son succès brillant dans la nouvelle comédie de M. […] Il y a deux manières de juger cette comédie : ou bien l’on veut, même sur les planches, de la vérité fine, de l’observation fidèle et non outrée des caractères, une vraisemblance continue de ton et de circonstances ; ou bien on se contente d’une certaine vérité scénique, approximative, et à laquelle on accorde beaucoup, moyennant un effet obtenu.