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533. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Ainsi Lamartine, quand une dame lui présente un album pour y écrire des vers, s’inspire de la circonstance, de l’objet qu’il a sous les yeux, et improvise cette belle comparaison : Sur cette page blanche où mes vers vont éclore, Qu’un souvenir parfois ramène votre cœur.

534. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

L’épigramme peut tout au plus relever et mettre en son jour quelque circonstance brillante de ces évenemens ; elle peut nous en faire admirer quelque trait, mais elle ne peut nous y interesser. à peine en compte-t-on cinq ou six bonnes parmi les anciennes et les modernes qui roulent sur de pareils sujets.

535. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Comme on s’obstina bien longtemps dans la comparaison fatale entre la Restauration des Bourbons et la Restauration des Stuarts, et, plus tard, comme on voulut voir de mystérieuses identités entre la Révolution de 1830 et la Révolution de 1688, de même aujourd’hui la fin d’une République, l’ascendant dynastique d’un homme qui semble avoir absorbé si profondément dans sa gloire le nom de César que, quand on le prononce, c’est à Napoléon qu’on pense, aux qualités impériales retrouvées dans le neveu du César moderne de manière à rappeler involontairement le neveu du César ancien, toutes ces diverses circonstances ont introduit dans les esprits la préoccupation de la grande époque romaine et fait regarder beaucoup la nôtre à travers… Le titre du livre de l’abbé Cadoret semble tout d’abord rappeler cette préoccupation contemporaine.

536. (1898) Essai sur Goethe

La plupart restaient comme attachés à leur auteur, en relations étroites avec les circonstances personnelles qui les avaient produits. […] D’autres circonstances, d’ailleurs, contribuaient encore à l’isoler. […] Mais les autres, autour de lui, se laissaient entraîner, façonner par ces circonstances extérieures auxquelles il résistait de toute la force de son âme calme. […] Le récit de sa vie, c’est le simple exposé des circonstances qui ont favorisé cet heureux développement. […] Ajoutez à cela que les circonstances de sa vie intime n’étaient peut-être pas non plus très favorables au travail.

537. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Gaullieur, dans son introduction, a eu le soin de s’arrêter sur quelques circonstances de la biographie de Mme de Charrière, de développer ou de rectifier plusieurs points où les renseignements antérieurs avaient fait défaut. […] Les circonstances ont changé mon goût : à Paris, je cherchais tous les gens d’un certain âge, parce que je les trouvais instruits et aimables ; ici, les vieux sont ignorants comme les jeunes, et roides de plus. […] Au reste, je m’accroche aux circonstances pour justifier mes défauts. […] Le refrain habituel de Benjamin Constant, dans toutes les circonstances petites ou grandes de la vie, était : « Je suis furieux, j’enrage, mais ça m’est bien égal. […] En cette rude circonstance, Benjamin Constant se montra parfait de dévouement filial.

538. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’avais vu que tout était prêt pour l’explosion… Les paysans accouraient au-devant de moi ; ils me suivaient avec leurs femmes, leurs enfants, tous chantant des rimes, improvisées pour la circonstance, dans lesquelles ils traitaient assez mal le Sénat. […] Ni les circonstances de la vie, ni celles de la personne n’ont aucune identité ; il en résulte qu’à quelques égards elle se montre dans le cours du roman tout autre qu’il ne l’a annoncée. […] Toutes les circonstances extérieures et sociales empruntées au personnage de Mme Lindsay, et qui étaient faites dans le temps pour donner le change à la curiosité, ne détruisent pas cette vue intime.

539. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

En 1760, au Grandval, chez le baron d’Holbach, partagé entre la société la plus séduisante et les travaux de philosophie ancienne qu’il rédigeait pour l’Encyclopédie, ces circonstances d’autrefois lui revenaient à l’esprit avec larmes ; il remontait par la rêverie le cours de sa triste et tortueuse compatriote, la Marne, qu’il retrouvait là, sous ses yeux, au pied des coteaux de Chenevières et de Champigny ; son cœur nageait dans les souvenirs, et il écrivait à son amie, mademoiselle Voland : « Un des moments les plus doux de ma vie, ce fut, il y a plus de trente ans, et je m’en souviens comme d’hier, lorsque mon père me vit arriver du collège, les bras chargés des prix que j’avais remportés, et les épaules chargées des couronnes qu’on m’avait décernées, et qui, trop larges pour mon front, avaient laissé passer ma tête. […] On comprendra, d’après de telles circonstances, comment celui des philosophes du siècle qui sentit et pratiqua le mieux la moralité de la famille, qui cultiva le plus pieusement les relations de père, de fils, de frère, eut en même temps une si fragile idée de la sainteté du mariage, qui est pourtant le nœud de tout le reste ; on saisira aisément sous quelle inspiration personnelle il fit dire à l’O-taïtien dans le Supplément au Voyage de Bougainville : « Rien te paraît-il plus insensé qu’un précepte qui proscrit le changement qui est en nous, qui commande une constance qui n’y peut être, et qui viole la liberté du mâle et de la femelle en les enchaînant pour jamais l’un à l’autre ; qu’une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu ; qu’un serment d’immutabilité de deux êtres de chair à la face d’un ciel qui n’est pas un instant le même, sous des antres qui menacent ruine, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au pied d’un arbre qui se gerce, sur une pierre qui s’ébranle ?  […] Les moindres récits courent alors sous sa plume, rapides, entraînants, simples, loin d’aucun système, empreints, sans affectation, des circonstances les plus familières, et comme venant d’un homme qui a de bonne heure vécu de la vie de tous les jours, et qui a senti l’âme et la poésie dessous.

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