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1691. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Le préjugé et l’intérêt pourraient seuls en ternir l’évidence ; mais jamais cette évidence ne manquera à une tête saine et à un cœur droit. […] Une filiation exacte et continue rattache à nos perceptions les plus simples les sciences les plus compliquées, et, du plus bas degré au plus élevé, on peut poser une échelle ; quand l’écolier s’arrête en chemin, c’est que nous avons laissé trop d’intervalle entre deux échelons ; n’omettons aucun intermédiaire, et il montera jusqu’au sommet  À cette haute idée des facultés de l’homme s’ajoute une idée non moins haute de son cœur. […] Au bout de tous ces rouages apparaît toujours le ressort final, l’instrument efficace, je veux dire le gendarme armé contre le sauvage, le brigand et le fou que chacun de nous recèle, endormis ou enchaînés, mais toujours vivants, dans la caverne de son propre cœur. […] Sa loi « ne prêche que servitude et dépendance… il est fait pour être esclave », et d’un esclave on ne fera jamais un citoyen. « République chrétienne, chacun de ces deux mots exclut l’autre. » Partant, si la future république me permet d’être chrétien, c’est à la condition sous-entendue que ma doctrine restera confinée dans mon esprit, sans descendre jusque dans mon cœur  Si je suis catholique, (et sur vingt-six millions de Français, vingt-cinq millions sont dans mon cas), ma condition est pire.

1692. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Avec sa prévoyance, il comprit son état et n’eut rien de plus à cœur que d’appeler le médecin de l’âme, pour lui faire, en vrai chrétien, la confession générale des manquements et des fautes de toute sa vie. […] Par le mouvement de ses lèvres, par ses yeux vers le ciel, par l’agitation de ses doigts, il montrait qu’il en savait par cœur toutes les pensées et tous les mots. […] La probité, la justice, la bonne foi, personne n’ignore qu’elles avaient choisi le cœur et toute l’âme de Laurent pour leur domicile et le temple qui leur était le plus agréable. […] Julien, enfin, le dernier de tous, qui est encore un enfant, s’attache tous les cœurs de la cité par sa modestie, sa beauté, et par une nature merveilleuse et suave qui se décèle dans sa probité, son honnêteté et son esprit.

1693. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Il fait vraiment de l’amour la chose du cœur, et toutes les satisfactions qu’il poursuit ne sont rien auprès de la ravissante douceur qu’éprouvent les âmes à s’unir, à se pénétrer intimement. […] Mais le roi reprend sa femme, et Tristan s’en va errant aux pays lointains : les années passent, il aime encore, mais il doute, il se croit dupe et trahi, il se laisse persuader d’épouser une autre femme : le cœur tout navré de doux souvenirs, il prend comme une image de la bien-aimée une Yseult comme elle, et blonde comme elle. […] C’est une scène exquise, dans le Chevalier au lion, que l’éveil de l’amour dans l’âme d’une veuve éplorée ; curiosité, égoïsme, désir de plaire, fierté, sentiment des convenances, semblant de résistance et manège adroit pour se faire forcer la main, il se fait là dans un cœur de femme tout un petit remue-ménage que le bon Chrétien a su noter : il y a un grain de Marivaux dans ce Champenois. […] Plus particulièrement les reçus du cycle breton ont produit le roman idéaliste, qui nous construit un inonde conforme aux secrets sentiments de notre cœur, pour nous consoler de l’injurieuse et blessante réalité.

1694. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il en voulut depuis à l’Église romaine d’un abus dont il avait profité ; et quand il revint à Noyon pour prêcher, il avait déjà le doute dans le cœur. […] Rien n’y est donné à l’imagination et au cœur. […] Il lui a donné la méthode ; il l’a forcé d’apprendre ce qu’il avait oublié de retrouver ce qu’il avait perdu, de rentrer dans ces voies si connues des Pères, par lesquelles ils s’insinuaient si avant dans les cœurs. […] Dans ce même pays sur lequel Calvin avait comme imprimé le sombre cachet de son génie, un homme supérieur, saint François de Sales, moins de quarante ans après lui, devait, dans des écrits pleins d’onction, attirer aux enseignements de la foi l’imagination et le cœur, et rendre Dieu aimable où Calvin l’avait rendu si terrible.

1695. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Pascal voulait emprunter à Montaigne ses arguments sceptiques et leur donner une place de premier ordre dans son apologétique. « On ne peut voir sans joie, dit-il, dans cet auteur, la superbe raison si invinciblement froissée par ses propres armes… et on aimerait de tout son cœur le ministre d’une si grande vengeance, si… 192 » Quand le scepticisme est devenu de mode, il ne suppose ni pénétration d’esprit ni finesse de critique, mais bien plutôt hébétude et incapacité de comprendre le vrai. « Il est commode, dit Fichte, de couvrir du nom ronflant de scepticisme le manque d’intelligence. […] L’Église aura des indulgences pour les égarements du cœur, et puis il est si commode à la fatuité aristocratique de croire que la masse du genre humain est absurde et méchante et d’avoir sous la main une lourde autorité pour couper court aux raisonnements de ces impertinents philosophes, qui osent croire à la vérité et à la beauté. […] Voilà un homme qui ne peut manquer de faire fortune, mieux que nous autres lourdauds qui avons la sottise de prendre les choses au sérieux… Il est temps que tous les partis qui ont à cœur la vérité renoncent à ce moyen si peu scientifique. […] Littérature d’épicuriens, bien faite pour plaire à une classe riche et sans idéal, mais qui ne sera jamais celle du peuple : car le peuple est franc, fort et vrai ; littérature au petit pied, renonçant de gaieté de cœur à la grande manière de traiter la nature humaine, où tout consiste en un certain mirage de pensées et d’arrière-pensées : nulle assise, un miroitement continuel.

1696. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Mme de Châteauroux, sa maîtresse d’alors, avait du cœur ; elle sentit l’inspiration généreuse et la communiqua. […] Ainsi la jeune Pompadour fit son entrée à Versailles à titre de beauté sage, dont le cœur s’était senti pris uniquement pour un héros fidèle. […] Oui, sans doute ; car, dans le fond de son cœur, elle était des nôtres ; elle protégeait les lettres autant qu’elle le pouvait : voilà un beau rêve de fini ! […] Pourtant le caractère de Louis XV étant donné, c’est encore ce qui pourrait peut-être arriver de, mieux à ce roi que de tomber aux mains d’une femme « née sincère, qui l’aimait pour lui-même, et qui avait de la justesse dans l’esprit et de la justice dans le cœur : cela ne se rencontre pas tous les jours. » Telle est, du moins, l’opinion de Voltaire, jugeant Mme de Pompadour après sa mort.

1697. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Les affections de son cœur étaient douces, les mouvements de son esprit impétueux. […] l’envie n’a point encore pénétré dans son cœur. […] Bientôt ce moyen se présenta à sa pensée, ou plutôt à son cœur : il se dépouilla de ses vêtements, il en couvrit Gessner, et, le regardant avec complaisance, il jouit de ce spectacle sans se permettre aucun mouvement, dans la crainte d’en interrompre la durée.

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